QE Paris Newsletter Mai 2024

Le procès qui s'est ouvert le 21 mai dernier devant le tribunal correctionnel de Paris concernant des faits de favoritisme et recel, dans le cadre de contrats de conseil...
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LES DELITS DE FAVORITISME ET DE RECEL DE FAVORITISME

Le procès qui s'est ouvert le 21 mai dernier devant le tribunal correctionnel de Paris concernant des faits de favoritisme et recel, dans le cadre de contrats de conseil, contre un ancien dirigeant d'une entreprise du secteur public de l'énergie est l'occasion de revenir sur le régime juridique applicable à ces infractions et sur les risques qu'elles posent pour les entreprises et leurs dirigeants.

Qui est soumis aux dispositions de l'article 432-14 du Code pénal ?

Également connu sous le nom « d'octroi d'avantage injustifié, » le délit de favoritisme incriminé par l'article 432-14 du Code pénal sanctionne le fait de favoriser un candidat par la violation des règles relatives à l'attribution des marchés publics.

Le texte prévoit une liste1 des personnes physiques ou morales susceptibles d'être poursuivies dans la mesure où elles disposent d'un pouvoir de décision au cours d'une procédure d'appel d'offres, que ce soit au cours des actes préparatoires, de l'élaboration et de la publication des critères de sélection, ou encore du choix final. Cependant, toute personne qui ne serait pas visée par cette liste mais qui «sciemment, par aide ou assistance,» facilite la préparation ou la consommation du délit de favoritisme peut être poursuivie en qualité de complice (article 121-7 du Code pénal). Par ailleurs, toute personne qui bénéficie de la commission de cette infraction peut également être poursuivie au titre du délit de recel de favoritisme prévu par l'article 321-1 du Code pénal. Sont donc concernées les personnes physiques et morales qui sont soumises au Code des marchés publics ou qui contractent avec elles.

Quels sont les contrats concernés ?

Le texte vise les marchés publics et les contrats de concessions. Dans la pratique, seuls les contrats les plus importants imposent de mettre en oeuvre une procédure d'appel d'offres. A ce jour, l'Avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique fixe les seuils applicables depuis le 1er janvier 2024 :

  • 140 000 € HT à 143 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des autorités publiques centrales;
  • 215 000 € HT à 221 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des autres pouvoirs adjudicateurs et pour les marchés publics de fournitures des autorités publiques centrales opérant dans le domaine dela défense;
  • 431 000 € HT à 443 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des entités adjudicatrices et pour les marchés de fournitures et de services passés dans le domaine de la défense ou de la sécurité;
  • 5 382 000 € HT à 5 538 000 € HT pour les marchés de travaux et pour les contrats de concessions.

Quels sont les risques encourus pour les entreprises et leurs dirigeants ?

Il faut noter que le délit de favoritisme peut être constitué par le simple non respect des règles de procédure qui sont destinées à garantir l'égalité entre les candidats, même en l'absence d'une intention de favoriser l'un d'eux.

Le délit de favoritisme commis par une personne physique est puni de deux ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende (article 432-12 du Code pénal). La tentative est également punissable des mêmes peines (article 121-4 du Code pénal). En outre, le recel du délit de favoritisme est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende (article 321-1 du Code pénal). Quant aux personnes morales, elles encourent le quintuple de la peine d'amende applicable aux personnes physiques, soit 150 000 euros maximum (article 131-38 du Code pénal). Des peines complémentaires, notamment l'interdiction de plein droit de participer aux procédures de passation de marchés publics, sont également encourues.

Dans la jurisprudence – Le délit de favoritisme, de même que le recel, sont sources d'un contentieux pénal croissant. A titre d'exemple, la Cour de cassation a pu sanctionner l'absence de mise en concurrence (Cass. Crim., 4 mars 2020, n.19-83.446) ou encore la divulgation d'informations confidentielles à un candidat (Cass. Crim., 10 janvier 2024, n.23-80.952). Par ailleurs, la chambre criminelle de la Cour de cassation retient régulièrement un cumul d'infractions, entrant par exemple en voie de condamnation pour des faits de favoritisme et de trafic d'influence (Cass. Crim., 3 avril 2019, n.17-87.209), ou encore de favoritisme et de prise illégale d'intérêts (Cass. Crim., 17 avril 2019, n.18-83.025).

A l'heure actuelle, le favoritisme n'entre dans pas le champ de la Convention Judiciaire d'Intérêt Public (CJIP) de l'article 41-1-2 du Code de procédure pénale. En l'état, la sanction du favoritisme et du recel de favoritisme via une CJIP n'est possible que si ces délits sont connexes à une infraction principale entrant dans le champ d'application de la CJIP. Pour autant, le rapport d'information sur l'évaluation de l'impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin II) relève que «de l'avis de nombreux praticiens comme des corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin II) relève que «de l'avis de nombreux praticiens comme des personnes auditionnées, ce champ gagnerait à être encore étendu à d'autres infractions, notamment à d'autres infractions en matière de probité,» y compris le délit de favoritisme. Le Procureur de la République financier, Jean-François Bohnert, a également indiqué être en faveur d'une telle extension. A cet égard, le Parquet National Financier a conclu le 15 mai 2023 une CJIP avec Bouygues Bâtiment Sud Est et sa filiale LinkCity Sud Est. En l'espèce, les deux sociétés se sont engagées à verser une amende de 7,9 millions d'euros pour mettre fin aux poursuites pénales contre elles, et à se soumettre à un programme de mise en conformité d'une durée de trois ans sous le contrôle de l'Agence Française Anticorruption.

Footnote

1. L'article 432-14 du Code pénal vise: «une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d'économie mixte d'intérêt national chargées d'une mission de service public et des sociétés d'économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l'une de celles susmentionnées ».

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