Newsletter Du 13 Au 17 Mai 2024 | N° 75

MB
Monfrini Bitton Klein

Contributor

Based in Geneva, but borderless in its reach, Monfrini Bitton Klein is a litigation-only Swiss law firm, internationally recognised for asset recovery, business crime and cross-border litigation. We are representatives for Switzerland of ICC-FraudNet, the leading global network of fraud and asset recovery lawyers.
Rejet de la qualité pour recourir systématique d'un prévenu contre une ordonnance refusant de dénier la qualité d'une unique partie plaignante
Switzerland Criminal Law
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I. ProcÉdure pÉnale

TF 7B_51/2024

Rejet de la qualité pour recourir systématique d'un prévenu contre une ordonnance refusant de dénier la qualité d'une unique partie plaignante [p. 2]

TF 7B_72/2023

Ambiguïté sur la qualification d'une notification, par une société de recouvrement suisse, d'une contravention à la loi sur la circulation routière constatée par une commune italienne [p. 3]

TF 6B_921/2023*

Amende d'ordre infligée à une Procureure pour absence non excusée à une audience d'appel jugée contraire au droit ; retrait fictif de l'appel joint en raison de l'absence non excusée du Ministère public jugé conforme au droit [p. 5]

II. Droit pÉnal Économique

-

III. Droit international privÉ

-

IV. Droit de la poursuite et de la faillite

TF 5A_999/2022

Reconnaissance et exequatur d'une décision de l'United States District Court de New York
octroyant le statut de « receiver » [p.8]

V. entraide internationale

Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_51/2024 du 25 avril 2024 | Rejet de la qualité pour recourir systématique d'un prévenu contre une ordonnance refusant de dénier la qualité d'une unique partie plaignante (art. 382, 385 al. 1 CPP)

  • Le 11 mai 2021, B. (« Plaignant ») a déposé plainte contre A. (« Prévenu, Recourant ») pour escroquerie et violation de l'ordonnance du 25 mars 2020 sur l'octroi de crédits et de cautionnements solidaires à la suite du coronavirus (« Ordonnance coronavirus du 25 mars 2020»). Le 24 août 2021, le Ministère public de la République et canton de Genève (« Ministère public ») a ouvert une instruction pénale contre le Prévenu. Il a par la suite rendu une ordonnance pénale et l'a condamné pour escroquerie, faux dans les titres et infraction à l'Ordonnance coronavirus du 25 mars 2020. Le Recourant et le Plaignant ont formé opposition à cette ordonnance pénale. Le 4 juillet 2023, le Prévenu a demandé au Ministère public que la qualité de partie plaignante soit niée au Plaignant. Par ordonnance, le Ministère public a refusé sa demande. L'ordonnance a été confirmée par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice, en déclarant le recours du Prévenu irrecevable.
  • Devant le Tribunal fédéral, le Recourant a reproché à l'autorité cantonale d'avoir considéré, à tort, son recours irrecevable, faute d'avoir suffisamment motivé sa qualité pour recourir (art. 382 CPP cum 385 CPP) alors qu'elle aurait été prétendument manifeste (consid. 2.1).
  • Notre Haute Cour a rappelé qu'au sens de l'art. 382 al. 1 CPP, il existe un intérêt juridiquement protégé lorsque le recourant est touché directement immédiatement dans ses droits propres. Dans le cadre des voies de droit instituées par le CPP, un simple intérêt de fait ne suffit pas à conférer la qualité pour recourir. Le Recourant doit ainsi établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu'il peut en conséquence en déduire un droit subjectif (consid. 2.2.1).
  • D'autre part, l'art. 385 al. 1 CPP, prévoit que si cela est prévu par la loi, le recours doit être dûment motivé, la personne qui recourt doit indiquer précisément les points de la décision qu'elle attaque (let. a), les motifs qui commandent une autre décision (let.b) et les moyens de preuve qu'elle invoque (let.c). De plus selon la jurisprudence, la motivation peut contenir tout autant des motifs de fait que de droit et doit être entièrement contenue dans l'acte lui-même. La décision ne saurait, en principe, être complétée ultérieurement. Par ailleurs, elle doit être complète, en ce sens qu'un simple renvoi à d'autres écritures n'est pas suffisant (consid. 2.2.2).
  • In casu, premièrement, le Recourant n'avait dans son mémoire de recours cantonal, formulé aucun développement spécifique relatif à la recevabilité de son recours et en particulier sur son intérêt. Il lui appartenait, selon le Tribunal fédéral, d'établir sa qualité pour recourir et de démontrer en quoi l'ordonnance querellée violait une règle de droit qui avoir pour but de protéger ses intérêts (consid. 2.3.1).
  • Deuxièmement, notre Haute Cour ne l'a pas suivi lorsqu'il a tenté de déduire d'un arrêt antérieur que tout prévenu qui contestait la qualité d'une unique partie plaignante, devait être dispensé de démontrer sa qualité pour recourir en raison d'un intérêt manifeste. A cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé que l'autorité cantonale disposait d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit et donc d'un large pouvoir d'appréciation quant au fait de retenir « un intérêt manifeste à recourir» ou moins. Cela étéant dit, il n'y avait pas lieu de considérer que la qualité pour recourir d'un prévenu contre une ordonnance ayant refusé de dénier la qualité de partie plaignante à une partie serait d'emblée évidente (consid. 2.3.2).
  • Troisièmement, le Tribunal fédéral a refusé de suivre le Recourant lorsqu'il a affirmé avoir donné des indications relatives à son intérêt juridiquement protégé dans la partie de son mémoire de recours dédiée à sa requête d'effet suspensif. Notre Haute Cour a retenu que ses simples affirmations ne permettaient pas de démontrer que le Recourant disposait d'un intérêt à recourir contre le rejet de sa requête tendant à dénier la qualité de partie plaignante au Plaignant. De surcroît, il ne suffisait pas de se référer à des dispositions légales ou à des arguments formulés au fond pour considérer qu'il existait un intérêt immédiat à l'examen de la qualité de partie plaignante (consid. 2.3.3).
  • Partant, le recours a été rejeté.

TF 7B_72/2023 du 29 avril 2024 | Ambiguïté sur la qualification d'une notification, par une société de recouvrement suisse, d'une contravention à la loi sur la circulation routière constatée par une commune italienne (art. 271 CP)

  • Le 3 avril 2018, C. a commis une infraction à la législation italienne sur la circulation routière. En novembre 2018, la Commune U. a notifié une contravention à C., qui, à réception, a payé l'amende y afférente (CHF 120.40) par bulletin de versement rouge.
  • Le 2 mars 2020, D. SA, société anonyme suisse active dans les domaines des renseignements commerciaux et économiques, du recouvrement de créances et des remises de commerce, dirigée par A. et B (« les Recourants »), a adressé à C., à son domicile fribourgeois, un courrier auquel était annexé un bulletin de versement orange portant sur un montant de CHF 542.35. Le courrier, qui faisait référence à l'infraction commise le 3 avril 2018 avait la teneur suivante: « Hiermit informieren Wir Sie, dass wir von der Gläubigerin beauftragt wurden, die obengennante Forderung einzutreiben, welche zuständig für das einkassieren der Unbezahlte Geldstrafen für Verkehrsdelikten in Italien ist. Bis heute hat die Gläubigerin Comune di Torino - Polizia Municipale keine Zahlung für die obenstehende Forderung erhalten. Wir bitten Sie, die verfallene Rechnung von CHF 542.35 bis zum 14.03.2020 mittels beiliegendem Einzahlungsschein zu überweisen. Sollten Sie per Rate zahlen oder einen Teil oder die ganze Forderung bestreiten, dann bitten wir Sie, dies innert der gleichen Frist schriftlich mitzuteilen mit Angabe Ihrer Referenznummer. Sie können uns entweder per Post schreiben oder per Email an folgende Adresse: collect@lausanne.creditreform.ch. » .
  • Le 18 mars 2020, C. a dénoncé D. SA ainsi que la Commune U. au Ministère public de la Confédération. Par jugement du 22 juin 2022, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral a condamné A. et B. pour actes exécutés sans droit pour un État étranger (art. 271 ch. 1 CP) à des peines pécuniaires de 30 jours-amende avec sursis pendant 2 ans. La Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral a confirmé le jugement du 22 juin 2022 tout en réformant les peines infligées
  • Les Recourants ont contesté leurs condamnations et invoqué une violation du principe nulla poena sine lege (art. 1 CP) (consid. 3).
  • L'art. 271 ch. 1 CP réprime quiconque, sans y être autorisé, procède sur le territoire suisse pour un État étranger à des actes qui relèvent des pouvoirs publics. Est ainsi prohibé tout acte - réalisé en Suisse dans l'intérêt d'un État étranger - qui, selon son but et sa nature, se caractérise comme une activité officielle, relevant de la puissance publique. Ce qui est déterminant, c'est l'acte en lui-même et non le statut de la personne - fonctionnaire, mandataire ou simple auxiliaire - qui l'accomplit (consid. 3.2.2).
  • Il est reconnu que les actes exécutés sur territoire suisse en conformité avec le droit de l'entraide judiciaire internationale sont ipso facto réputés avoir été « autorisés » au sens de l'art. 271 ch. 1 CP, et ce au-delà de l'existence d'une autorisation au sens de l'art. 31 al. 1 OLOGA (consid. 3.4.1).
  • Le Tribunal fédéral a relevé que, ni la CEEJ ni l'Accord CEEJ Suisse-Italie ne prévoient de disposition spécifique s'agissant de la mise en Suvre de l'entraide en matière d'exécution de condamnations pénales. En application du principe de faveur, le droit interne, soit l'EIMP, est donc applicable art. 1 al. 1 EIMP) (consid. 3.4.2.2).
  • In casu, notre Haute Cour a considéré que la nature du courrier du 2 mars 2020, et en particulier sa portée au regard du droit de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale, prêtait à discussion (consid. 3.5).
  • Le Tribunal fédéral a retenu qu'en tant qu'il avait trait à l'encaissement d'une amende infligée par une autorité communale italienne et entrée en force, le courrier litigieux s'inscrivait bien dans le cadre de l'exécution d'un jugement pénal étranger. Il fallait en particulier se référer à la terminologie employée dans le courrier en question (soit notamment « Forderung einzutreiben», « verfallene Rechnung »), qui correspondait à celle de la LP, de sorte que l'envoi de cet écrit par les Recourants devait être compris comme étant le « premier pas » de l'exécution forcée en Suisse de l'amende prononcée en Italie. Il s'ensuivait que le courrier du 2 mars 2020, envoyé par les Recourants à un résident suisse hors de toute procédure d'exequatur au sens des art. 94 ss EIMP, tombait bien sous le coup de l'art. 271 ch. 1 CP (consid. 3.5.1).
  • Toutefois, notre Haute Cour a souligné que le courrier litigieux était également susceptible d'être perçu comme s'inscrivant dans le prolongement de la notification initiale de la contravention, notification qui avait été valablement effectuée en Suisse par la Commune U. Une telle notification doit être tenue pour conforme au droit de l'entraide judiciaire internationale en matière pénale et doit donc être considérée comme « autorisée » sous l'angle de l'art. 271 ch. 1 CP. Cela étant relevé, il ne serait pas exclu, pour l'autorité étrangère procédant à la notification autorisée en Suisse d'une contravention en matière de circulation routière, de communiquer ses coordonnées bancaires ou de proposer un paiement en ligne, de sorte à permettre au destinataire de la contravention, qui n'entend par hypothèse pas s'y opposer, de régler immédiatement l'amende de son propre gré - à l'instar de ce que prévoit dans un contexte similaire l'art. 6 al. 1 LAO - et ainsi de lui éviter de devoir se rendre à l'étranger pour y procéder. Dans ce contexte, le courrier du 2 mars 2020 pourrait dès lors encore être interprété comme un « courrier de rappel » (consid. 3.5.2).
  • Ainsi, en l'absence d'une réponse qui pourrait être déduite de manière suffisamment claire et précise du droit de l'entraide judiciaire internationale, le Tribunal fédéral a constaté qu'il substituait une incertitude quant au caractère « autorisé » de l'envoi du courrier litigieux selon que celui-ci soit abordé sous le prisme de la notification directe - permise en Suisse – d'un jugement italien portant sur une contravention en matière de circulation routière (cf. consid. 3.5.2) ou sous celui de l'exécution directe - proscrite en Suisse – d'un tel jugement (cf. consid. 3.5.1) (consid. 3.5.2).
  • En tout état, et sans qu'il y ait matière à examiner la licéité du courrier litigieux, le Tribunal fédéral a donc considéré qu'il apparaissait qu'une condamnation des Recourants au titre de l'art. 271 ch. 1 CP se heurtait au principe de la légalité (art. 1 CP) (consid. 3.5.3).
  • Partant, le recours a été admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision.

TF 6B_921/2023 et TF 6B_963/20231 du 25 avril 2024 | Amende d'ordre infligée à une Procureure pour absence non excusée à une audience d'appel jugée contraire au droit (art. 64 CPP) ; retrait fictif de l'appel joint en raison de l'absence non excusée du Ministère public jugée conforme au droit (art. 407 CPP)

  • Le 9 mai 2022, le Bezirksgericht de Lenzbourg a condamné B. pour actes sexuels répétés avec un enfant et infraction à la loi sur les stupéfiants. Le Recourant a fait appel, de même que le Ministère public de Lenzburg-Aarau (« Ministère public»).
  • Par décision du 22 mai 2023, l'Obergericht du canton d'Argovie a convoqué les parties à l'audience d'appel pour le 9 juin 2023. Le 23 mai 2023, le Ministère public, pour lui la Procureure A., a demandé le report de l'audience, qui a été refusé le 30 mai 2023.
  • L'audience d'appel a eu lieu le 9 juin 2023 en l'absence du Ministère public.
  • Par décision du même jour, l'Obergericht argovien a infligé une amende d'ordre de CHF 1'000.- à la Procureure A. qui n'avait pas comparu sans excuse valable.
  • Dans l'arrêt rendu le même jour, l'Obergericht a constaté que l'appel joint du Ministère public était considéré comme retiré, étant donné que la Procureure n'avait pas donné suite à sa citation sans excuse valable.
  • La Procureure A. (« Recourante 1 ») a formé un recours en matière pénale contre la décision de l'Obergericht du 9 juin 2023 et a demandé que celle-ci soit annulée dans son intégralité, que sa nullité soit éventuellement constatée et que, subsidiairement, l'amende soit fixée à CHF 100.-. (6B_921/2023).
  • La Procureure générale du Ministère public argovien (« Recourante 2 ») a formé un recours en matière pénale contre l'arrêt de l'Obergericht du 9 juin 2023 en demandant que celui-ci soit partiellement annulé (6B_963/2023).
  • Il a été reproché à l'instance précédente d'avoir violé les art. 201 al. 2 let. b CPP, 202 al. 3 CPP, 205 al. 4 CPP (en relation avec l'art. 64 al. 1 CPP) art. 407 al. 1 let. a CPP, l'art. 13 Cst. ainsi que l'art. 8 CEDH.
  • En résumé, il a été soutenu que la Recourante 1 n'avait pas été convoquée en bonne et due forme, car la citation ne l'obligeait pas à comparaître personnellement. De plus, elle n'aurait pas été absente sans excuse, l'instance précédente ayant rejeté à tort sa demande de report. Par conséquent, les conditions pour le prononcé d'une amende d'ordre et l'acceptation du retrait fictif de l'appel joint ne seraient pas remplies. La Recourante 2 estimait en outre que l'instance précédente n'aurait pas dû partir du principe que le Ministère public se désintéressait de la suite de la procédure et n'aurait donc pas dû considérer l'appel joint comme retiré (consid. 4.1).
  • Selon l'art. 407 al.1 let. a CPP, l'appel ou l'appel joint est réputé retiré si la partie qui l'a déclaré fait défaut aux débats d'appel sans excuse valable et ne se fait pas représenter. Cette conséquence juridique s'applique aussi au ministère public, dont la participation à l'audience d'appel est obligatoire s'il a interjeté appel ou appel joint (art. 405 al. 3 let. b CPP) (consid. 4.2.2).
  • Le CPP ne détermine pas le rapport entre l'art. 407 al. 1 let. a CPP et l'art. 205 al. 4 CPP (conséquences du défaut). La doctrine est d'avis qu'un cumul des deux dispositions est exclu dans la mesure où, en cas de fiction de retrait de l'art. 407 al. 1 CPP, aucune amende d'ordre n'est possible selon l'art. 205 al. 4 (cum 64 CPP) (consid. 4.2.3).
  • In casu, le Tribunal fédéral a considéré que le non-respect d'une citation à comparaître entraînait, dans le cas de l'art. 407 al. 1 let. a CPP, une perte des droits pour la partie défaillante qui avait déclaré un appel (joint). En règle générale, cela ne prolonge ni ne complique la procédure, mais la liquide entièrement ou partiellement. Par conséquent, il ne se justifiait pas de prononcer en plus de la perte des droits une amende d'ordre (consid. 4.2.3).
  • Partant, le recours de la Recourante 1 a été admis.
  • En vertu de l'art. 405 al. 1 CPP, la direction de la procédure fixe la date, l'heure et le lieu des débats et convoque les parties. Selon l'art. 201 al. 2 CPP, les convocations désignent la personne convoquée et sa qualité (let. b), la sommation à comparaître personnellement (let. e) et les conséquences juridiques d'une absence non excusée (let. f). Lors de la fixation du moment, il est tenu compte de manière appropriée des disponibilités des personnes à citer (art. 202 al. 3 CPP), mais il convient également de respecter le principe de célérité énoncé à l'art. 5 CPP (consid. 4.2.4).
  • Celui qui est empêché de donner suite à une citation à comparaître doit en informer immédiatement l'autorité (art. 205 al. 2 CPP) ; il ou elle doit motiver son empêchement et, dans la mesure du possible, en apporter la preuve (consid. 4.2.5).
  • Dans la mesure où le ministère public a interjeté appel ou appel joint, il doit être convoqué aux débats d'appel (art. 405 al. 3 let. b CPP). Le Tribunal fédéral a précisé que la partie à la procédure d'appel est le ministère public (cf. art. 16 al. 2 et art. 104 al. 1 let. c CPP), représentée en général par le procureur qui a mené l'instruction. La personne qui agit au nom du ministère public doit être nommément désignée dans la citation, étant entendu que cette personne peut sans autre se faire remplacer (consid. 4.2.6).
  • In casu, le Tribunal fédéral a constaté qu'un échange avait eu lieu entre le Ministère public et le greffe au cours duquel plusieurs dates avaient été proposées, mais aucune d'entre elles ne convenaient à la Recourante 1, ni à aucun autre procureur du Ministère public. La Recourante 1 avait par ailleurs souligné qu'elle ne comprenait pas quelle urgence particulière empêchait que l'audience ait lieu en juillet 2023 plutôt qu'en juin 2023. A réception de la convocation, le Ministère public a demandé le report de l'audience pour cause de vacances et a indiqué que personne ne pourrait et ne se présenterait à l'audience (consid. 4.4).
  • Le Tribunal fédéral a considéré que le rejet du report et l'acceptation du retrait fictif de l'appel joint étaient conformes au droit. Il a relevé en particulier que c'était l'autorité qui était visée par la convocation, à savoir le Ministère public, et que les personnes qui représentent cette autorité étaient interchangeables. Ainsi, la citation remplissait les exigences de l'art. 201 al. 2 let. b CPP (consid. 4.5.1).
  • Notre Haute Cour a ensuite mentionné que s'il était approprié que la personne qui représente le ministère public soit celle qui a instruit le dossier, cela n'excluait en principe pas que le ministère public soit représenté par une autre personne, une exception pouvant éventuellement s'appliquer aux procédures particulièrement complexes et volumineuses, menées par un procureur pendant plusieurs années, de sorte qu'une représentation à court terme ne semblerait pas judicieuse (consid. 4.5.2).
  • In casu, il ne s'agissait pas d'un cas particulièrement complexe et volumineux, de sorte que l'absence pour cause de vacances ou l'empêchement de deux procureurs dans un ministère public de dix procureurs ne constituait pas une excuse valable au sens de l'art. 205 al. 3 CPP (consid. 4.5.2).
  • Dans le même sens, le Tribunal fédéral a relevé que l'instance précédente devait tenir compte du principe de célérité lors de la fixation de la date de l'audience d'appel. De ce fait, attendre le retour du procureur compétent début juillet 2023 pour tenir une audience d'appel aurait conduit à une prolongation, et comportait également un risque que les autres parties ne puissent plus être disponibles (consid. 4.5.2).
  • Dès lors, compte tenu du fait que le ministère public est une autorité qui peut en principe être représentée par différentes personnes à l'audience d'appel, le Tribunal fédéral a considéré que l'instance précédente n'avait pas violé le droit fédéral en faisant primer le principe de célérité lors de la fixation de la date. Le rejet de la demande de report s'avérait conforme au droit fédéral pour les mêmes raisons (consid. 4.5.3).
  • Enfin, le Tribunal fédéral a constaté que le Ministère public n'avait pas assisté à l'audience d'appel sans excuse valable, malgré une citation en bonne et due forme, si bien que c'était à juste titre que son appel joint devait considéré comme retiré. Il a également relevé un désintérêt manifeste du Ministère public pour la suite de la procédure pénale : la Recourante 2 avait indiqué dans sa lettre que le Ministère public s'abstiendrait de participer aux débats en connaissance des conséquences légales et la Recourante 1 avait également précisé dans sa demande de report, après avoir été informée au préalable des conséquences d'une absence non excusée, que personne ne pourrait ni ne viendrait à l'audience (consid. 4.5.6).
  • Partant, le recours de la Recourante 2 a été rejeté.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE


TF 5A_999/2022 du 20 février 2024 | Reconnaissance et exequatur d'une décision de l'United States District Court de New York octroyant le statut de « receiver » (art. 25 ss et 166 ss LDIP)


  • Dans le cadre de décisions jointes le 19 juillet 2021 par l'United States District Court de New York condamnant B. (« Intimé ») au paiement de USD 79'957'322.65 et USD 54'599'930.- à deux de ses créanciers, l'instance américaine a nommé A. (« Recourant ») « receiver» (« tiers-séquestre ») pour les biens de l'Intimé. Le Recourant s'est vu confier tout pouvoir sur les biens appartenant directement ou indirectement à l'Intimé, le chargeant d'effectuer des démarches en vue de les localiser, d'en prendre possession et de les conserver. Le Tribunal de New York a sommé le Recourant de prendre toutes les mesures nécessaires à ces fins, notamment introduire des actions en justice, y compris à l'étranger, en lien avec tous les biens faisant l'objet du tiers-séquestre.
  • Le Recourant a déposé une requête par devant le tribunal de première instance à Genève concluant à la reconnaissance et à l'exécution en Suisse des décisions américaines précitées (art. 25 ss LDIP), requête que celui-ci a rejetée. La Cour de justice genevoise a également rejeté son recours.
  • La Cour de justice genevoise a retenu que les décisions dont la reconnaissance et l'exequatur sont demandés par le Recourant relevaient de l'exécution forcée, soit de la faillite, et non de la matière civile, la procédure applicable relevant ainsi des art. 166 ss LDIP et non des art. 25 ss LDIP. Elle en a conclu que dans la mesure où le Recourant n'avait pas préalablement obtenu, ni même requis, la reconnaissance de décisions de faillite étrangères et que les décisions américaines dont il tirait sa qualité de « receiver» n'y étaient pas assimilables, ce statut ne pouvait pas être constaté de manière abstraite sans violer les art. 166 ss LDIP (consid. 3).
  • D'après le Tribunal fédéral, s'agissant de la reconnaissance de décisions étrangères, les dispositions générales des art. 25 ss LDIP s'appliquent dans toutes les matières sur lesquelles porte la LDIP, à l'exception notamment des décisions de faillites étrangères (art. 166-174 LDIP). Pour les décisions portant sur un rapport de droit matériel, mais limitées dans leurs effets à une poursuite en cours, les art. 25 ss LDIP ne s'appliquent pas. Ainsi, les art. 25 ss LDIP ne s'appliquent qu'aux décisions rendues en matière civile, à défaut de celles qui relèvent de l'exécution forcée. En matière de faillite internationale, le chapitre 11 de la LDIP consacre seulement des principes d'entraide. La décision étrangère peut être reconnue en Suisse à des conditions précises (art. 166 LDIP) et cette reconnaissance permet l'ouverture d'une mini-faillite en Suisse (art. 170 LDIP). Celle-ci est soumise au droit suisse et consiste en une procédure ancillaire par rapport à la faillite principale étrangère. La reconnaissance du jugement de faillite étranger selon l'art. 166 LDIP, contrairement à celle selon les art. 25 ss LDIP, n'a pas pour effet d'étendre les effets de la faillite étrangère au territoire suisse et donc d'intégrer celle-ci dans l'ordre juridique suisse. La reconnaissance crée simplement la condition préalable à une forme d'entraide judiciaire en faveur d'une procédure menée à l'étranger (consid. 5.1).
  • La LDIP ne contient aucune disposition sur les poursuites ou sur le droit applicable à celles-ci dans un contexte international. En effet, le droit des poursuites relève du droit public, de sorte qu'il est soumis au principe de territorialité, selon lequel un État ne peut pas imposer ses actes de souveraineté dans un autre. En raison de l'absence de toute disposition dans la LDIP, une poursuite menée en Suisse est exclusivement régie par la LP. Les actes de poursuite étrangers ne sont donc pas reconnus et il n'y a pas d'entraide internationale en la matière. Si le débiteur n'a aucun lien avec la Suisse (art. 46 ss LP), une poursuite n'est possible que s'il possède des valeurs patrimoniales en Suisse, notamment par le biais du séquestre (art. 52 LP) (consid.5.1).
  • In casu, le Tribunal fédéral a estimé que la solution de l'instance inférieure ne prêtait pas le flanc à la critique. Même si elles n'étaient pas du ressort de la faillite, les décisions concernées relevaient bien de l'exécution forcée. Le Recourant avait été nommé pour exécuter de précédentes décisions matérielles statuant sur l'existence des créances. Le but des décisions dont la reconnaissance était demandée était d'exécuter ces décisions au fond, en saisissant des biens appartenant à l'Intimé pour les rapatrier aux Etats-Unis afin de dédommager certains créanciers du débiteur. Ces décisions permettaient au Recourant d'administrer des biens appartenant à l'Intimé pour obtenir le recouvrement de créances au paiement desquelles celui-ci avait été condamné et d'agir lui-même sur le sol suisse, sans recourir aux moyens de contrainte disponibles en Suisse (consid. 5.2).
  • Cette conclusion ne privait au demeurant pas les créanciers étrangers de la possibilité de se faire désintéresser. S'ils entendaient saisir les biens du débiteur en Suisse, il leur restait la possibilité de faire reconnaître les décisions au fond, si les conditions de la reconnaissance étaient remplies, puis d'obtenir un séquestre des éventuels biens (art. 271 al. 1 ch. 6 LP) (consid. 5.2).
  • Partant, le recours a été rejeté.



V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

1 Destiné à publication.

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