QE Paris Newsletter Juillet 2024

Dans la logique de l'adage selon lequel « nul ne doit tirer profit de son délit », la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024, dite « loi Warsmann, » renforce considérablement...
United States Criminal Law
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LE RENFORCEMENT DU RÉGIME DE SAISIE ET CONFISCATION DES AVOIRS CRIMINELS

Dans la logique de l'adage selon lequel « nul ne doit tirer profit de son délit », la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024, dite « loi Warsmann, » renforce considérablement les mécanismes de saisie et de confiscation des avoirs criminels applicables aux personnes physiques comme morales.

Pour rappel, la saisie est une mesure qui, sur décision d'un magistrat, permet de priver temporairement une personne de la possession de certains de ses biens1 dans le cadre d'une enquête pénale. Elle a pour objet de collecter et conserver des preuves, de garantir que le bien sera maintenu « sous main de justice » en vue d'une éventuelle confiscation ou d'assurer l'indemnisation des victimes. La saisie intervenant avant le jugement, celle-ci est réversible et le bien saisi peut être restitué sur décision d'un magistrat, soit d'office, soit à la suite d'un recours de la personne concernée. Quant à la confiscation, elle constitue une sanction pénale entraînant la dépossession définitive du bien et sa remise à l'AGRASC (l'Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués). La confiscation peut notamment être prononcée lorsque le bien est illicite, a été illicitement acquis ou a servi à la réalisation d'une activité criminelle2.

A l'occasion de l'entrée en vigueur de la loi Warsmann le 26 juin 2024, Quinn Emanuel détaille les conséquences pratiques de l'évolution du cadre juridique des procédures de saisie et confiscation, à savoir le durcissement des mesures dissuasives actuelles (I) et le renforcement de l'efficacité des procédures de saisie et confiscation (II).

I. Le durcissement des mesures dissuasives

La loi Warsmann a pour objectif de mettre en œuvre la devise de l'AGRASC : « que le crime ne paie pas ». Adoptant une conception économique du droit, la nouvelle loi fait de la confiscation automatique le principe lorsque les biens saisis ont servi à commettre l'infraction, ou étaient destinés à la commettre, ou lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect d'une infraction3. Cette automatisation renverse donc la logique actuelle de la confiscation. La juridiction de jugement conserve toutefois la possibilité de ne pas prononcer la confiscation via une décision spécialement motivée au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur.

De plus, la loi Warsmann étend le champ de la peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine aux délits de corruption et trafic d'influence passifs et actifs, y compris la corruption d'agent public étranger4. Cette sanction est prononcée lorsque le produit de l'infraction est confisqué en valeur et non en nature. Dans ce cas, la confiscation peut porter sur tous les biens meubles ou immeubles de la personne condamnée5, sous réserve qu'elle reste proportionnée au regard de la situation personnelle de l'intéressé et de la gravité des faits commis6.

Enfin, la loi du 24 juin 2024 modifie le régime de la Convention Judiciaire d'Intérêt Public (CJIP) en imposant le dessaisissement au profit de l'Etat de tout ou partie des biens saisis dans le cadre de la procédure7. Pour rappel, la CJIP est une procédure alternative aux poursuites en vertu de laquelle une personne morale conclut avec le Parquet une convention ayant pour effet d'éteindre l'action publique une fois qu'elle a exécuté les obligations auxquelles elle s'est engagée8.

Jusqu'à présent, ces obligations étaient limitées au versement d'une amende d'intérêt public au Trésor, à la mise en place d'un programme de conformité accompagné d'un suivi par l'Agence Française Anticorruption, et dans certains cas à la réparation des dommages causés aux victimes de l'infraction. Désormais, malgré l'absence de poursuites pénales, les biens saisis au cours de l'enquête ne sont plus restitués à la personne morale. Dès lors qu'ils sont saisis, ces biens constituent en principe des pertes irrécupérables pour les entreprises signataires d'une CJIP. Toutefois, le texte n'interdit pas au Parquet de prendre en compte la valeur des biens confisqués dans le calcul de l'amende d'intérêt public.

II. Le renforcement de l'efficacité des procédures de saisie et confiscation

La loi Warsmann renforce également l'efficacité des procédures de saisie et de confiscation. A ce titre, la décision définitive de confiscation d'un bien immobilier constitue dorénavant un titre d'expulsion à l'encontre de la personne condamnée et des occupants du logement, exception faite des locataires de bonne foi9. La loi du 24 juin 2024 renforce également les intérêts des parties civiles en élargissant l'assiette de leur indemnisation à l'ensemble des biens saisis, y compris lorsqu'ils sont devenus la propriété de l'Etat. Le délai pour solliciter cette indemnisation auprès de l'AGRASC est étendu de deux à six mois10.

De même, le Premier Président de la Cour d'Appel devient seul compétent pour connaître des appels contre les décisions statuant sur le sort de biens saisis au cours d'une procédure pénale (restitution, destruction ou remise à l'AGRASC)11. Auparavant, c'était la chambre de l'Instruction qui était compétente pour connaître de ce contentieux. Cette évolution devrait permettre de réduire à la fois les délais pour obtenir une décision et les coûts à la charge de l'Etat.

Enfin, la loi intègre un dispositif spécifique de restitution à l'intention des populations des Etats étrangers dans le cadre des dossiers dits des « biens mal acquis ». Désormais, les biens confisqués peuvent être directement restitué à ces populations, y compris les comptes bancaires abritant des fonds « mal acquis ». Jusqu'alors, seules les recettes issues de la vente des biens confisqués étaient restituées.

Footnotes

1. La saisie peut porter sur tout type de biens qu'il s'agisse de biens meubles ou immeubles. A titre d'exemple, peuvent être saisis des véhicules, comptes bancaires, cryptomonnaies, œuvres d'art, biens immobiliers, etc.

2. Elle est prononcée par les magistrats du siège de la juridiction répressive au titre de peine complémentaire (article 131-21 du Code pénal).

3. Article 131-21 du Code pénal.

4. Articles 432-18, 433-22-1, 435-1 et 435-3 du Code pénal.

5. Articles 435-16 et 131-21 du Code pénal.

6. Voir par exemple Cass. Crim. 19 avril 2023, n°22-82.994.

7. Article 41-1-2 3° du Code de procédure pénale.

8. Article 41-1-2 du Code de procédure pénale.

9. Article 16 de la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 modifiant l'article 131-21 du Code pénal. Le Conseil Constitutionnel a toutefois émis une réserve d'interprétation en énonçant qu'il « appartiendra au juge qui prononce la peine de confiscation de prendre en compte, au regard des éléments dont il dispose, la situation personnelle et familiale de la personne condamnée  » (Décision du Conseil constitutionnel n° 2024-869 DC du 20 juin 2024, paragraphe n° 9).

10. Article 706-164 du Code de procédure pénale modifié par l'article 12 de la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024.

11. Articles 41-4, 41-6, 99, 177 et 706-152 du Code de procédure pénale.

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