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2 September 2024

JONUM : le nouveau régime des jeux web3

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Haas Avocats

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On l'attendait depuis un moment : ça y est, le nouveau régime juridique consacré aux jeux web3 est sorti ! Après de longues discussions au Parlement et un passage devant le Conseil Constitutionnel...
France Media, Telecoms, IT, Entertainment
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On l'attendait depuis un moment : ça y est, le nouveau régime juridique consacré aux jeux web3 est sorti ! Après de longues discussions au Parlement et un passage devant le Conseil Constitutionnel, la loi n°2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (dite « loi SREN ») a finalement été adoptée. 

Cette loi très dense instaure à ses articles 40 et 41 un nouveau régime dédié aux jeux en ligne permettant d'obtenir, non pas des gains monétaires, mais des tokens. Elle les qualifie de jeux à objets numériques monétisables (« JONUM  »).

Une réglementation existante mal adaptée aux nouveaux jeux web3

Le secteur du gaming constitue l'une des applications prépondérantes de la blockchain, et plus particulièrement des NFT. Dans le sillage du champion français Sorare, de nombreux jeux se sont développés sur un modèle « play to earn », permettant à leurs utilisateurs de recevoir des récompenses sous forme de crypto-actifs.

Les jeux d'argent et de hasard  font cependant l'objet d'une réglementation stricte.En effet, ces jeux sont par principe interdits. Ils ne sont autorisés qu'à titre dérogatoire et de façon très encadrée. Ils sont en outre placés sous la surveillance d'une autorité de régulation dédiée : l'Autorité nationale des jeux (ANJ).

Les critères de la qualification des jeux d'argent de hasard

En application de l'article L. 320-1 du Code de la sécurité intérieure :

« Sont réputés jeux d'argent et de hasard et interdits comme tels toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé de la part des participants. »

Il ressort de cet article que la qualification de jeu d'argent et de hasard repose sur la réunion des quatre critères suivants :

  1. Le jeu est accessible au public : c'est le cas d'un jeu disponible en ligne ;
  2. Il suppose un sacrifice financier de la part du joueur ;
  3. Le jeu fait intervenir le hasard (il n'est pas nécessaire que le jeu repose uniquement sur le hasard) ;
  4. Il permet d'espérer un gain.

S'est posée la question de l'application de ce régime aux jeux web3. Ainsi, dès 2022, l'ANJ s'était rapprochée de Sorare. Cette dernière avait fait valoir ses arguments auprès de l'autorité : elle contestait en particulier la notion de « sacrifice financier » puisque les joueurs ne pouvaient pas perdre leurs cartes. En outre, les jeux web3 permettent généralement un gain sous forme de NFT, et non directement de sommes d'argent, comme c'est le cas des jeux traditionnels (comme le poker ou les courses de chevaux).

A l'issue de ce débat, Sorare s'est engagée à faire évoluer son offre. L'ANJ, de son côté, a souligné le besoin d'un régime juridique adapté à ces nouveaux jeux. Elle sollicitait ainsi « l'adoption d'une solution pérenne qui passe par une adaptation de la législation pour faire entrer ces nouvelles activités relatives au Web3 dans le cadre de la régulation opérée par l'ANJ mais avec des modalités spécifiques ». 

C'est dans ce contexte qu'a été adopté le régime sur les JONUM.

La nouvelle réglementation des JONUM

En adoptant une loi dédiée aux jeux web3, la France s'est une nouvelle fois montrée pionnière en matière de réglementation des activités liées à la blockchain. Pour rappel, elle l'avait déjà été en adoptant  le régime français des ICO et  celui des PSAN (ces deux régimes, issus de la loi PACTE, seront prochainement remplacés par  le Règlement MiCA).

S'inscrivant dans la même logique, cette loi résulte d'une volonté de permettre à l'innovation de se développer, tout en adoptant un cadre réglementaire destiné à protéger les utilisateurs. Cette loi propose ainsi un régime expérimental prévu pour une durée de 3 ans. 

Le champ d'application des JONUM

La nouvelle réglementation reprend les critères des jeux d'argent et de hasard indiqués plus haut en apportant une différence significative concernant l'espérance de gain : les jeux visés par la nouvelle réglementation ne permettent pas d'obtenir des gains monétaires, mais des «  objets numériques monétisables » (ONUM)

L'article 40 de la loi SREN définit ces ONUM de la façon suivante : « les éléments de jeu qui confèrent aux seuls joueurs un ou plusieurs droits associés au jeu et qui sont susceptibles d'être cédés, directement ou indirectement, à titre onéreux à des tiers ». Le texte vise ici les crypto-actifs, même si la définition donnée est plus large. Ils sont qualifiés de monétisables car ils peuvent être vendus à d'autres personnes, notamment via des plateformes d'échanges. Une réserve néanmoins : ces objets ne doivent pas pouvoir être cédés à titre onéreux à l'entreprise de jeux qui les a émis (ni à une personne agissant de concert avec elle).

La loi SREN prévoit en outre que d'autres récompenses que des ONUM pourront être attribuées à titre accessoire. Elle renvoie néanmoins à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'ANJ, pour déterminer les conditions dans lesquelles cela sera possible.

La régulation des JONUM

La régulation des JONUM est guidée par les mêmes préoccupations que celle des jeux en ligne, au premier rang desquelles se trouve la protection des mineurs. Ainsi, la participation à un JONUM est subordonnée à la création d'un compte de joueur qui implique une vérification préalable de l'identité du joueur et de sa majorité.

Au-delà des mineurs, les entreprises de JONUM seront tenues d'une obligation de prévention des comportements de jeu excessifs, via la mise en place de mécanismes d'auto-exclusion et de dispositifs d'autolimitation des dépenses et du temps de jeu. A cette fin, le joueur devra avoir à disposition une synthèse de ses données de jeu et l'entreprise devra l'informer des risques par un message de mise en garde.

Une autre priorité des autorités est la prévention et la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT). Dès lors, la loi prévoit que les entreprises de JONUM sont assujetties à la réglementation LCB-FT.

Il est également prévu qu'un décret viendra encadrer le montant des récompenses attribuées aux joueurs, ce montant étant plafonné. La communication relative aux JONUM est elle aussi encadrée.

Surtout, l'ANJ sera chargée de la supervision des JONUM. Ainsi, toute entreprise qui entend proposer au public un JONUM devra procéder à une déclaration préalable à l'ANJ. Un dossier devra donc être déposé à l'autorité.

En outre, l'ANJ contrôle le respect par les entreprises des obligations mises à leur charge. Elle pourra à ce titre prononcer des sanctions à l'égard des entreprises de jeux. Le cas échéant, elle pourra interdire à cette entreprise de poursuivre l'exploitation du jeu en question.

Un régime dérogatoire validé par le Conseil Constitutionnel

De nombreux députés ont saisi le Conseil constitutionnel afin qu'il se prononce sur la loi SREN. Cette loi étant très riche, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur de nombreux sujets, dont le nouveau régime des JONUM. Il était notamment reproché à ce régime d'instaurer une différence de traitement entre les opérateurs de jeux d'argent et de hasard classiques et les entreprises de JONUM.

Le Conseil Constitutionnel a néanmoins jugé ce régime conforme à la Constitution. Il a considéré que cette différence de traitement était fondée sur une différence de situation, estimant que les JONUM se distinguaient des jeux d'argents de hasard « par la spécificité du gain susceptible d'être obtenu qui n'est pas un gain monétaire direct mais prend la forme d'un élément même du jeu pouvant ensuite être cédé à titre onéreux à des tiers ».

Le régime des JONUM a donc été validé, ce qui signifie que les entreprises souhaitant proposer ce type de jeux vont devoir s'y conformer.

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