L'affaire Soave c. Stahle Construction Inc. (2023 ONCA 265) démontre que l'interprétation des régimes d'avantages sociaux demeure un problème pour les employeurs.
Les faits et la décision de première instance
Le demandeur était tenu de participer au régime d'avantages sociaux collectif de son employeur, lequel comprenait un régime de prestations d'invalidité de longue durée (ILD) entièrement assuré. Après que le demandeur ait terminé un travail de supervision sur un chantier de construction, l'employeur lui a demandé de superviser un autre chantier. Toutefois, le demandeur a avisé l'employeur qu'il devait être opéré pour une hernie. Le demandeur a cessé de travailler en janvier 2014 et l'employeur a produit un relevé d'emploi précisant que le demandeur était en congé de maladie temporaire.
En mars 2014, le demandeur a subi des blessures graves dans un accident de la route. Lorsque ce dernier a tenté d'avoir accès à ses prestations pour médicaments par l'entremise du régime d'assurance de l'employeur, l'assureur a communiqué avec l'employeur au sujet du statut d'emploi du demandeur. L'employeur a déclaré que le demandeur n'était plus à son emploi. La demande de remboursement de médicaments du demandeur a été rejetée. Le demandeur a alors soumis une demande de prestations d'ILD et l'assureur a rejeté sa demande au motif qu'il ne travaillait pas activement à la date de son accident de la route.
Le demandeur a intenté une action contre l'employeur, alléguant qu'il était toujours à l'emploi au moment de son accident de la route et que l'employeur avait mis fin à tort à son régime d'avantages sociaux collectif. Au procès, la juge a tranché en faveur du demandeur. Ainsi, la juge de première instance a ordonné à l'employeur de payer au demandeur une somme d'environ 245 995 $ à titre de dommages-intérêts généraux, ainsi que 2 935 $ à titre de dommages-intérêts spéciaux. On ignore pourquoi l'assureur n'a pas été inclus dans l'instance ou n'a pas été partie à celle-ci, ou si son inclusion ou sa participation aurait eu une incidence sur l'issue de l'affaire (y compris quant à la responsabilité de l'employeur en première instance).
L'employeur a porté la décision en appel pour trois motifs.
L'appel
Premier motif : La juge a refusé d'admettre le contrat d'assurance en preuve
La juge de première instance a refusé d'admettre en preuve le contrat d'assurance et s'est plutôt fondée sur une brochure d'information sur les avantages sociaux préparée par un tiers administrateur. Elle a conclu que la brochure constituait le fondement du recours du demandeur et de la réponse de l'employeur à celui-ci. De plus, l'employeur n'a pas produit le contrat en preuve avant le contre-interrogatoire du demandeur. Il n'en avait pas fait mention auparavant ni n'avait indiqué son intention de se fonder sur celui-ci. La Cour d'appel a confirmé la décision de la juge de première instance et a même suggéré que la brochure pouvait constituer un contrat, mais elle n'a pas statué sur cette question.
Points à retenir :
- Un employeur devrait examiner le contrat d'assurance et se fonder sur celui-ci pour analyser les modalités d'un régime.
- Les documents afférents à un régime peuvent avoir une valeur juridique et devraient être examinés pour en vérifier l'exactitude par rapport aux principales modalités du régime.
Deuxième motif : La juge n'a accordé aucune valeur à la lettre de l'assureur refusant l'ILD
La juge de première instance n'a accordé aucune valeur à une lettre dans laquelle l'assureur a rejeté la demande de prestations d'ILD du demandeur au motif qu'il ne travaillait pas activement à la date de l'accident de la route. La juge de première instance a conclu que la lettre n'avait aucun contexte. L'employeur n'a présenté aucun autre document à l'appui de la décision annoncée dans la lettre, comme la demande de prestations d'ILD du demandeur, et l'assureur n'a pas été appelé à témoigner au procès. La Cour d'appel a confirmé la décision de première instance.
Points à retenir :
- Un employeur ne peut simplement invoquer la décision d'un assureur sans autre élément à l'appui de ses prétentions.
Troisième motif : La juge a erré en concluant que le demandeur était admissible aux prestations d'ILD
Après avoir déterminé que le demandeur était en congé de maladie temporaire en janvier 2014, la juge de première instance a conclu que le demandeur avait droit aux prestations d'ILD en raison de l'accident de la route survenu plusieurs semaines plus tard. La Cour d'appel a conclu que la juge de première instance avait erré dans l'interprétation du contenu de la brochure d'information sur les avantages sociaux, qui exigeait qu'un employé soit « activement au travail ». Plus précisément, la juge de première instance n'a pas tenu compte de la raison de l'absence initiale du demandeur au travail, à savoir si celle-ci résultait d'un congé ou d'une invalidité. La juge de première instance ne s'est pas non plus demandé si le demandeur répondait aux critères d'admissibilité à l'assurance ILD, lesquels exigeaient de déterminer si le demandeur était « invalide », au sens donné à ce terme dans la brochure en question, à la date où il a cessé de travailler, ou s'il est devenu invalide pendant un congé au cours duquel l'employeur était tenu par « la loi, la réglementation ou la jurisprudence » de verser des prestations. La Cour d'appel a renvoyé l'affaire à la juge de première instance pour réexamen.
Points à retenir :
- Même les dispositions relativement courantes des documents de régimes d'avantages sociaux continuent de soulever des problèmes d'interprétation.
- L'issue d'une contestation peut varier d'un territoire à l'autre puisque, par exemple, les protections prévues par la loi pour divers congés ne sont pas uniformes.
Conclusion :
Cette affaire illustre l'importance d'examiner attentivement les modalités des régimes d'avantages sociaux en fonction de chaque situation, même dans le cas des régimes assurés. Pour plus d'information ou pour discuter d'un dossier en particulier, veuillez communiquer avec votre avocat(e) Fasken attitré(e).
The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.