Un arbitre estime que le non-respect de la politique de vaccination d'un hôpital est un motif de sanction disciplinaire

Fasken a récemment représenté un hôpital (l'« hôpital») dans le cadre d'un arbitrage portant sur une politique de vaccination obligatoire.
Canada Employment and HR
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La jurisprudence arbitrale en matière de politiques de vaccination obligatoire évolue constamment depuis la publication, en novembre 2021, de la première sentence arbitrale ontarienne en droit du travail1.

Fasken a récemment représenté un hôpital (l'« hôpital») dans le cadre d'un arbitrage portant sur une politique de vaccination obligatoire2. Dans cette affaire, l'arbitre s'est penché sur la question de savoir si le non-respect de la politique était un motif de congédiement valable pour une plaignante sans antécédents disciplinaires.

Les faits

Comme la majorité des hôpitaux du pays, l'hôpital avait annoncé l'instauration d'une politique de vaccination obligatoire stipulant que tous les employés devaient être entièrement vaccinés ou demander une exemption fondée sur les droits de la personne avant le délai prescrit. Les employés avaient été avertis, sur une période de plusieurs mois, que le non-respect de cette politique pourrait entraîner des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au congédiement.

Contrairement aux circonstances examinées dans les affaires Lakeridge Health v CUPE, Local 6364, 2023 CanLII 33942 (ON LA) et Central West Local Health Integration Network v Canadian Union of Public Employees, Local 966, 2023 CanLII 58388 (ON LA), l'hôpital n'a pas accordé de congé sans solde aux employés qui n'avaient pas respecté la politique. Les employés non vaccinés ont plutôt été convoqués à une réunion au cours de laquelle on leur a demandé s'ils avaient l'intention de se conformer à la politique ou de demander une exemption. Les employés qui ont répondu ne pas avoir l'intention de se faire vacciner ont été informés qu'ils seraient congédiés la semaine suivante pour motif valable.

Comme la plaignante a choisi de ne pas se faire vacciner sans demander d'exemption fondée sur les droits de la personne, l'hôpital l'a congédiée pour motif valable. Le syndicat a déposé un grief, alléguant que la plaignante avait été congédiée de manière injuste.

Dans cette affaire, le syndicat n'a pas contesté le caractère raisonnable de la politique de vaccination obligatoire, il a plutôt avancé que l'hôpital n'avait pas de motif valable pour congédier la plaignante.

Quelle a été la décision de l'arbitre ?

Sanctions disciplinaires : Étant donné que la politique de vaccination était raisonnable et que la plaignante avait refusé de la respecter, l'arbitre a conclu qu'il était justifié d'appliquer des sanctions disciplinaires pour non-respect de la politique.

Cette conclusion diverge des conclusions tirées d'une autre sentence arbitrale récente selon laquelle le non-respect d'une politique de vaccination obligatoire raisonnable ne pourrait jamais constituer un motif de sanctions disciplinaires parce que cela mettrait en jeu le droit des employés de refuser de fournir des renseignements médicaux ou de se soumettre à un acte médical3. L'arbitre en l'espèce a nuancé les conclusions de cette décision antérieure en mettant l'accent sur les circonstances extraordinaires que présentait la pandémie de COVID-19, particulièrement en milieu hospitalier. Il a souligné que, dans le contexte d'une pandémie, on devait contrebalancer les droits individuels d'un employé et l'obligation de protéger les patients et d'assurer la sécurité au travail :

[TRADUCTION] « Nous vivons et travaillons en communauté les uns avec les autres; nous avons tous certains droits individuels, mais nous sommes également liés par une myriade de devoirs et d'obligations. Il faut trouver le juste équilibre entre ces intérêts opposés. En octobre 2021, lorsque le variant Delta de la COVID-19 approchait de son sommet et que des vaccins sûrs et efficaces étaient facilement accessibles, les employés du milieu hospitalier, en particulier, avaient le devoir de se protéger, de protéger les autres et de veiller à ce que les patients vulnérables ne soient pas exposés à un risque plus élevé d'infection et de décès4. »

Bien que l'arbitre ait conclu que des sanctions disciplinaires étaient justifiées dans les circonstances, la plaignante n'avait pas eu suffisamment d'occasions pour réfléchir aux conséquences de son choix, car l'hôpital n'avait pas imposé de sanctions disciplinaires progressives ni accordé de congé sans solde. L'arbitre a établi une distinction entre la présente affaire et l'affaire Quinte Health v Ontario Nurses Association, 2024 CanLII 14991 (ON LA), refusant d'accepter la position du syndicat selon laquelle le congédiement était effectivement automatique. Bien que les rencontres avec les employés aient été brèves, elles ont néanmoins fourni suffisamment d'information pour s'assurer que les employés avaient connaissance de la politique et des conséquences en cas de non-respect.

Mesures réparatrices : L'arbitre a réintégré la plaignante aux termes d'un congé sans solde et a remplacé le congédiement par une suspension disciplinaire de 30 jours. Il a toutefois refusé d'accorder une indemnisation pour la perte de salaire à compter de la date de cessation d'emploi parce que la politique de l'hôpital était toujours en vigueur, que la plaignante n'avait toujours pas reçu de vaccin et que rien ne laissait croire qu'elle se serait fait vacciner si elle avait été suspendue.

L'arbitre a également rejeté l'argument du syndicat selon lequel des dommages-intérêts tenant lieu de réintégration devaient être accordés et a refusé d'octroyer une indemnité de départ. Aucune preuve ne venait à l'appui de l'idée selon laquelle la relation d'emploi était à tel point rompue qu'une réintégration ne constituait pas le recours approprié.

Enfin, l'arbitre a ajouté qu'il était d'accord avec les nombreux cas où il a été déterminé qu'un employé ne pouvait pas demeurer en congé sans solde indéfiniment. Étant donné que la plaignante n'avait toujours pas été vaccinée et que son dossier affichait une suspension de 30 jours, l'arbitre a conclu que [TRADUCTION] « le maintien de l'emploi [de la plaignante] semblait à tout le moins très précaire5 ».

Points à retenir

Cette décision s'ajoute à la jurisprudence – encore en pleine évolution – sur les politiques de vaccination obligatoire rendues nécessaires par la pandémie de COVID-19. Et plus important encore, cette décision se distingue de la jurisprudence récente défavorable aux employeurs et soutient qu'il est approprié d'imposer des sanctions disciplinaires aux employés en cas de non-respect des politiques de vaccination. Bien qu'il y ait à présent un nouveau consensus selon lequel les politiques de vaccination sont raisonnables dans bien des cas, le caractère raisonnable des congédiements fera tout de même l'objet d'un examen au regard des circonstances du moment et du processus qui a été suivi.

Footnotes

1. Pour en savoir plus à ce sujet, consultez nos bulletins de l'espace RH précédents : « Un arbitre confirme la validité de la politique de vaccination d'un hôpital et son recours au congédiement pour motif valable » et « Employer's Mandatory COVID-19 Vaccination Policy Deemed Reasonable ».

2. London Health Sciences Centre v Unifor Local 27, 2024 CanLII 48714 (ON LA). (disponible en anglais seulement)

3. Humber River Hospital v. Teamsters Local Union No. 419, 2024 CanLII 19827 (ON LA). (disponible en anglais seulement)

Nous tenons à préciser que cette décision fait l'objet d'un contrôle judiciaire. De plus, un autre arbitre a conclu que la politique de Humber River était raisonnable compte tenu des circonstances extraordinaires de la pandémie dans l'affaire National Organized Workers Union (NOWU) v Humber River Hospital, 2024 CanLII 52386 (ON LA). (disponible en anglais seulement)

4. London Health Sciences Centre v Unifor Local 27, par. 49. (disponible en anglais seulement)

5. London Health Sciences Centre v Unifor Local 27, par. 71. (disponible en anglais seulement)

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