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22 August 2024

L'Opposition En France : Rappels De Quelques Spécificités Françaises Et Premier Bilan Des Oppositions Pour Les Brevets De La Classe « A61 » (« Sciences Médicale Ou Vétérinaire ; Hygiène »)

La procédure d'opposition aux brevets français devant l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), possible depuis le 1er avril 2020, bien que très semblable à bien des égards à celle
France Intellectual Property
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1/ Considérations générales sur l'opposition en France

La procédure d'opposition aux brevets français devant l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), possible depuis le 1er avril 2020, bien que très semblable à bien des égards à celle devant l'Office Européen des Brevets (OEB) présente cependant quelques particularités qui sont notamment rappelées ci-après.

→Une durée relativement courte

La durée entre le début de l'opposition et la décision rendue par l'INPI est généralement inférieure à 18 mois, ce qui implique des délais de réponse assez courts pour les parties durant la phase écrite :

  • un délai de 3 mois (non renouvelable) pour le titulaire en réponse au mémoire d'opposition,
  • un délai de 2 mois (non renouvelable) pour chaque partie pour déposer des observations, et le cas échéant pour le titulaire des nouvelles revendications, en réponse à l'avis d'instruction de l'INPI, puis enfin,
  • un dernier délai de 2 mois (non renouvelable) pour un dernier échange entre les parties, laissant la possibilité de déposer des observations, et le cas échéant pour le titulaire des nouvelles revendications.

→Une traduction en français de tous les documents cités, sous peine de leur irrecevabilité

Il est possible de fournir une traduction machine des documents cités, la seule condition étant que son contenu et sa portée puissent être déterminés clairement par l'INPI ou l'autre partie à la procédure.

→ Une phase orale cadrée

Il n'est pas prévu expressément par les textes du code de la propriété intellectuelle (CPI) la possibilité pour le titulaire de déposer de nouvelles revendications le jour de la phase orale.

Quant aux Directives de l'INPI, il est indiqué «Toutes requêtes présentées par les parties pour la première fois le jour de la phase orale sont considérées comme tardives et leur admissibilité dans la procédure est soumise à l'approbation de la commission après audition des autres parties sur ce point».

L'étude des premières décisions rendues montre que l'INPI a dans certains cas accepté des « petites » corrections dans les revendications apportées par le titulaire le jour de la phase orale, sous réserve du respect du contradictoire.

A cet égard la première et récente décision de justice de la Cour d'appel (CA) de Paris en date du 29 mai 2024 (voir notre article du 26 juin à ce sujet) a notamment confirmé la recevabilité d'une requête en modification des revendications le jour de la phase orale.

A noter également que la convocation de l'INPI à la phase orale n'est pas accompagnée d'un ordre du jour, contrairement à ce qui est indiqué dans les Directives de l'INPI.

→ La règle du « Silence vaut rejet » (SVR)

L'opposition est réputée rejetée si l'INPI n'a pas statué dans les 4 mois à compter de la fin de la phase d'instruction (qui est généralement le jour de la phase orale).

L'étude des procédures d'opposition et des décisions rendues à ce jour montreque les décisions reprennent notamment le contenu du procès-verbal (PV) de la phase orale, ce PV étant généralement émis dans les 2 mois du jour de la phase orale.

Ainsi, il est toujours recommandé de demander une phase orale, que ce soit du côté du breveté ou de l'opposant, ne serait-ce que pour disposer d'un tel PV, notamment dans l'éventualité où une partie ou les deux souhaiterai(en)t faire recours de la décision d'opposition de l'INPI devant la Cour d'appel (CA) de Paris.

→ La révocation partielle du brevet

Une des issues possibles de l'opposition est la révocation partielle du brevet, ce qui signifie que seules certaines revendications sont révoquées. Dans le cas d'une révocation partielle le titulaire doit requérir une modification du brevet par écrit auprès de l'INPI une fois que la décision de révocation partielle n'est plus susceptible de recours.

→ Pas de poursuite d'office par l'INPI de la procédure d'opposition

Si l'opposant retire son opposition, l'INPI ne peut pas poursuivre l'opposition de sa propre initiative.

→ Recours devant la Cour d'appel (CA) de Paris

Le recours contre la décision d'opposition de l'INPI est effectué devant la CA de Paris, tout comme le recours contre une décision de rejet de l'INPI d'une demande de brevet. Il s'agit d'un recours en réformation : la CA a connaissance de l'entier litige, et elle statue en fait et en droit. Au cours de la procédure de recours, les parties peuvent produire de nouvelles pièces, preuves et/ou soulever de nouveaux moyens, mais pas de prétentions nouvelles.

Comme indiqué ci-dessus, la CA de Paris a très récemment (le 29 mai 2024) rendu son premier arrêt dans le recours opposant les sociétés BMW/Michelin.

Il est donc important pour les parties d'avoir à l'esprit que la décision qui sera rendue par la CA de Paris, en cas de recours sur opposition, sera rendue sur la base de la jurisprudence appliquée par cette cour. Cette jurisprudence pourra différer sur certains points de celle de l'OEB et sera par la suite appliquée par l'INPI dans les décisions subséquentes.

2/ Considérations sur l'appréciation de l'activité inventive dans la procédure d'opposition

Pour l'appréciation de l'activité inventive dans les procédures d'opposition, l'INPI applique l'approche problème-solution définie par l'OEB avec certaines nuances. Par exemple, comparé à l'OEB, la pratique française est plus exigeante sur la définition de l'homme du métier lors de l'analyse de l'activité inventive.

Il a été observé dans les procédures d'opposition étudiées qu'il était fréquent que l'INPI émette l'objection suivante dans son avis d'instruction rendu durant la phase écrite de la procédure d'opposition :

«Il est constaté que l'opposant ne définit pas l'homme du métier. Or, pour apprécier l'activité inventive, il est nécessaire de le définir et d'en identifier ses connaissances générales, d'autant plus quand l'objet revendiqué découlerait de manière évidente d'une combinaison d'éléments de l'état de la technique et/ou des connaissances générales de cet homme du métier. En l'absence d'une définition précise de l'homme du métier par l'opposant, il est difficile d'analyser son argumentaire.».

Concernant l'arrêt de la CA de Paris ci-dessus mentionné, ce dernier prend soin, lors de l'analyse de l'activité inventive, de bien définir l'homme du métier : «En l'espèce la personne du métier est un spécialiste du marquage des pneumatiques».

Cette pratique est en cohérence avec la pratique observée lors de l'examen des demandes de brevet devant l'INPI.

L'INPI, dans son approche problème-solution lors de l'examen de l'activité inventive, est tenue de définir l'homme du métier (Cass. com., 27 sept 2017, n° 15-23246).

Par exemple si le titulaire, dans sa réponse au rapport de recherche préliminaire, donne une définition de l'homme du métier qui n'est pas partagée par l'INPI, alors l'INPI fait une contre-proposition dans la mise en demeure. Une définition sera nécessaire au moins dans le projet de décision de rejet, pour définir précisément l'homme du métier.

3/ Considérations spécifiques sur l'opposition à des brevets de la classe A61 : premier bilan.

D'après les données publiées par l'INPI au 31 décembre 2023, les domaines techniques des brevets contestés au cours d'une procédure d'opposition se répartissent de la manière suivante :

  • 43 % pour la mécanique,
  • 18 % pour l'électrique et le numérique et
  • 39 % pour la chimie.

Concernant le domaine de la chimie et plus particulièrement les brevets de la classe « A61 » (« Sciences médicale ou vétérinaire ; Hygiène »), 18 oppositions ont été formées :

  • 9 oppositions sont terminées, avec des dates de décision ou de clôture s'échelonnant de mars 2023 à juin 2024,
  • 9 oppositions sont en cours.

Parmi les 9 oppositions terminées, 8 oppositions concernaient des brevets déposés avant le 22 mai 2020, ce qui signifie que ces brevets n'ont pas été étudiés lors de leur examen de délivrance sous l'angle de l'activité inventive.

Parmi les 9 oppositions pendantes, 4 oppositions concernent des brevets déposés après le 22 mai 2020 (donc des brevets examinés pour leur activité inventive).

Parmi les 9 cas d'oppositions terminées, plus de la moitié, à savoir 5 oppositions, ont fait l'objet d'une clôture, pour cause soit de renonciation du titulaire à son brevet (3) ou soit de retrait de l'opposition par l'opposant (2).

Les 4 décisions rendues par l'INPI ont abouti à une « révocation totale du brevet » (3 décisions) ou à un « maintien du brevet tel que délivré » (1 décision).

Notons également qu'à chaque fois l'opposant a pris soin de demander la révocation totale du brevet et non la révocation partielle.

Demander la révocation totale permet notamment à l'opposant d'éviter de se retrouver dans la situation inconfortable où, en réponse à une attaque sur une revendication « 1 » indépendante, le titulaire proposerait une nouvelle revendication « 1 » consistant en une combinaison de la revendication « 1 » indépendante attaquée avec une revendication « 2 » dépendante non attaquée : l'opposant serait alors dans l'impossibilité de demander la révocation de la nouvelle revendication « 1 + 2 » puisqu'il n'a pas demandé la révocation de la revendication 2.

Les tendances observées dans ce bilan ne représentent qu'une photographie à ce jour d'une procédure en pleine évolution. Comme indiqué, les premières oppositions initiées portaient sur des brevets qui n'avaient pas été examinés durant leur procédure de délivrance sous l'angle de l'activité inventive, alors même que le défaut d'activité inventive est le principal motif d'opposition soulevé. Ce cas de figure particulier n'existera cependant plus dans très peu de temps, les futures décisions d'opposition porteront donc sur des brevets délivrés après un examen d'activité inventive.

Les chiffres publiés par l'INPI montrent une montée en puissance de l'opposition en France (93 oppositions formées au 31 décembre 2023), ce qui confirme l'attractivité et l'intérêt de cette nouvelle voie qui s'offre aux tiers pour contester la validité d'un brevet français à moindre coût et dans un temps très court.

Pour plus d'informations sur la procédure d'opposition nous vous invitons à vous rapprocher de nos experts.

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