La Cour suprême du Canada confirme que des dommages peuvent être accordés pour des lois violant la Charte canadienne

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McCarthy Tétrault LLP

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Dans l'arrêt Canada (Procureur général)  c. Power, la Cour suprême confirme que des demandeurs peuvent réclamer des dommages-intérêts si l'État adopte une loi qui viole leurs droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après la « Charte ») et que la loi est « clairement inconstitutionnelle » ou participait « d'un comportement de mauvaise foi » ou « d'abus de pouvoir ». Cette décision préserve la capacité des demandeurs de réclamer des dommages-intérêts dans ces circonstances et renforce le principe selon lequel les droits et libertés garantis par la Charte ne sont efficaces que dans la mesure des réparations accordées en cas de violation de ceux-ci.

L'État ne jouit que d'une immunité restreinte contre une condamnation à des dommages-intérêts fondés sur la Charte

L'article 24(1) de la Charte accorde aux tribunaux un large pouvoir discrétionnaire pour ordonner une réparation « convenable et juste » pour toute violation des droits et libertés garantis par la Charte. La question centrale dans l'affaire Power était de savoir si l'État bénéficiait néanmoins d'une immunité absolue à l'égard de l'octroi de dommages-intérêts en vertu de la Charte pour avoir adopté des lois qui violent la Charte. La majorité de la Cour suprême du Canada estime que l'État ne bénéficie que d'une immunité restreinte — et non absolue — contre de telles réclamations.

En arrivant à cette conclusion, la Cour réaffirme et clarifie sa décision antérieure dans l'affaire Mackin c. Nouveau-Brunswick (ministre des Finances). La Cour statue que les demandeurs peuvent réclamer l'octroi de dommages-intérêts en vertu de l'article 24(1) si l'État adopte une loi qui viole leurs droits ou libertés en vertu de la Charte et que la loi est « clairement inconstitutionnelle », de « mauvaise foi » ou constitue un « abus de pouvoir ». La Cour indique que ce test fixe un « seuil élevé pour l'octroi de dommages-intérêts » qui établit « un équilibre entre la protection des droits constitutionnels et la nécessité d'avoir un gouvernement efficace ».

La Cour estime que cette approche est conforme aux principes constitutionnels de la souveraineté parlementaire, de la séparation des pouvoirs et du privilège parlementaire :

  • La souveraineté parlementaire demeure assujettie aux contraintes et aux mécanismes de reddition de comptes prévus dans la Constitution, y compris la Charte. De plus, l'octroi de dommages-intérêts ne limite pas le pouvoir du Parlement d'adopter ou d'abroger des lois.
  • La séparation des pouvoirs est préservée par le seuil élevé que le demandeur doit rencontrer pour obtenir des dommages-intérêts, ce qui permet d'éviter que le pouvoir judiciaire n'empiète indûment sur la fonction législative.
  • Le privilège parlementaire est également préservé puisque l'octroi de dommages-intérêts vise l'État, et non pas les membres individuels du Parlement. Ceci dit, le privilège parlementaire pourrait poser certains problèmes en matière de preuve, puisqu'on ne pourrait pas, par exemple, contraindre un membre du Parlement à témoigner.

Ainsi, la Cour estime que l'immunité limitée de l'État constitue un juste équilibre entre la protection des droits garantis par la Charte et ces autres principes constitutionnels.

Les tribunaux peuvent accorder des dommages-intérêts si la loi violant la Charte est « clairement inconstitutionnelle » ou participe d'un comportement de « mauvaise foi » ou « d'abus de pouvoir »

La Cour clarifie le seuil applicable à l'octroi de dommages-intérêts pour une loi violant la Charte. Les demandeurs peuvent réclamer des dommages-intérêts si l'État adopte une loi qui viole leurs droits ou libertés en vertu de la Charte et que la loi est « clairement inconstitutionnelle », de « mauvaise foi » ou constitue un « abus de pouvoir ».

La Cour déclare que la norme permettant de déterminer si une loi est « clairement inconstitutionnelle » est un seuil qui exige d'examiner objectivement la loi elle‑même, « plus particulièrement la nature et la portée de son invalidité constitutionnelle ». Ce seuil sera atteint lorsqu'il est démontré que l'État « savait que la loi était clairement inconstitutionnelle ou qu'il a fait preuve d'insouciance ou d'aveuglement volontaire à l'égard de son inconstitutionnalité ». Le tribunal doit ancrer cette analyse au moment où l'État a adopté la loi.

La Cour a également déclaré qu'un tribunal peut accorder des dommages-intérêts si la loi est de « mauvaise foi » ou constitue un « abus de pouvoir »—par exemple, lorsque l'État a agi pour un motif illégitime ou a été malhonnête. Vu le caractère « rigoureux » de ce seuil, « les affirmations sommaires ou vagues seront forcément insuffisantes ».

Conclusion

Cet arrêt historique de la Cour suprême confirme que des demandeurs peuvent réclamer des dommages-intérêts pour des lois violant la Charte. Par contre, cette décision rappelle aussi aux demandeurs que le seuil à atteindre est élevé et que le principe du privilège parlementaire peut limiter leur capacité à s'acquitter de leur fardeau de preuve. Cette décision a des conséquences importantes pour un grand nombre de plaignants dans une variété d'affaires liées à la Charte, ainsi que pour la responsabilité des gouvernements au Canada.

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L./s.r.l. a représenté Société John Howard du Canada devant la Cour suprême du Canada dans cette affaire. Les opinions exprimées dans le présent billet sont celles des auteurs uniquement.

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