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2 August 2024

Absentéisme et toxicomanie : qu'en est-il de l'obligation d'accommodement de l'employeur lorsque le salarié au fait de ses problèmes garde le silence ?

En 2022, le salarié travaillait comme magasinier au sein d'un établissement d'Hydro-Québec, pour qui il était à l'emploi depuis 12 ans.
Canada Employment and HR
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En 2022, le salarié travaillait comme magasinier au sein d'un établissement d'Hydro-Québec, pour qui il était à l'emploi depuis 12 ans.

Bien qu'il n'en avait jamais informé l'employeur, le salarié souffrait de problèmes de dépendance à la drogue et à l'alcool depuis de nombreuses années. Ses problèmes variaient selon la période, le salarié ayant suivi différentes thérapies de son plein gré.

Au courant de l'année 2022, suite à des événements familiaux difficiles, le salarié a subi une rechute et a augmenté son niveau de consommation. Parallèlement, il a commencé à s'absenter régulièrement du travail.

L'employeur a alors commencé à noter et à compiler ses nombreux retards, absences et départs hâtifs. Au terme de son enquête, il a constaté que le salarié lui avait fourni de faux prétextes, et que par ailleurs, il lui avait réclamé du temps qui n'avait pas réellement été travaillé au sein de ses feuilles de temps.

Il a donc convoqué le salarié à une rencontre disciplinaire au cours de laquelle ce dernier est demeuré évasif sur les motifs derrière son comportement. Il a simplement mentionné avoir des problèmes personnels. Considérant l'absence de justifications suffisantes, l'employeur a procédé à son congédiement.

La décision

Le syndicat invoquait à titre d'argument central à sa défense que l'employeur avait volontairement « regardé ailleurs » et qu'il se devait de connaitre la situation du salarié, puis de l'accommoder, avant de le congédier.

Or, dans sa décision, le Tribunal constate plutôt que les circonstances ne permettaient pas raisonnablement à l'employeur de connaitre l'existence du problème et qu'elles ne lui imposaient pas non plus de s'interroger au sujet d'une possible dépendance. En effet, bien que le salarié avait des problèmes d'absentéisme, il n'a communiqué avec aucun collègue, ni gestionnaire, à propos de problèmes de dépendance ou de problèmes de santé de manière plus globale.

Lorsque questionné sur les raisons de ses absences répétées et de ses feuilles de temps exagérées, il s'était contenté de mentionner des problèmes personnels en faisant allusion à la séparation avec sa conjointe, sans insister sur cette justification. Ainsi, selon le Tribunal :

102. À mon avis, et avec égard, de tels énoncés vagues […] ne correspondent pas à ces indices « fort éloquents » ou « sérieux » ou même suffisants de façon minimale qui auraient eu pour avoir pour effet d'amener l'employeur à faire un lien entre les fautes survenues au travail au cours des derniers mois et un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie et l'obliger alors à évaluer le dossier sous autre angle que disciplinaire, y incluant une possible application de l'obligation d'accommodement.

[…]

104. Campé dans une telle position de silence, le plaignant a fait un choix […] qui l'a privé de la possible protection que garantit la Charte […]

Le Tribunal nous rappelle ainsi que pour que l'obligation d'accommodement de l'employeur soit enclenchée, si le salarié ne lui fait pas part de ses problèmes, il est nécessaire qu'il existe des « indices forts et éloquents » ou « plusieurs indices sérieux » qui conduiraient un employeur raisonnable à sérieusement douter que la cause réelle des absences est reliée à un problème de toxicomanie.

En ce sens, en l'absence d'une obligation d'accommodement, le Tribunal juge que les manquements reprochés par l'employeur étaient suffisants pour justifier le congédiement et il rejette le grief.

Ce qu'il faut retenir

Cette affaire rappelle un principe clé en matière de gestion de l'absentéisme en présence de problèmes de toxicomanie : lorsqu'un employé est conscient de sa dépendance, en gardant le silence total, il prive l'employeur d'informations clés à l'exercice de sa gestion et peut empêcher par le fait même l'application des protections en matière de droits fondamentaux en lien avec son handicap.

Cela étant dit, bien que ce rappel soit le bienvenu et qu'il réaffirme un principe de logique et d'équité, les employeurs doivent demeurer vigilants et à l'affût des indices et des circonstances particulières à chaque cas en matière d'absentéisme.

Si un salarié leur révèle de manière générale devoir obtenir de l'aide médicale, ou si la dépendance devient apparente ou probable en raison d'une série de gestes ou d'événements, l'employeur conserve toujours l'obligation de creuser et de mener son enquête. Le silence d'un salarié n'aura jamais comme conséquence automatique d'écarter le devoir d'accommodement.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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