L'art de balancer les intérêts en insolvabilité : la Cour d'appel de l'Alberta privilégie l'efficacité et l'équité en vertu de la LACC

BP Canada Energy Group ULC (« BP ») a demandé une permission d'en appeler d'une décision rendue sous l'égide de l'article 13 de la Loi sur les arrangements avec les créanciers...
Canada Insolvency/Bankruptcy/Re-Structuring
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BP Canada Energy Group ULC (« BP ») a demandé une permission d'en appeler d'une décision rendue sous l'égide de l'article 13 de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la « LACC ») ainsi qu'une suspension des ordonnances rendues par le juge Yamauchi le 24 avril 20241. Cette procédure d'insolvabilité complexe met en cause Canadian Overseas Petroleum Limited (« COPL »), société pétrolière et gazière dont le siège social est situé à Calgary, en Alberta, laquelle a connu de graves difficultés financières et a entamé des procédures en vertu de la LACC afin de faciliter sa restructuration et d'éviter sa liquidation.

Contexte

COPL est une société publique qui exerce des activités d'exploration, de développement et de production de pétrole et de gaz naturel. En février 2024, COPL était sur le point d'épuiser complètement ses réserves de trésorerie, ce qui a nécessité plusieurs mesures immédiates afin d'obtenir un financement provisoire. Les deux principaux créanciers de COPL, BP et Summit Partners Credit Fund III, L.P. (« Summit »), ont joué un rôle clé dans le processus de restructuration.

Le processus de sollicitation de vente et d'investissement (SISP) et la convention d'achat de type « Stalking Horse » (SHPA)

COPL, de concert avec le contrôleur, KSV, a réalisé un SISP et conclu une convention d'achat avec Summit à titre de soumissionnaire. La SHPA a été conçue dans le but de fixer un prix minimal pour les actifs de COPL et ainsi favoriser la soumission d'offres concurrentielles. L'objectif était de maximiser la valeur des actifs de COPL au bénéfice de toutes les parties prenantes.

L'opposition de BP

BP a formulé des objections à l'égard de la SHPA, soutenant qu'elle avait causé un préjudice injustifié à la société et qu'elle n'avait pas suffisamment tenu compte de ses garanties. Les principales prétentions de BP portaient sur l'interprétation du paragraphe 36(6) de la LACC, la caractérisation de la SHPA comme étant plutôt une opération de « fusion » et le caractère équitable du SISP et de la SHPA.

(i) Paragraphe 36(6) de la LACC

Le paragraphe 36(6) de la LACC traite des exigences relatives à l'approbation par le tribunal des ventes d'actifs dans le cadre de procédures d'insolvabilité. BP a soutenu que la SHPA comportait la prise en charge de passifs qui devraient être constatés à titre de « produits » en vertu de la LACC, ce qui exigeait le consentement des créanciers. Ils ont affirmé que le juge en chambre avait commis une erreur en interprétant cet article, affirmant que la SHPA avait effectivement accordé la priorité aux dettes antérieures à la requête, les convertissant en une opération de regroupement qui modifiait injustement les priorités des créanciers.

(ii)Caractérisation de l'opération de regroupement ("roll-up")

BP a soutenu que la SHPA était en fait une opération de regroupement puisqu'elle permettait à Summit de créditer sa dette garantie et de l'utiliser pour acquérir les actifs de COPL, accordant ainsi la priorité à la dette antérieure à la requête par rapport aux autres créances. BP prétendait que cela violait les principes de justice et d'équité dans les procédures d'insolvabilité.

(iii) Équité du régime d'actionnariat et de la SHPA

BP a prétendu que le SISP et la SHPA manquaient de transparence et d'équité. Elles ont fait valoir que le processus était biaisé en faveur de Summit, en particulier parce que BP n'a pas eu suffisamment l'occasion de participer au financement provisoire et n'a fait objection à la SHPA qu'au stade de l'approbation finale. BP a également souligné que le mécanisme d'adjudication ne fournissait pas suffisamment l'occasion aux autres soumissionnaires potentiels d'y participer, ce qui pourrait limiter la nature concurrentielle du processus.

Arguments des défendeurs

Summit et COPL ont répondu aux arguments de BP en défendant le SISP et le SHPA comme étant des processus équitables et transparents menés sous le contrôle d'un tribunal. Ils ont soutenu que le paragraphe 36(6) de la LACC ne s'appliquait pas à la SHPA parce qu'il portait sur la prise en charge de dettes et non sur la vente d'actifs. Ils ont cité la jurisprudence à l'appui de l'interprétation du juge en chambre.

En ce qui a trait à la qualification du transfert, les intimés ont soutenu que la SHPA n'était pas une opération de transfert parce qu'elle ne comportait pas l'obtention d'une dette prédatant le dépôt et assortie de priorités postérieures au dépôt. La structure de l'opération visait à préserver les priorités des créanciers sans les réorganiser injustement.

En ce qui concerne l'équité du processus, les personnes interrogées ont souligné que le SISP avait été mené sous le contrôle du tribunal et qu'il offrait à toutes les parties prenantes la possibilité de participer ou de s'opposer à différentes étapes. Ils ont fait remarquer que BP n'avait pas profité des occasions précédentes pour soulever des préoccupations ou participer à un financement provisoire, ce qui a miné leurs arguments concernant le manque d'équité et de transparence.

L'analyse de la Cour d'appel

La Cour d'appel de l'Alberta a analysé la demande d'autorisation d'appel de BP en fonction de quatre critères établis en vertu de l'article 13 de la LACC :

  1. L'appel est, prima facie, fondé et non frivole;
  2. La question soulevée en appel est importante dans les circonstances;
  3. Le point soulevé est important pour la pratique en général;
  4. L'appel n'entravera pas indûment le déroulement des procédures.

Le caractère « fondé » de l'appel prima facie

La Cour a conclu que les arguments de BP au sujet du paragraphe 36(6) et de la question connexe soulevaient des questions mixtes de fait et de droit, plutôt que de simples questions de droit, et ne démontraient pas que le juge en chambre avait commis une erreur importante. La Cour a conclu que l'interprétation du paragraphe 36(6) par le juge en chambre était conforme à la jurisprudence établie et ne justifiait pas un examen plus approfondi.

L'importance de l'affaire pour la pratique en général

La Cour a conclu que, même si les préoccupations de BP étaient importantes pour ses propres intérêts, elles ne présentaient pas de questions nouvelles ou d'enjeux pouvant avoir des répercussions sur la pratique générale sous le régime de la LACC. Les questions soulevées étaient propres aux circonstances de la restructuration de COPL et n'avaient pas d'incidence plus générale sur le droit ou la pratique en matière d'insolvabilité.

Progrès de l'action

La Cour a souligné que le retard potentiel causé par un appel perturberait le processus de restructuration, ce qui entraînerait probablement la faillite et des pertes d'emplois, contrairement aux objectifs de la LACC. La Cour a souligné qu'il était essentiel de régler rapidement la question pour préserver la valeur de COPL et maintenir ses activités courantes, ce qui serait compromis dans le cadre de délais supplémentaires.

Analyse détaillée du raisonnement de la Cour

Interprétation du paragraphe 36(6) LACC

BP a soutenu que le paragraphe 36 (6) devrait s'appliquer parce que la SHPA comportait la prise en charge de dettes, qui, selon elle, devraient être considérées comme un « produit » en vertu de la LACC et, par conséquent, nécessiter l'approbation des créanciers. Toutefois, la Cour a conclu que l'interprétation du juge en chambre était conforme à la jurisprudence établie établissant une distinction entre le produit de la vente d'actifs et la prise en charge de passifs. La Cour a souligné que l'application du paragraphe 36(6) à la SHPA aurait pour effet d'étendre son application prévue au-delà des limites raisonnables et de perturber les pratiques établies dans les procédures en vertu de la LACC.

La caractérisation de l'opération de regroupement (« roll-up »)

La Cour a examiné la prétention de BP selon laquelle la SHPA n'était en fait qu'une opération de regroupement en examinant la structure de la convention d'achat et son effet sur les priorités des créanciers. La Cour a conclu que la SHPA n'était pas une opération de regroupement parce qu'elle n'impliquait pas une réorganisation de l'ordre des priorités des créanciers en garantissant une dette antérieure à la requête avec des priorités postérieures à la requête. La SHPA a été conçue pour faciliter un processus de vente équitable tout en préservant les priorités existantes des créanciers, garantissant ainsi que le processus de restructuration respecte les principes de justice et d'équité.

L'équité et la transparence du SISP et de la SHPA

Pour évaluer l'équité et la transparence du SISP et de la SHPA, la Cour a examiné les aspects procéduraux du processus, y compris les possibilités offertes aux intervenants de participer et de soulever des objections. La Cour a fait remarquer que le SISP a été mené sous surveillance judiciaire et que BP et d'autres intervenants ont eu amplement l'occasion de participer à diverses étapes. Le fait que BP n'ait pas soulevé de préoccupations ou participé au financement provisoire à des étapes antérieures a affaibli ses arguments concernant le manque d'équité et de transparence. La Cour a souligné que le SISP et la SHPA ont été conçus pour maximiser la valeur des actifs de COPL au profit de toutes les parties prenantes et que les processus ont été menés conformément aux principes d'équité et de transparence inhérents aux procédures en vertu de la LACC.

L'incidence potentielle d'un appel

La Cour a souligné l'incidence négative potentielle de la permission d'en appeler sur le processus de restructuration. Un appel aurait probablement entraîné des retards importants, ce qui aurait compromis la capacité de COPL de poursuivre ses activités et de préserver des emplois. La Cour a souligné l'importance du règlement rapide des procédures en vertu de la LACC pour atteindre les objectifs de maximiser le recouvrement pour les créanciers et de préserver la valeur d'exploitation. La perturbation potentielle causée par un appel aurait nui à ces objectifs et aurait eu des conséquences préjudiciables pour COPL, ses employés et ses créanciers.

Ce qu'il faut retenir

L'arrêt de la Cour d'appel de l'Alberta illustre la nécessité de maintenir un certain équilibre dans les procédures d'insolvabilité en vertu de la LACC. Le tribunal doit tenir compte des intérêts opposés de diverses parties prenantes, y compris les créanciers, les employés et la société insolvable, afin de faciliter une restructuration ou une liquidation ordonnée. En rejetant la permission d'en appeler de BP, la Cour a donné préséance aux objectifs généraux de la LACC, lesquels comprennent la protection des emplois, le maintien des activités et la maximisation du recouvrement pour les créanciers, plutôt que de se concentrer sur des réclamations individuelles d'un seul créancier.

Cet arrêt souligne la nécessité d'un règlement rapide et ordonné des procédures en vertu de la LACC. Les retards causés par les appels peuvent perturber considérablement le processus de restructuration, mettre en péril la valeur d'exploitation de la société insolvable et entraîner des résultats défavorables pour toutes les parties prenantes. Il met l'accent sur la déférence due aux juges en chambre qui supervisent des affaires complexes d'insolvabilité et sur la nécessité de respecter les principes établis d'équité et de transparence dans les procédures fondées sur la LACC.

L'affaire met également en lumière l'importance de la participation des parties prenantes aux différents stades de la procédure d'insolvabilité. Le défaut de BP de participer au financement provisoire et le défaut de faire ses objections plus tôt dans le processus ont fini par affaiblir sa position et ont souligné la nécessité d'une participation proactive des créanciers afin de protéger efficacement leurs intérêts.

En résumé, l'arrêt dénote des considérations et une interprétation pratiques de la législation en matière d'insolvabilité et souligne la nécessité d'un règlement efficace et équitable des procédures d'insolvabilité afin d'atteindre les objectifs généraux de la LACC. L'arrêt de la Cour d'appel sert de rappel ferme : les interventions opportunes sont essentielles pour préserver la valeur de l'entreprise, maintenir ses activités et maximiser les recouvrements auprès des créanciers dans des cas complexes d'insolvabilité.

Footnote

1. BP Canada Energy Group ULC v. Canadian Overseas Petroleum Limited et al., 2024 ABCA 190.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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