Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit pénal économique, droit de procédure pénale, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 6B_561/2021 du 24 août 2022 | Demande de nouveau jugement (art. 368 CPP) – absence fautive aux débats
- Dans les faits, le Recourant ne s'était pas présenté à ses audiences à deux reprises, au motif que son état psychique l'astreignait à prendre des médicaments pouvant lui causer des effets sédatifs et l'empêcher ainsi de se défendre correctement.
- Le Tribunal de police du canton de Genève, après la seconde absence du prévenu, avait engagé la procédure par défaut à la suite de laquelle il avait été condamné pour diverses infractions. Le prévenu avait déposé une demande de nouveau jugement sur la base des articles 368 ss CPP. Cette requête lui avait été refusée par la Cour de justice de la République et canton de Genève.
- Le Tribunal fédéral a admis le raisonnement de la cour cantonale qui avait estimé que le possible effet sédatif des médicaments pris par le prévenu ainsi que l'argument portant sur son incapacité à se défendre correctement ne suffisait pas pour fonder une absence non fautive aux débats (art. 368 al. 3 CPP). En effet, il a considéré qu'une telle absence aurait été admise si le prévenu avait effectivement été en proie à l'effet sédatif, la simple hypothèse de ce risque ne suffisant pas. En outre, les juges cantonaux et fédéraux ont également considéré que la présence de l'avocat du prévenu permettait justement de garantir sa défense (consid. 1.3).
TF 1B_563/2021 du 31 août 2022 | Soupçons suffisants en matière de blanchiment d'argent pour la levée des scellés (art. 248 CPP)
- Le Zwangsmassnahmengericht de Zurich (« ZMG ») avait refusé de lever les scellés sur demande du Ministère public de la Confédération (« MPC ») au motif que ce dernier avait fondé sa demande uniquement sur une plainte et que cela ne permettait pas d'établir l'existence de soupçons suffisants (consid. 2.1).
- Le Tribunal fédéral a considéré que le ZMG avait violé le droit fédéral par son refus, notamment car l'enquête pénale en question n'avait pas été ouverte du fait d'une simple plainte mais en raison de l'existence de procédures pénales connexes complexes menées par le MPC lui-même (consid. 2.2).
- Aussi, le ZMG n'avait pas invité le MPC à lui présenter des documents additionnels alors même que cela aurait dû s'imposer, ce d'autant plus que le MPC avait demandé au ZMG de lui fixer un délai supplémentaire pour compléter les éléments dans le cas où les documents présentés ne lui auraient pas permis d'acquérir les soupçons suffisants (consid. 4.3).
TF 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 | prélèvement ADN en prévision d'une infraction future (art. 255 CPP)
- Le 11 janvier 2022, le Recourant s'était vu prélever son ADN et établir ses données signalétiques après des altercations qui avaient eu lieu en marge d'un match de football, en janvier 2021, durant lesquelles deux agents avaient été blessés. Une enquête avait donc été ouverte à l'encontre du Recourant pour la commission de diverses infractions. Par ailleurs, le Recourant avait déjà été condamné l'année précédente pour des faits similaires. En outre, la participation du Recourant à l'évènement survenu en janvier 2021 était évidente, sa présence ayant pu être prouvée par vidéosurveillance.
- La question était donc de savoir si ce prélèvement ADN se justifiait eu égard à d'éventuelles procédure pénale passées ou futures (art. 255 CPP) (consid. 2.4).
- Le Tribunal fédéral a estimé que la participation du Recourant à deux évènements délictueux similaires impliquait un risque sérieux et concret qu'il puisse être impliqué dans d'autres infractions de même nature à l'avenir. Partant, le Tribunal fédéral a considéré que les prélèvements ADN se justifiaient (consid. 2.4.2).
TF 6B_975/2021 du 7 septembre 2022 | Indemnisation des parties (art. 429 CPP) – droit d'être entendu
- L'autorité pénale n'est pas tenue d'élucider d'office tous les faits importants pour l'appréciation du droit à l'indemnisation (consid. 2.4).
- En vertu de l'art. 429 al. 2 CPP, elle doit cependant, en cas d'acquittement – comme in casu – au moins entendre le prévenu sur la question de l'indemnisation et, le cas échéant, l'inviter à chiffrer et à justifier ses prétentions (consid. 2.4).
TF 1B_144/2022 du 30 août 2022 | Séquestre pénal – procédure d'entraide avec l'Angola
- Dans les faits, le Ministère public du canton de Genève avait ouvert en 2018 une procédure pénale contre A. pour des actes de blanchiment d'argent à la suite de faits impliquant une société étatique angolaise et avait ordonné divers séquestres, y compris celui des comptes de A. ainsi que des avoirs détenus par la société B., dont A. est l'actionnaire unique. Une demande d'entraide judiciaire avait été adressée aux autorités angolaises en 2020. A. a recouru au Tribunal fédéral contre l'ordonnance de séquestre du Ministère public.
- Le Recourant s'est premièrement plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Selon lui, l'instance inférieure auraient déclaré indûment irrecevable les écritures et pièces complémentaires déposées spontanément par le Recourant alors qu'elles étaient pertinentes pour apprécier la légitimité de la procédure pénale ouverte à son encontre en Angola et, par voie de conséquence, du séquestre de ses avoirs prononcé en Suisse et fondé sur ladite procédure (consid. 2)
- In casu, l'instance inférieure avait écarté toutes les pièces complémentaires produites par le Recourant postérieurement au dépôt de son recours, hormis les déterminations expressément autorisées. Il s'agissait pourtant de pièces nouvelles, dont ce dernier ne pouvait pas se prévaloir à l'appui de son recours et dont la cour cantonale devait en principe tenir compte, puisqu'elles figuraient au dossier de la procédure pénale au moment où elle avait statué. Partant, le Tribunal fédéral a considéré que le droit d'être entendu du recourant n'avait dès lors pas été respecté. Notre Haute Cour ajoute cependant que le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi et n'entraîne pas forcément l'annulation de la décision. Le juge du séquestre n'est pas concerné par des pièces ayant trait à la procédure pénale stricto sensu, comme dans le cas particulier. Le grief a donc été rejeté (consid. 2.2).
- Le Recourant s'est plaint ensuite d'une motivation insuffisante de l'arrêt entrepris (consid. 2.3).
- L'instance inférieure n'avait certes pas expressément pris position sur les autres arguments du Recourant. Toutefois, le Tribunal fédéral a retenu qu'on ne saurait pour autant dire qu'elle avait violé son obligation de motiver ses décisions, sachant que, pour respecter cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision et se prononce sur les questions décisives pour l'issue du litige, sans qu'elle soit tenue d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties. Le grief est donc rejeté (consid. 2.4).
- Finalement, le Recourant a contesté que les conditions matérielles pour maintenir un séquestre soient réunies, en particulier celle relative aux soupçons suffisants de la commission d'une infraction au sens de l'art. 197 al. 1 let. b CPP (consid. 3).
- In casu, il ressortait des pièces versées au dossier que le Recourant était devenu l'actionnaire majoritaire de la société B., qui s'était vu attribuer le monopole du marché de l'assurance et de la réassurance en matière pétrolière. Les bénéfices du système de gestion des risques en matière pétrolière mis en place par le Recourant au travers de la société B. auraient été reversés sur des comptes à l'étranger de sociétés du même groupe, créées et dominées par le Recourant. L'appropriation sans contrepartie de l'actionnariat de la compagnie pétrolière et le système de transfert des bénéfices de la gestion des risques à des sociétés détenues majoritairement par le Recourant, ont fondé, à ce stade de la procédure, des soupçons suffisants d'une gestion déloyale des intérêts publics, respectivement de blanchiment d'argent (consid. 3.1).
- Le Tribunal fédéral a considéré enfin que le Ministère public, respectivement l'instance inférieure, ne pouvaient pas faire abstraction de la procédure ouverte en Angola dans l'examen des soupçons suffisants sous l'angle de l'art. 197 al. 1 let. b CPP même s'ils n'étaient pas liés par l'enquête pénale menée à l'étranger. Le Tribunal fédéral a concédé qu'il peut certes paraître étonnant que les autorités angolaises aient ouvert une procédure pénale à l'encontre du Recourant quelques semaines après avoir répondu aux autorités suisses que celui-ci ne faisait l'objet d'aucune poursuite pour les faits décrits dans la demande d'entraide judiciaire ; cela ne suffit pas encore à faire perdre toute crédibilité aux accusations portées contre lui en Angola et résumées dans l'acte d'accusation et dans l'ordonnance de saisie. Le fait que le montant du dommage allégué ou que les charges reprochées au Recourant n'avaient cessé d'évoluer au fil de la procédure pouvait s'expliquer par la découverte de nouveaux comptes bancaires ou par la modification des accusations. Le grief a donc été rejeté (consid. 3.3).
- Partant, le séquestre était justifié et le recours devait être rejeté (consid. 4).
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
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III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
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V. ENTRAIDE INTERNATIONALE
TF 1C_349/2022 du 30 août 2022 | Entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Angola
- Dans le cadre d'une procédure pénale genevoise ouverte en 2018 contre A. pour blanchiment d'argent, le Ministère public de la République et canton de Genève avait requis l'entraide judiciaire en matière pénale auprès des autorités angolaises.
- Le Service national de saisie des biens auprès du Bureau du Procureur général de la République d'Angola (« l'État requérant ») avait sollicité l'entraide judiciaire auprès des autorités suisses dans le cadre de l'enquête pénale menée contre A. en Angola pour de nombreux chefs d'accusation.
- Cette demande avait été transmise par l'Office fédéral de la justice au Ministère public genevois, lequel avait rendu une décision d'entrée en matière et ordonné la saisie conservatoire des avoirs et le dépôt de la documentation bancaire des relations dont A. était/aurait été titulaire. Le Ministère public avait informé A. de son intention d'accorder l'entraide et lui avait donné l'occasion de se déterminer. Le Ministère public avait finalement ordonné la transmission à l'État requérant des documents demandés.
- A. a déposé un recours au Tribunal fédéral en concluant pour l'essentiel à l'irrecevabilité de la demande d'entraide et au refus de transmettre à l'Etat requérant la documentation requise.
- Reprochant à l'autorité précédente une appréciation arbitraire des faits, le Recourant s'est plaint tout d'abord d'être détenu illégalement et dans des conditions inhumaines (consid. 3).
- In casu, sans nier l'existence potentielle d'un problème général de respect des droits humains en Angola, le Tribunal fédéral a rappelé que le Recourant avait bénéficié d'aménagements médicaux. Il ne ressort en outre pas de l'arrêt entrepris qu'il aurait fait l'objet d'acte(s) de violence et/ou de torture de la part notamment des gardiens. Partant, l'autorité inférieure avait considéré sans arbitraire que les conditions de détention du Recourant ne constituaient pas un traitement inhumain et/ou dégradant. Le grief a donc été rejeté (consid. 3.2).
- Soutenant ensuite que la procédure angolaise aurait un caractère politique, le Recourant s'est plaint de violations de ses droits de procédure, dont celui à un procès équitable (consid. 4).
- In casu, le Tribunal fédéral a commencé par constater que le Recourant ne prétendait pas avoir cédé ses biens à la suite de la visite des deux procureurs angolais ou de la mise en prévention de son fils. Il n'était ainsi pas arbitraire de considérer que ces deux événements ne constituaient pas des menaces ou des pressions. Le Recourant ne soutenait pas non plus être un opposant au régime actuellement au pouvoir. Les difficultés et irrégularités de procédure rencontrées ne semblaient ainsi pas différentes – respectivement plus graves – de celles auxquelles paraissent pouvoir être exposés les prévenus de droit commun (consid. 4.2).
- Cela étant, le Tribunal fédéral a affirmé que lorsque la situation du pays en cause connaît des difficultés politiques et/ou économiques et si des réserves quant à l'indépendance de la justice peuvent être émises et paraissent vraisemblables, l'obtention de garanties diplomatiques, notamment en lien avec les droits de la défense et/ou les conditions de détention, peut s'imposer (consid. 4.3).
- In casu, le Tribunal fédéral a déclaré que les autorités angolaises n'avaient pas opéré avec cohérence lors de la procédure contre le Recourant, changeant brutalement de stratégie d'accusation. En outre, des bâtiments appartenant au Recourant et/ou à ses sociétés paraissaient avoir été attribués, antérieurement à tout jugement de confiscation définitif, pour être utilisés par des autorités locales. Un décret présidentiel a également alloué une partie des montants confisqués aux autorités pénales, ce qui pouvait laisser penser que ces dernières pourraient avoir un intérêt à l'issue des causes qui leur sont soumises.
- Cette appréciation semble s'imposer d'autant plus pour le Tribunal fédéral que, par jugement du 12 juillet 2021, les autorités judiciaires espagnoles ont refusé l'extradition d'un ancien ministre angolais demandée par l'Angola en raison, a priori, du manque d'indépendance du Procureur général angolais (consid. 4.3).
- Le Tribunal fédéral a conclu en estimant que dans le présent cas où le Recourant se trouve en détention dans l'État requérant, l'autorité précédente ne pouvait par conséquent pas accorder l'entraide sans obtenir préalablement des garanties diplomatiques de la part de l'État requérant (consid. 4.3).
- Il s'ensuit que le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé dans la mesure où il accorde l'entraide internationale en matière pénale à l'État requérant sans examiner, prononcer et requérir de ce dernier des garanties diplomatiques (consid. 6).
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