Ne faites aucun mal: l'impact de la Loi sur l'entreprise du XXIe siècle sur les entreprises canadiennes

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McCarthy Tétrault LLP

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Le projet de loi S-285, la Loi sur l'entreprise du XXIe siècle, qui a récemment été présenté au Sénat sans le soutien d'aucun parti politique, propose de modifier...
Canada Corporate/Commercial Law
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Le projet de loi S-285, la Loi sur l'entreprise du XXIe siècle, qui a récemment été présenté au Sénat sans le soutien d'aucun parti politique, propose de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions  (LCSA) pour enchâsser dans la loi l'idée que les entreprises ont des obligations sociales et environnementales positives.

Les modifications proposées prescrivent une raison d'être élargie pour chaque société régie par la LCSA, qui est liée aux obligations fiduciaires des administrateurs et des dirigeants. Les modifications proposées exigent également que les sociétés régies par la LCSA, qu'elles soient cotées en bourse ou privées, publient un rapport annuel décrivant l'impact que la société peut avoir sur la collectivité et sur l'environnement.

Changement de raison d'être et d'obligations

S'il est adopté, le projet de loi S-285 ajoutera un nouvel article à la LCSA stipulant que « la raison d'être d'une société consiste à servir au mieux ses intérêts tout en veillant :

  1. à apporter à la collectivité et à l'environnement des bienfaits proportionnels à sa taille et à la nature de ses activités;
  2. à réduire, en vue d'une élimination complète, tout préjudice qu'elle pourrait causer à la collectivité et à l'environnement ».

La nouvelle raison d'être est intégrée dans les obligations fiduciaires des administrateurs et des dirigeants, qui doivent tous agir honnêtement et de bonne foi dans l'intérêt de la société, tout en veillant à ce que celle-ci fonctionne d'une manière conforme à sa raison d'être élargie.

La décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, telle qu'elle a été codifiée dans la LCSA, affirmait que les administrateurs et les dirigeants peuvent  tenir compte de l'impact des décisions de l'entreprise sur divers groupes de parties prenantes, tels que les employés, les créanciers, les consommateurs, les gouvernements et l'environnement, mais la loi n'exige pas actuellement la prise en compte de ces facteurs.

Le projet de loi S-285 obligerait les administrateurs et les dirigeants à tenir compte de groupes de parties prenantes déterminées, y compris l'environnement, lorsqu'ils agissent dans l'intérêt de la société.

L'impact pratique du projet de loi S-285 sur les décisions des conseils d'administration et des dirigeants d'entreprise est difficile à déterminer à l'heure actuelle. Il est certain que les exigences proposées pour prendre en compte et au moins minimiser le préjudice causé aux parties prenantes externes, telles que l'environnement et la collectivité, puis pour rendre compte de la manière dont les intérêts de ces parties prenantes ont été pris en compte, peuvent élargir la portée des données examinées et le nombre de parties prenantes avec qui la direction et/ou le conseil d'administration interagissent. Fondamentalement, le projet de loi S-285 vise à influencer le processus de prise de décision de la direction et du conseil d'administration.

Exigences en matière de production de rapports

Les modifications proposées exigeraient également que toutes les sociétés régies par la LCSA rendent compte chaque année à leurs actionnaires et au public de leur impact social et environnemental.

Alors que le règlement d'application, qui n'est pas encore disponible, prescrira le contenu exact du rapport, la page web du projet de loi S-285 de la sénatrice qui l'a présenté propose que les sociétés régies par la LCSA puissent rendre compte de leurs impacts sociaux et environnementaux en utilisant l'un des différents cadres de référence pour les rapports d'impact, tels que la Global Reporting Initiative, la directive de la Commission européenne sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE) ou B Impact Assessment.

On ne sait pas encore si la réglementation qui doit être adoptée pour mettre en œuvre le projet de loi S-285 permettra à une société d'utiliser les Normes canadiennes d'information sur la durabilité du Conseil canadien des normes d'information sur la durabilité (normes CCNID), une fois finalisées, comme base de divulgation pour son rapport annuel. Pour plus d'informations sur les normes CCNID, veuillez consulter notre analyse approfondie ici. L'interopérabilité entre le projet de loi S-285 et toute obligation d'information sur le climat qui serait adoptée par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières à l'intention des émetteurs assujettis canadiens reste également à déterminer.

Responsabilité en cas de non-conformité

Si les modifications proposées à la LCSA ne sont pas respectées, un « plaignant » peut intenter une action en justice, au nom de la société, afin d'obtenir réparation pour les torts causés à la société, également connue sous le nom d'« action indirecte ». Dans le contexte des modifications proposées, un actionnaire pourrait, par exemple, intenter une action indirecte contre les dirigeants ou les administrateurs de la société en alléguant qu'ils ont manqué à leur obligation fiduciaire en ne respectant pas à la raison d'être de la société.

Les modifications proposées élargissent également la définition de « plaignant » afin de considérer comme « plaignant » toute personne qui intente une action indirecte pour non-respect de la nouvelle raison d'être et nouvelle obligation fiduciaire, de sorte que toute personne peut valablement intenter une action indirecte pour autant qu'elle remplisse les autres conditions préalables en vertu de la LCSA. La définition élargie de plaignant ouvre la voie à de nouvelles parties prenantes qui n'avaient pas le droit auparavant d'intenter une action indirecte.

Une tendance mondiale

Le projet de loi S-285 trouve son inspiration dans un mouvement international plus large visant à redéfinir les responsabilités des entreprises pour y inclure des considérations sociales et environnementales. Le Royaume-Uni, la France et l'Union européenne (UE) ont tous mis en place des initiatives visant à intégrer des objectifs sociétaux plus larges dans la gouvernance d'entreprise par le biais de l'initiative Better Business Act, de la loi française PACTE et de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD), respectivement.

La loi française PACTE, qui oblige les entreprises à prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux de leurs activités et leur donne la possibilité d'adopter une raison d'être élargie, est entrée en vigueur en 2019.

Toutefois, l'initiative britannique Better Business Act a été lancée en 2021 et n'a pas encore fait l'objet d'un projet de loi à la Chambre des communes du Royaume-Uni. L'approbation finale de la CSDDD de l'UE, qui obligerait les entreprises à identifier tout préjudice environnemental et social dans leurs chaînes d'approvisionnement (similaire à la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement, qui est discutée plus en profondeur ici), a également été reportée à plusieurs reprises en raison de l'absence de soutien suffisant.

Veuillez noter que le projet de loi S-285 est un projet de loi public présenté par la sénatrice Julie Miville-Dechêne1 et qu'il n'a reçu l'appui officiel d'aucun parti politique. Il pourrait ainsi être plus difficile pour ce projet de loi de franchir toutes les étapes en vue de devenir une loi.

Footnote

1. La sénatrice Miville-Dechêne a également présenté le projet de loi S-211, contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement, qui est devenu la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement.

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