ARTICLE
14 August 2024

Auto-entrepreneurs en sécurité privée : attention à la règlementation CNAPS avant de vous lancer !

Les Jeux Olympiques viennent tout juste de se terminer et jamais la France n'a autant mobilisé un tel arsenal pour sécuriser son territoire pendant cet évènement.
France Employment and HR
To print this article, all you need is to be registered or login on Mondaq.com.

Les Jeux Olympiques viennent tout juste de se terminer et jamais la France n'a autant mobilisé un tel arsenal pour sécuriser son territoire pendant cet évènement.

Avec une projection évaluée à 24 127 effectifs susceptibles d'entrer dans les métiers de la sécurité privée dans les prochains mois (branche prévention sécurité), ce sont des milliers de nouveaux agents qui vont investir un secteur à fort enjeux et strictement encadré puisqu'il s'agit de professions réglementées.

Ces nouvelles recrues, à l'instar d'agents de sécurité plus chevronnés, pourront être tentés - devant certaines difficultés persistantes (turn-over, contraintes horaires, manque de considération, etc.) et pour satisfaire un besoin de flexibilité intrinsèque aux métiers de la sécurité privée - de s'affranchir du statut de salarié et de se lancer seul en optant pour le statut d'auto-entrepreneur, désormais dénommé statut d'entrepreneur individuel.

Si cette prise de décision peut présenter d'indéniables avantages, les conséquences juridiques de ce changement sont parfois mal anticipées, voire ignorées, ce qui peut conduire le nouvel entrepreneur en sécurité privée à faire face à de sérieuses difficultés, notamment dans le cadre d'un contrôle diligenté par les agents du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS).

Cet article a pour objectif de guider les agents de sécurité qui envisagent de franchir ce cap en leur donnant les éléments juridiques nécessaires pour mener à bien leur projet.

Résumé:

  1. Le cadre légal de l'entrepreneur individuel en sécurité privée : le triptyque « carte, agrément dirigeant et autorisation d'exercer » en cours de validité
  2. La procédure de contrôle par le CNAPS.
  3. Les sanctions en cas de manquements.
  4. Conseils aux futurs entrepreneurs individuels en sécurité privée.

1) Le cadre légal de l'entrepreneur individuel en sécurité privée : le triptyque « carte, agrément dirigeant et autorisation d'exercer » en cours de validité.

À l'occasion de la gestion de dossiers de litiges contre le CNAPS et de visites organisées auprès de clients sur le terrain, j'ai eu l'occasion de prendre la mesure d'un constat qu'il faut exposer sans ambages : trop d'agents de sécurité ayant fait le choix de devenir entrepreneurs individuels ne sont pas en conformité avec la règlementation prévue par le Code de la sécurité intérieure (CSI).

La raison ?

Elle est souvent liée à une mauvaise compréhension des textes et à certaines idées reçues qui circulent encore dans la profession.

Voici un éclairage juridique avant d'initier tout projet en la matière.

  • Non, une carte professionnelle ne suffit pas lorsque l'on crée son activité en qualité d'entrepreneur individuel en sécurité privée.

Bon nombre des agents de sécurité privée devenus entrepreneurs individuels exercent encore leur activité avec, pour seule autorisation, une carte professionnelle délivrée par le CNAPS. En effet, bien souvent, ces nouveaux entrepreneurs pensent que ce titre suffit, au motif, souvent avancés, qu'ils « interviennent seuls », ne font « que du terrain » et ne « signent pas de contrat ».

Une telle interprétation est erronée.

Si la carte professionnelle est effectivement indispensable dès lors que l'agent exerce une activité privée de sécurité en qualité de salarié (surveillance humaine, gardiennage, transport de fond, protection physique des personnes, protection des navires - ou encore une activité de détective privée), elle n'est plus suffisante dès lors qu'il s'affranchit de ce statut.

En effet, quand bien même s'il exerçait effectivement seul ses missions, l'entrepreneur individuel n'en demeure pas moins une entreprise individuelle, même si celle-ci se confond juridiquement avec sa personne physique.

Par conséquent, la règlementation relative aux activités privées de sécurité impose de détenir un agrément de dirigeant et une autorisation d'exercer délivrés par le CNAPS, en plus de la carte professionnelle lorsque l'entrepreneur exerce sur le terrain.

L'article L612-6 du CSI prévoit expressément cette obligation d'obtention d'un agrément dirigeant en disposant que:

« Nul ne peut exercer à titre individuel une activité mentionnée à l'article L611-1, ni diriger, gérer ou être l'associé d'une personne morale exerçant cette activité, s'il n'est titulaire d'un agrément délivré selon des modalités définies par décret en Conseil d'État ».

Une exigence identique s'applique s'agissant de l'autorisation d'exercice, encadrée par les articles L612-9 à L612-19 du CSI, qu'elle soit délivrée aux personnes morales comme aux exploitants individuels [Cf. le titre de la section 3 qui vient le rappeler.]].

Cette réglementation entraine des répercussions directes sur les modalités de recours et d'exercice de la sous-traitance.

  • Le lien et les répercussions avec la sous-traitance.

Comme mentionné supra, un entrepreneur individuel exerçant une activité de sécurité privée doit, pour être engagé en qualité de sous-traitant d'une entreprise de sécurité privée, détenir une carte professionnelle, un agrément dirigeant et une autorisation d'exercer en cours de validité.

L'entreprise donneur d'ordre est tenue de vérifier que le sous-traitant est bien en règle et possède les autorisations délivrées par le CNAPS. À défaut, elle s'expose, tout comme son sous-traitant à se voir sanctionner par le CNAPS.

Précisons qu'en pratique, il arrive fréquemment que les personnes physiques disposent du statut de salarié ET de celui d'auto-entrepreneur. Ce cumul est tout à fait légal et ne pose aucune difficulté à la condition que chaque intervention de l'agent ou de l'entrepreneur soit clairement encadrée, soit par un contrat de travail, soit par un contrat de sous-traitance.

C'est précisément ce que le CNAPS va vérifier.

2) La procédure de contrôle par le CNAPS.

À l'occasion d'un contrôle diligenté par le CNAPS, les contrôleurs de l'établissement vont notamment vérifier le lien juridique qui encadre la prestation contrôlée.

Si la personne physique contrôlée exerce en qualité de salarié et que son employeur est à même de présenter un contrat de travail corroboré par une déclaration préalable à l'embauche (DPAE), une simple carte professionnelle sera suffisante.

En revanche, si la personne physique contrôlée exerce dans le cadre d'une prestation de soustraitance, elle ne sera donc plus en exercice sous le statut de salarié, mais interviendra en qualité d'entrepreneur individuel. À ce titre, être en possession de ses trois autorisations (carte professionnelle, agréement, autorisation d'exercer) et être en mesure de présenter au CNAPS le contrat de sous-traitance dûment conclu et signé avec le donneur d'ordre.

À défaut, le sous-traitant comme le donneur d'ordre s'exposent à des poursuites disciplinaires et au prononcé de sanctions de la part du CNAPS.

3) Les sanctions en cas de manquements

L'entrepreneur individuel contrôlé par le CNAPS sans être titulaire d'un agrément de dirigeant et d'une autorisation d'exercer s'expose à des sanctions de nature disciplinaire et pénale.

- Sanctions administratives.

Le CNAPS peut infliger à l'entrepreneur individuel qui ne se serait pas en règle des sanctions disciplinaires, en application des dispositions de l'article L634-7 du CSI.

L'éventail des sanctions applicables est assez large puisqu'elles vont de l'avertissement, au blâme et jusqu'à l'interdiction temporaire d'exercice de l'activité privée de sécurité pour une durée qui ne peut excéder sept années.

En outre, les sanctions susmentionnées peuvent être assorties de pénalités financières dont le montant est soumis à l'appréciation du CNAPS ou de la Commission de discipline en fonction de la gravité des manquements commis, pour un plafond maximum de 150 000 euros pour les personnes morales et de 7 500 euros pour les personnes physiques salariées. Le risque d'être sanctionné ne doit pas être minimisé par l'entrepreneur individuel.

En effet, les manquements relatifs à l'absence de détention d'un agrément dirigeant et d'une autorisation d'exercer, sont considérés comme étant parmi les plus graves pour le CNAPS, comme pour le juge, au regard d'une jurisprudence désormais bien établie.

Par conséquent, le relevé de tels manquements de la part des agents du CNAPS risque le plus souvent d'entrainer le prononcé d'une sanction disciplinaire d'interdiction d'exercer assortie d'une pénalité financière parfois conséquente.

Plus encore, et ce risque est particulièrement méconnu, l'entrepreneur individuel s'expose à ne plus pouvoir exercer tout court.

En effet, conformément aux dispositions de l'article R634-18 du CSI:

« La personne interdite temporairement d'exercer, ou dont l'agrément ou la carte professionnelle est retiré, n'accomplit aucun acte professionnel relevant du présent livre ».

Cela signifie qu'en cas de contrôle du CNAPS entrainant une interdiction d'exercer, l'entrepreneur individuel ne pourra pas même poursuivre son activité en qualité de salarié, car l'interdiction s'appliquera également à sa carte professionnelle.

Enfin, il n'est pas à exclure – selon la nature des manquements relevés – que le CNAPS puisse diligenter une procédure de retrait de la carte professionnelle de l'entrepreneur, ce qui entrainerait un arrêt définitif de son activité de terrain ou de salarié.

En cas de questionnement ou de difficulté, il est ainsi indispensable pour l'entrepreneur individuel de ne pas rester sans réaction et de constituer un dossier en défense, en s'appuyant, le cas échéant, sur les conseils d'un avocat compétent dans ce domaine.

- Sanctions pénales.

Enfin, le CNAPS a la possibilité d'informer le Procureur de la République des manquements relevés à l'occasion de ses contrôles dès lors qu'ils sont constitutifs d'une infraction pénale.

Au terme de cette procédure, dite « article 40 du Code de procédure pénale », l'entrepreneur individuel est susceptible d'être poursuivi et de se voir infliger une sanction pénale, ainsi que le prévoit expressément l'article L617-3 qui dispose que:

« Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende : 1° Le fait d'exercer à titre individuel, en violation des articles L612-6 à L. 612-8, une activité mentionnée à l'article L. 611-1 ; (...) ».

4) Conseils aux futurs entrepreneurs individuels en sécurité privée

Avant de vous lancer, quelques recommandations non exhaustives:

  1. Assurez-vous que vous détenez bien une aptitude professionnelle à diriger ou gérer une entreprise de sécurité privée:
    • Soit à raison d'un diplôme ou d'une certification reconnue vous permettant d'obtenir l'agrément délivré par le CNAPS. Si tel n'est pas le cas il vous faudra alors suivre une formation auprès d'un organisme agréé par le CNAPS.
    • Soit par la validation des acquis de l'expérience.
  2. Tenez compte des délais.
    En fonction des contraintes administratifs et de la charge de travail de ses agents, les délais de traitement de votre demande par le CNAPS peut-être de quelques jours à plusieurs semaines, voire amplement dépasser un mois.
    Ne commencez jamais à exercer sans avoir obtenu une réponse favorable de la part du CNAPS et la délivrance de vos autorisations.
  3. Assurez-vous que vous casier judiciaire et que le fichier de Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ – fichier des forces de l'ordre) soient vierges. Si tel n'est le cas, il existe un risque que le CNAPS refuse de vous délivrer votre titre.

Une fois que l'entreprise individuelle est créée et autorisée à fonctionner par le CNAPS, soyez rigoureux dans votre pratique.

En effet, le CNAPS a la faculté de diligenter une procédure de retrait de vos autorisations si votre comportement est de nature à le justifier.

Plus encore, et de manière générale, l'entrepreneur individuel en sécurité privée ne doit jamais occulter le fait esprit qu'il intervient dans un secteur d'activité réglementé, ce qui implique une obligation de se tenir informé des évolutions de la règlementation.

Dans la mesure où celle-ci est particulièrement complexe s'agissant des activités privées de sécurité, il est recommandé de consulter l'avis d'un avocat compétent dans ce domaine en cas de doute sur un projet ou une initiative afin de s'assurer d'intervenir en toute légalité.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

Mondaq uses cookies on this website. By using our website you agree to our use of cookies as set out in our Privacy Policy.

Learn More