Newsletter Du 15 Au 19 Juillet 2024 | N° 83

MB
Monfrini Bitton Klein

Contributor

Based in Geneva, but borderless in its reach, Monfrini Bitton Klein is a litigation-only Swiss law firm, internationally recognised for asset recovery, business crime and cross-border litigation. We are representatives for Switzerland of ICC-FraudNet, the leading global network of fraud and asset recovery lawyers.
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude...
Switzerland Criminal Law
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Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_681/2023 du 27 juin 2024 | Déni de justice et violation du droit d'être entendu pour absence de suite donnée à des courriers requérant le droit de participer à la procédure cantonale de recours d'un tiers touché par un sequester (art. 29 Cst.)

  • Le 1er février 2022, B. a déposé une plainte pénale contre C., D., E. et F. pour abus de confiance et blanchiment d'argent. Elle leur reprochait notamment d'avoir disposé sans droit des titres qu'elle avait déposés auprès de C. – société sous contrôle a priori des trois mis en cause précités – en particulier en les transférant à son insu à des sous-dépositaires, en « participant » à leur nantissement en faveur de A. Ltd et en les vendant pour partie; E. et F. auraient ainsi, par le biais de C., acquis A. Ltd et celle-ci aurait prêté pour ce faire les fonds nécessaires à celle-là, laquelle lui aurait alors remis en nantissement les avoirs de la partie plaignante.
  • Par ordonnance du 16 février 2022, le Ministère public de la République et canton de Genève (« Ministère public ») a ordonné le séquestre du compte détenu par A. Ltd (USD 24 millions) auprès de la banque G. en Suisse.
  • Par ordonnance du 13 décembre 2022, le Ministère public a classé la procédure pénale. L'issue du litige imposait aussi la levée du séquestre portant sur le compte détenu par A. Ltd.
  • Par arrêt du 4 mai 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (« CPR ») a admis le recours formé par B. contre cette ordonnance, l'a annulée et a renvoyé la cause au Ministère public pour qu'il continue l'instruction. Elle a également ordonné le maintien du séquestre portant sur le compte détenu par A. Ltd.
  • Par acte du 2 juin 2023, A. Ltd en liquidation (« Recourante ») a formé un recours auprès du Tribunal fédéral en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente en lui enjoignant de lui remettre copies des actes déposés le 23 décembre 2022 par B. devant la CPR, de toutes les pièces déposées par les parties à la procédure cantonale de recours et de tout autre document du dossier qui lui permettrait d'exercer convenablement son droit d'être entendue, ainsi que de lui octroyer un délai suffisant pour formuler ses observations une fois les pièces précitées reçues.
  • La Recourante s'est prévalue d'un déni de justice et de violations de son droit d'être entendue (art. 29 Cst.). À l'appui de ses griefs, elle a notamment soutenu d'avoir le statut de tiers touché par un acte de procédure (cf. art. 105 al. 1 let. f CPP), lequel aurait donc dû conduire l'autorité précédente à lui reconnaître le droit de participer à la procédure cantonale de recours contre l'ordonnance du Ministère public qui avait notamment levé le séquestre portant sur ses avoirs. Elle a également reproché à la cour cantonale de n'avoir pas donné suite à ses courriers du 9 et du 20 mars 2023, lesquels tendaient à obtenir un droit de participer à cette procédure (consid. 2.1).
  • Le Tribunal fédéral a commencé par rappeler que l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (consid. 2.2.1).
  • Une autorité viole également le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle ne respecte pas son obligation de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Le droit d'être entendu comprend également le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (consid. 2.2.2 et 2.2.3).
  • In casu, notre Haute Cour a constaté que les courriers du 9 et du 20 mars 2023 tendant à obtenir un droit de participer à la procédure cantonale de recours (dont la requête était la suivante : « Dans la mesure où ce classement peut entraîner la levée des mesures de blocage visant les avoirs de notre mandante [à savoir A. Ltd (en liquidation)], cette dernière souhaite pouvoir recevoir une copie du recours et de ses pièces afin de pouvoir se prononcer à son sujet ») figuraient effectivement dans le dossier cantonal produit dans la présente cause (consid. 2.3).
  • Or, on ne trouvait au dossier ou dans l'arrêt attaqué aucun élément qui permettrait de comprendre quelles avaient été les suites données à ces requêtes. En particulier, rien ne permettait de discerner quels seraient les motifs retenus par l'autorité cantonale pour considérer que la Recourante – qui ne s'était certes a priori pas manifestée antérieurement en lien avec le séquestre litigieux – n'aurait pas le statut de tiers touché par un acte de procédure et ne disposerait par conséquent d'aucun droit de participer à la procédure cantonale de recours pour défendre ses intérêts dans les limites de l'art. 105 al. 2 CPP. On ne saurait en particulier considérer que l'issue du litige devant l'autorité précédente aurait constitué une motivation implicite, puisqu'il en découlait l'annulation de la levée du séquestre litigieux, qui avait pour conséquence que l'éventuel titulaire des avoirs concernés – qualité dont se prévaut la Recourante – voyait ainsi sa position péjorée (consid. 2.3).
  • Dès lors, le Tribunal fédéral a considéré que la CPR avait commis un déni de justice, respectivement avait violé le droit d'être entendue de la Recourante, en rendant l'arrêt attaqué sans avoir statué sur les requêtes des 9 et 20 mars 2023 ou motivé un éventuel rejet de celles-ci dans les considérants de sa décision (consid. 3).
  • Partant, le recours a été admis.

TF 7B_852/2023 du 1 juillet 2024 |Reconnaissance de la qualité de partie plaignante au Département de la santé et de l'action sociale du canton de Vaud (art. 104 al. 2 CPP ; art. 7 al. 1 let. j LASV/VD)

  • Le 21 décembre 2022 la Direction générale de la cohésion sociale (« Recourant 1 »), agissant pour le compte du Département de la santé et de l'action sociale du canton de Vaud (« Recourant 2 ») a déposé auprès du Ministère public de l'arrondissement de La Côte (« Ministère public ») une dénonciation pour escroquerie contre les époux A. et B. Parallèlement à la dénonciation pénale, une décision de restitution des prestations perçues indûment a été rendue le 25 novembre 2021 contre A. et B.
  • À la suite de la modification du 1er janvier 2023 de l'art. 7 al. 1 let. j de la loi du 2 décembre 2003 sur l'action sociale vaudoise (« LASV/VD »), le Recourant 1 s'est constitué partie plaignante dans le cadre de la procédure pénale par courrier du 17 mai 2023. Cette qualité lui a été refusée par le Ministère public, car il a considéré que les faits avaient été dénoncés le 21 décembre 2022, soit antérieurement au 1er janvier 2023. Par arrêt du 29 septembre 2023, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours.
  • Le 31 octobre 2023, le Recourant 1 et le Recourant 2 ont formé un recours au Tribunal fédéral contre cette décision, en concluant à sa réforme en ce sens que la qualité de partie du Recourant 2 soit admise, lequel agit par le Recourant 1.
  • Le point litigieux de cet arrêt est la qualité de partie plaignante du Recourant 2, exercée par le biais du Recourant 1, en application de l'art. 104 al. 2 CPP et l'art. 7 al. 1 let. j LASV/VD (consid. 3).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu'il suffisait, en principe, que le bien juridique individuel dont le lésé invoquait l'atteinte soit protégé secondairement ou accessoirement, même si la disposition légale protégeait en première ligne des biens juridiques collectifs. De plus, il a affirmé que selon l'art. 104 al. 2 CPP, la Confédération et les cantons pouvaient reconnaître la qualité de partie, avec tous les droits ou des droits limités, à d'autres autorités chargées de sauvegarder des intérêts publics. Il a ajouté que la qualité de partie devait être expressément prévue dans une loi au sens formel (consid. 3.1.1 ss).
  • Notre Haute Cour a également relevé que la modification de l'art. 7 al. 1 let. j LASV/VD visait à garantir au Recourant 2 – par l'intermédiaire du Recourant 1 – la qualité de partie plaignante tant sur le plan civil que sur le plan pénal, afin notamment de solliciter des mesures d'instruction dans le but d'investiguer et recouvrer des prestations indûment perçues. De plus, l'ancien article avait une teneur similaire à une disposition fribourgeoise ayant conduit le Tribunal fédéral à nier la qualité de partie au service fribourgeois de l'action sociale (consid. 3.2.1).
  • Les juges de Mon-Repos ont indiqué qu'il était incontesté que (i) l'art. 7 al. 1 let. j LASV/VD dont se prévaut le Recourant 2 pour établir sa qualité de partie se trouve dans une loi au sens formel, (ii) que cette disposition est applicable au cas d'espèce, quand bien même la dénonciation a été déposée antérieurement à son entrée en vigueur et (iii) que le Recourant 2 est une autorité chargée de sauvegarder des intérêts publics au sens de l'art. 104 al. 2 CPP (consid. 3.3).
  • Toutefois, demeure litigieuse la question de savoir si l'application de l'art. 104 al. 2 CPP ne peut se concevoir, dans les cas où la qualité de partie accordée par le droit cantonal n'est pas limitée, que dans le cadre de l'art. 104 al. 1 CPP, soit seulement si l'État est directement atteint dans ses droits personnels à l'instar d'un privé (consid. 3.4).
  • In casu, le Tribunal fédéral a jugé le raisonnement de la cour cantonale contraire aux principes rappelés ci-dessus. En effet, celle-ci tendait de réintroduire, pour pouvoir faire application des art. 104 al. 2 CPP et 7 al. 1 let. j LASV/VD, la condition prévalant pour reconnaître la qualité de partie plaignante au sens de l'art. 104 al. 1 let. b CPP, à savoir l'existence d'une atteinte personnelle et directe (cf. art. 115 al. 1 CPP). Ce faisant, la cour cantonale avait omis de prendre en considération que la qualité de partie au sens de l'art. 104 al. 2 CPP et du droit cantonal adopté en l'occurrence sur cette base est indépendante du statut de lésé. En outre, le seul fait qu'une décision administrative visant à obtenir la restitution des prétentions perçues indûment ait été rendue en novembre 2021 ne saurait en outre suffire pour écarter tout intérêt pour le Recourant 2, en tant que service légitimé par le droit cantonal, à participer à la procédure d'instruction (consid. 3.4.2).
  • Dès lors, notre Haute Cour a considéré que le Recourant 2 disposait, dans la procédure pénale ouverte, de la qualité de partie en application des art. 104 al. 2 CPP et 7 al. 1 let. j LASV/VD. Cependant, en tant qu'une décision visant à obtenir la restitution des prestations indues avait été rendue, il se pourrait que la constitution de partie se limite de facto à l'aspect pénal. Le Tribunal fédéral a donc indiqué qu'il appartiendra aux autorités d'instruction d'examiner cette question en tant que de besoin (consid. 3.4.3).
  • Partant, le recours a été admis.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 7B_242/2022 du 20 juin 2024 | Cas d'abus de confiance confirmé (art. 138 CP)

  • C., en collaboration avec le prétendu banquier D. et avec le concours des sociétés E. et F., a proposé à divers investisseurs d'investir leur argent de manière très rentable. La société E. aurait conclu à cet effet des contrats « pour l'acquisition d'une participation partielle ». Selon ces contrats, les investisseurs auraient acquis une participation partielle dans la société E., dans le but de réaliser un projet d'investissement commun. La durée des contrats était de 3, 6, 9 ou 12 mois. Les contrats mentionnaient comme garantie des actions déposées à titre fiduciaire et provenant des actifs de E. qui s'était engagée à investir le montant de l'investissement de manière à obtenir le rendement prévu dans le délai fixé. Les contrats conclus à l'été 2010 prévoyaient des rendements mensuels de 15 %, puis de 8 % à partir de novembre et enfin de 5 %. Au total, 157 contrats auraient été conclus avec 133 investisseurs à partir du 12 mai 2010 et une somme de CHF 4'169'277.96 aurait été versée sur les comptes de la société jusqu'au 15 avril 2011.
  • D'autres investisseurs ont conclu des contrats avec F. dans le cadre des trois contrats suivants : contrat de société – participation tacite I, contrat de société – participation tacite II et contrat de prêt privé – prêt de société. Les investisseurs auraient participé à la société F. pendant une période fixe, laquelle se serait à son tour « engagée » à hauteur de 31 /3 fois la participation à l'expiration de la période. 17 investisseurs auraient ainsi transféré CHF 1'998'522.02 sur les comptes de E. entre le 8 octobre 2010 et le 22 mars 2011.
  • La confiance de C. en D. se serait fissurée au fil du temps, car ce dernier n'aurait pas répondu aux attentes en matière de placements rentables. C'est pourquoi C. a chargé A. à l'automne 2010 de se faire initier par D. en tant que trader et d'effectuer à l'avenir les placements (à la place de D.). A. aurait utilisé à ses propres fins les fonds transférés sur ses comptes en vue de leur placement (d'une part des paiements directs de quatre investisseurs, d'autre part des paiements de E.).
  • Le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation de A. pour abus de confiance répétés.
  • En particulier, notre Haute Cour a confirmé que les investissements des quatre investisseurs étaient tous des fonds confiés avec une obligation de conservation de la valeur au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP. Cela découlait de l'accord contractuel correspondant, indépendamment de la désignation du contrat choisie par les parties (comme participation tacite ou « participation partiaire »). Ainsi, selon les constatations de l'instance précédente, les contrats étaient limités à une durée courte et bien définie, garantissaient le remboursement de l'intégralité de l'apport à l'échéance, ne contenaient par conséquent pas de convention de participation aux pertes ou d'obligation d'effectuer des versements supplémentaires et prévoyaient en partie la garantie de l'apport par des actions d'une société tierce. Les rendements élevés promis n'y changeaient rien. Les explications en matière de droit des sociétés de A. ne permettaient pas de déduire quoi que ce soit en sa faveur pour la qualification juridique des contrats et la question de l'obligation de conserver la valeur dans le cas présent (consid. 6.3).
  • Partant, le recours formé par A. a été rejeté.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 4A_31/2024 du 13 juin 2024 | Rappel de jurisprudence : la cédule hypothécaire au porteur constitue un titre propre à fonder une reconnaissance de dette (art. 82 al. 1 LP)

  • Dans cet arrêt, A. (« Recourant ») s'est vu notifier un commandement de payer en réalisation d'un gage immobilier pour un montant de CHF 3'403'499.16, intérêts en sus, et ayant comme cause de l'obligation : « [La] [c]édule hypothécaire au porteur, en 1er rang de CHF 3'600'000.- [...] grevant le gage ci-après mentionné ». Le Recourant a formé opposition.
  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu'une cédule hypothécaire au porteur est un papier-valeur qui incorpore à la fois la créance et le droit de gage immobilier qui en est l'accessoire. De ce fait, la cédule hypothécaire est une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP et vaut titre de mainlevée pour toute la créance instrumentée dans le titre. Le poursuivant ne doit donc pas produire une reconnaissance de dette pour la créance causale (consid. 4).
  • In casu, en introduisant une poursuite en réalisation de gage immobilier sur la base d'une cédule hypothécaire au porteur, et quand-bien même la créancière-gagiste avait réduit le montant de la créance cédulaire (créance abstraite), notre Haute Cour a retenu d'une part que le montant de la créance ressortait clairement du commandement de payer, d'autre part, que la cédule hypothécaire était un titre suffisant propre à fonder une reconnaissance de dette (consid. 4).
  • Partant, le recours a été rejeté.

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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