Mode, économie circulaire et droit des marques

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Grant Thornton Société d’Avocats

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Face à l'urgence climatique, les pratiques de développement durable se sont multipliées ces dernières années.
France Intellectual Property
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Face à l'urgence climatique, les pratiques de développement durable se sont multipliées ces dernières années.

Elément clé de l'économie circulaire, l'upcycling ne cesse de se développer.

L'adoption de la loi n°2020-105 du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, constitue une véritable avancée pour l'upcycling et prévoit l'interdiction de la destruction des produits textiles neufs. Depuis le 31 décembre 2023, les producteurs, importateurs et distributeurs des articles de mode de tout genre, seront obligés, sauf exception, de réemployer, réutiliser ou recycler leurs invendus.

L'upcycling est défini comme « la fabrication, à partir d'objets ou de matériaux de récupération, de produits de plus haute valeur que les objets ou matériaux d'origine1. »

Cette pratique consiste en la création de nouveaux produits à partir de produits authentiques acquis de manière licite par un tiers. Il s'agit d'un procédé de valorisation d'un produit authentique sans destruction.

La question qui se pose est de savoir si le titulaire d'une marque peut s'opposer à la réutilisation ou au réemploi de sa marque sur un produit upcyclé.

Selon la règle de l'épuisement des droits, le droit du titulaire de la marque est épuisé lorsque les produits ont été mis sur le marché, pour la première fois, dans l'espace européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement2.

L'upcycling serait, selon ce principe, licite et ne porterait pas atteinte à la marque si le produit authentique a été mis en circulation par son titulaire ou avec son autorisation.

Cependant, en matière d'upcycling, les tiers reprennent généralement une seule partie du produit authentique (des boutons, une boucle de ceinture ou des chutes de tissus).

Or, le consentement du titulaire à la première mise en circulation ne s'applique-t-il pas uniquement au produit tel que mis sur le marché et non pas à chacun de ses éléments pris isolément ?

Cette question n'a pas été tranchée par les tribunaux mais dans une telle hypothèse, il est envisageable de penser que les droits sur la marque ne seraient pas épuisés, car le consentement donné à la mise sur le marché n'a porté que sur le produit et non pas sur une partie du produit.

Bien que la jurisprudence française sur l'upcycling soit quasi-inexistante, les décisions rendues par les tribunaux étrangers permettent d'apporter des éclaircissements sur la licéité de l'upcycling et certaines décisions illustrent des justes motifs invoqués par les titulaires des droits pour faire obstacle à l'épuisement des droits :

  • En procédant au délavage de jeans neufs Levi's, un revendeur a été condamné en contrefaçon de marque au motif que le délavage apporté était tel que ce délavage changeait la nature du produit et mettait à mal la fonction d'identité d'origine3.
  • En ajoutant de l'acier et des diamants à des montres Cartier, le tiers upcyclé a altéré de manière substantielle le produit authentique et il en résulte une atteinte à la qualité du produit ainsi qu'à la réputation de la marque4.

Aussi, certains tribunaux semblent exiger que le tiers upcyclé soit parfaitement identifiable et ne doit pas laisser penser qu'il est licencié ou distributeur du titulaire du droit. Il semble impératif que le tiers ne sème pas le doute quant à l'origine économique du produit.

À ce titre, le tribunal du district de New York a considéré qu'un tiers qui répare et transforme des montres de poche Harry Winston, en ajoutant notamment un bracelet, ne porte pas atteinte à cette marque puisque le tiers a pris les mesures nécessaires pour informer le consommateur de tout le processus de transformation et du fait qu'il n'existait aucun lien économique entre lui et la marque5.

À première vue, la réglementation environnementale et les tribunaux étrangers ont tendance à être en faveur de la pratique de l'upcycling, et vont dans le sens d'une véritable promotion de cette pratique.

Reste à voir comment, à l'avenir, les tribunaux français vont articuler l'impératif environnemental avec les impératifs juridiques imposés par le droit de la propriété intellectuelle.

Footnotes

1. Définition issue du « Vocabulaire de l'environnement » publié au Journal Officiel du 8 septembre 2013

2. Article L713-4 du Code de propriété intellectuelle et article 15 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017

3. Cass. Com, 28 janvier 1992, n°90-14.292

4. Tribunal du district de New-York, Cartier v. Aaron Faber, Inc., 27 septembre 2007, No. 05-6615

5. Tribunal du district de New-York, Hamilton International Ltd. v. Vortic LLC, 14 septembre 2021, No. 20-3369

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