Les tiers qui exercent des activités de publicité politique en Ontario devraient s'attendre à des changements dans l'avenir, la Cour suprême du Canada (la « CSC ») ayant rendu sa décision dans le cadre de la contestation constitutionnelle des restrictions applicables aux tiers en ce qui concerne la publicité politique en période préélectorale dans la province.
Dans l'affaire Ontario (Procureur général) c. Working Families Coalition (Canada) Inc. (l'« affaire Working Families »), le plus haut tribunal du Canada a conclu que les plafonds des dépenses de tiers imposés par l'Ontario en période préélectorale étaient inconstitutionnels. Dans leur jugement, les juges de la CSC à la majorité (les « juges majoritaires de la CSC ») ont déclaré que les restrictions visant à limiter les dépenses publicitaires de tiers dans les 12 mois précédant une période électorale portaient atteinte de manière injustifiée au droit de vote des citoyens garanti par l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») en créant une disproportion qui, à première vue, permettait aux partis politiques d'étouffer les voix des tiers sur des questions politiques.
À moins que la province n'adopte de nouvelles restrictions conformes à la Constitution d'ici à la prochaine élection générale en Ontario, aucun plafond ne sera imposé aux dépenses de publicité politique faite par des tiers lors de la période préélectorale.
Les restrictions proposées
Comme nous en avons fait état dans un Bulletin Blakes antérieur, l'Assemblée législative de l'Ontario a modifié la Loi sur le financement des élections (la « LFE ») afin de limiter les dépenses de publicité politique faite par des tiers à 600 000 $ CA au total et à 24 000 $ CA par circonscription électorale (chaque montant étant indexé à l'inflation) au cours des 12 mois qui précèdent l'émission d'un décret de convocation des électeurs en vue d'une élection générale (la « période préélectorale »). Le terme « tiers » est défini de façon générale dans la LFE comme incluant une personne ou une entité, à l'exception d'un candidat inscrit, d'une association de circonscription inscrite ou d'un parti inscrit.
Fait important, ces restrictions ne s'appliquent pas aux partis politiques inscrits, dont les dépenses de publicité ne sont assujetties à aucun plafond pendant les six premiers mois d'une période préélectorale et sont assujetties à un plafond de 1 M$ CA (indexé annuellement) pendant les six derniers mois d'une période préélectorale.
L'affaire ayant atteint la CSC
Un groupe d'organismes de défense des droits, de syndicats et de particuliers a entrepris devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario une contestation de la constitutionnalité des plafonds des dépenses de tiers en période préélectorale, alléguant, entre autres, que ces restrictions portaient atteinte au droit de vote des citoyens garanti par l'article 3 de la Charte. Le juge saisi de la demande a déclaré que ces restrictions ne violaient pas l'article 3 de la Charte, mais les juges saisis de l'affaire en Cour d'appel ont, à la majorité, accueilli l'appel et conclu que les plafonds des dépenses étaient invalides.
Dans leur jugement, les juges majoritaires de la CSC ont convenu que les restrictions contestées en matière de dépenses portaient atteinte à l'« aspect informationnel » du droit de participer utilement au processus électoral garanti par l'article 3 de la Charte. Ce faisant, ils ont souligné qu'un plafond des dépenses porte atteinte au droit garanti à l'article 3 de la Charte s'il donne aux acteurs politiques une voix disproportionnée dans le débat politique, privant ainsi les électeurs d'un vaste éventail de points de vue sur les enjeux sociaux et politiques. Les juges majoritaires de la CSC ont noté que les restrictions imposées par la LFE créaient une « disproportion absolue » et une « importante disparité qualitative entre ce que peuvent faire les partis politiques et les tiers, […] entraîn[ant] une disproportion dans le débat politique ».
La CSC a souligné que l'atteinte à l'article 3 ne pouvait être justifiée au regard de l'article 1 de la Charte, et elle a invalidé les plafonds des dépenses, les déclarant inopérants.
Principaux points à retenir
À la suite de la décision rendue par la CSC dans l'affaire Working Families, les tiers qui souhaitent engager des dépenses de publicité devraient tenir compte de ce qui suit :
- Les plafonds des dépenses de tiers ne s'appliquent pas pendant les périodes préélectorales en Ontario. À l'heure actuelle, les plafonds imposés dans la LFE relativement aux dépenses de publicité politique faite par des tiers ne s'appliquent pas pendant les périodes préélectorales. En d'autres mots, au cours des 12 mois qui précèdent immédiatement l'émission du décret de convocation des électeurs à une élection générale, la publicité politique faite par des tiers n'est assujettie à aucun plafond des dépenses.
- Les plafonds des dépenses de tiers continuent de s'appliquer pendant les périodes électorales en Ontario. Le jugement rendu par la CSC dans l'affaire Working Families ne portait que sur les plafonds imposés aux dépenses de tiers pendant une période préélectorale. Les plafonds des dépenses de publicité politique faite par des tiers continuent de s'appliquer pendant la période électorale, laquelle commence à la date à laquelle est émis le décret de convocation des électeurs à l'élection et se termine le jour du scrutin. Pendant la période électorale, aucun tiers ne peut dépenser plus de 4 000 $ CA dans une circonscription électorale donnée ou plus de 100 000 $ CA au total (chaque montant devant être rajusté en fonction de l'inflation) à des fins de publicité politique. Il est par ailleurs strictement interdit à des tiers d'esquiver ou de tenter d'esquiver les plafonds en agissant de collusion avec d'autres personnes, en scindant des dépenses entre entités apparentées de sorte que la valeur totale de leurs dépenses de publicité politique ne dépasse pas les plafonds applicables et de partager des renseignements avec les partis politiques inscrits.
- Le gouvernement de l'Ontario pourrait établir de nouveaux plafonds des dépenses avant la prochaine élection. Comme la prochaine élection en Ontario devrait avoir lieu d'ici le 7 juin 2029, l'Assemblée législative de l'Ontario aura amplement l'occasion d'établir de nouveaux plafonds pour la publicité politique faite par des tiers en période préélectorale. Les annonceurs éventuels devraient s'assurer que des modifications n'ont pas été apportées à la législation avant de faire de la publicité politique ou de la publicité qui concerne une question au sujet de laquelle au moins un parti politique ou un candidat inscrit ou une candidate inscrite a pris position.
- Ce jugement pourrait avoir une incidence sur les plafonds des dépenses électorales fixés dans d'autres territoires. La conclusion de la CSC selon laquelle les plafonds imposés dans la LFE aux dépenses de publicité politique faite par des tiers portent atteinte à la Charte parce qu'ils créeraient une disproportion dans le débat politique pourrait s'appliquer à d'autres régimes de financement électoral au Canada. Les tiers sont en effet assujettis à des plafonds des dépenses similaires en Alberta, au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest. Des tiers ailleurs qu'en Ontario pourraient s'inspirer de ce jugement pour contester les plafonds ou d'autres limites de dépenses en vigueur dans leur ressort, en alléguant que ces restrictions ont des répercussions sur le droit des citoyens de voter de manière éclairée et sur le débat politique en général.
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