Le 7 juin 2016, le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a présenté à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 102 intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin de moderniser le régime d'autorisation environnementale et modifiant d'autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert. Le présent bulletin s'attardera aux principales modifications proposées au régime d'autorisation environnementale de la Loi sur la qualité de l'environnement, première étape d'une modernisation qui sera suivie par des modifications aux règlements adoptés en vertu de cette loi et, nous dit-on, par des modifications dans les façons de faire du ministère.
Un régime d'autorisation modulé en fonction du risque pour l'environnement
Le projet de loi propose quatre types d'encadrement
différents en fonction de quatre niveaux de risque pour
l'environnement.
Activités à risque
élevé
La procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement serait conservée pour les
projets complexes ou de grande envergure comportant des
préoccupations sociales et des impacts potentiels importants
sur l'environnement.
La liste des projets assujettis continuerait d'être
prévue au Règlement sur l'évaluation et
l'examen des impacts sur l'environnement. Cette liste
serait toutefois revue et le ministre devrait ensuite proposer au
gouvernement une révision de cette liste aux cinq
ans1. Le gouvernement pourrait aussi, dans certains cas,
de manière exceptionnelle et sur recommandation du ministre,
assujettir à la procédure un projet qui n'est pas
prévu au règlement2.
Un registre public des projets assujettis serait créé
et mis à jour à chacune des étapes de la
procédure3. La consultation du public
débuterait dès l'étape de l'avis de
projet et l'initiateur du projet devrait prendre en compte dans
l'étude d'impact les observations et les enjeux
alors soulevés4. Si l'étude
d'impact ne traite pas de manière satisfaisante tous les
sujets qu'elle devait aborder, le ministre pourrait soumettre
à l'initiateur du projet une seule série de
questions; si l'étude n'était toujours pas
recevable malgré les réponses fournies, le ministre
transmettrait un avis mettant fin à l'évaluation
environnementale du projet5.
La période d'information publique débuterait
lorsque l'étude d'impact serait jugée
recevable. À moins d'une demande jugée frivole,
le ministre pourrait ensuite confier au Bureau d'audiences
publiques sur l'environnement le mandat de tenir une audience
publique, une consultation ciblée ou une
médiation6. Dans certains cas, une audience
publique pourrait avoir lieu sans même que l'initiateur
du projet n'ait à entreprendre la période
d'information publique7.
Le Bureau ferait ensuite rapport au ministre et le ministre
transmettrait sa recommandation au gouvernement, lequel pourrait
délivrer une autorisation pour la réalisation du
projet, avec ou sans modification et aux conditions, restrictions
ou interdictions qu'il déterminerait, ou refuser de
délivrer l'autorisation8. S'il le jugeait
nécessaire pour assurer une protection adéquate de
l'environnement ou de la santé, le gouvernement pourrait
fixer dans l'autorisation toute norme ou toute condition,
restriction ou interdiction différente de celles prescrites
par règlement9.
Activités à risque
modéré
Un nouveau régime d'autorisation ministérielle
unique remplacerait les régimes actuels de certificat
d'autorisation, d'attestation d'assainissement
applicable à certains établissements industriels,
ceux applicables à certains prélèvements
d'eau, aux installations de gestion et de traitement des eaux,
à l'installation et l'exploitation
d'équipement visant à diminuer ou à
prévenir les rejets de contaminants dans
l'atmosphère, la permission de construire sur un terrain
qui a été utilisé comme lieu
d'élimination de matières résiduelles et
les permis relatifs à la gestion des matières
dangereuses. Ainsi, une seule demande d'autorisation serait
requise pour un projet à risque
modéré10 et un changement aux
activités autorisées prendrait la forme d'une
modification de l'autorisation plutôt que d'une
nouvelle autorisation11.
Des dispositions spécifiques et complémentaires
s'appliqueraient toutefois aux établissements
industriels visés par règlement du gouvernement, aux
ouvrages municipaux d'assainissement ou de gestion des eaux
ainsi que pour la gestion des ressources en eau, la gestion des
matières résiduelles et la gestion des
matières dangereuses.
Dans les cas prévus par règlement, le ministre
pourrait tenir compte des émissions de gaz à effet de
serre attribuables au projet et évaluer les mesures
d'atténuation des impacts des changements climatiques et
les mesures d'adaptation à ces impacts que pourrait
nécessiter le projet (test climat)12.
En délivrant l'autorisation, le ministre pourrait
prescrire toute condition, restriction ou interdiction qu'il
estimerait indiquée13 et, pour certains motifs,
pourrait fixer dans l'autorisation toute norme ou toute
condition, restriction ou interdiction différente de celles
prescrites par règlement14.
Une période de validité de l'autorisation, selon
l'activité ou la catégorie
d'activités, pourrait être prévue par
règlement. À défaut, le ministre pourrait
prescrire une période de validité lors de la
délivrance de l'autorisation15.
L'autorisation serait cessible sans autorisation
ministérielle. Le cédant devrait transmettre au
ministre un avis de cession avec les renseignements et documents
requis. La cession serait réputée
complétée dans un délai de trente jours
suivant la réception des documents par le ministre à
moins que ce dernier n'ait notifié au cédant et
au cessionnaire un avis de son intention de s'opposer à
la cession pour l'un des motifs prévus à la
loi16.
Le projet de loi prévoit également la
possibilité pour le ministre de délivrer une
autorisation à des fins de recherche et
d'expérimentation en permettant de déroger
à la Loi sur la qualité de l'environnement ou aux
règlements pris en vertu de celle-ci. Comme le projet aurait
pour objectif d'évaluer la performance environnementale
d'une nouvelle technologie ou d'une nouvelle pratique, la
demande d'autorisation devrait être accompagnée
d'un protocole d'expérimentation. La durée de
l'autorisation serait fixée par le ministre et des
rapports de suivi devraient lui être remis17.
Cette autorisation serait incessible18.
L'obligation de fournir au ministre un certificat de la
municipalité attestant que la réalisation du projet
ne contrevient à aucun règlement municipal serait
abrogée19.
Les autorisations ainsi que les documents qui en feraient partie
intégrante deviendraient des documents à
caractère public, accessibles au public dans un
registre20.
Activités à risque faible
Une déclaration de conformité serait
dorénavant prévue pour des activités à
risque faible déterminées par règlement,
activités qui seraient autrement assujetties à une
autorisation en vertu de l'article 22 de la Loi sur la
qualité de l'environnement. La déclaration de
conformité devrait être produite au ministre au moins
trente jours avant le début de l'activité et
attester que sa réalisation serait conforme aux conditions,
restrictions et interdictions déterminées par
règlement21. Le ministre devrait être
avisé si une personne ou une municipalité poursuit
les activités à la place du
déclarant22.
Une personne ou une municipalité qui aurait fait une
déclaration de conformité et qui exercerait une
activité en contravention aux conditions, restrictions ou
interdictions déterminées par règlement serait
réputée exercer son activité sans
l'autorisation requise en vertu de la sous-section 1 (articles
22 et suivants) et serait ainsi passible des mêmes recours,
sanctions, amendes et autres mesures applicables dans ce
cas23.
Activités à risque
négligeable
Le ministre pourrait, par règlement et selon les conditions,
restrictions et interdictions qu'il déterminerait,
exempter de l'application de la sous-section 1 (articles 22 et
suivants) certaines activités. Le ministre pourrait aussi,
par règlement, soumettre des activités
exemptées à une déclaration
d'activités24.
Dans le cas d'une activité dont la réalisation
serait urgente pour réparer un dommage causé par un
sinistre au sens de la Loi sur la sécurité civile ou
pour prévenir un dommage que pourrait causer un sinistre
appréhendé, le ministre pourrait soustraire
l'activité de tout ou partie des dispositions relatives
à l'autorisation ministérielle et à la
déclaration de conformité25.
De nouvelles dispositions relatives aux rejets de contaminants, aux matières dangereuses et aux matières résiduelles
Les articles 20 et 21 de la Loi sur la qualité de
l'environnement, lesquels prévoient respectivement
l'interdiction de rejeter un contaminant dans
l'environnement et l'obligation d'aviser le ministre en
cas de rejet, seraient légèrement modifiés.
Outre le vocabulaire qui serait modernisé, il est
prévu que le ministre aviserait son homologue de la
Santé et des Services sociaux lorsque la présence
d'un contaminant dans l'environnement serait susceptible de
porter atteinte à la vie, à la santé, à
la sécurité, au bien-être ou au confort de
l'être humain. Le ministre pourrait aussi aviser les
ministres de la Sécurité publique et de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
s'il le jugeait opportun. Alors qu'elle était
auparavant implicite, l'obligation de faire cesser le rejet
serait ajoutée à l'article 21.
Quant au rejet accidentel de matières dangereuses
actuellement prévu au Règlement sur les
matières dangereuses, il serait maintenant prévu aux
articles 70.5.1 à 70.5.5 de la loi. Le responsable du rejet
accidentel devrait encore récupérer la matière
dans les plus brefs délais et enlever toute matière
contaminée qui n'est pas nettoyée ou
traitée sur place, mais il pourrait être
déterminé par règlement dans quels cas et
à quelles conditions des matières pourraient
être maintenues dans le terrain. Dans les cas
déterminés par règlement, les obligations de
caractériser le terrain et l'inscription d'avis de
contamination et de décontamination seraient
ajoutées. Il y aurait aussi l'obligation d'aviser le
propriétaire du fonds voisin concerné dans certaines
situations.
Pour ce qui est des matières résiduelles
présentes dans un terrain ayant servi de lieu
d'élimination, l'inscription au registre foncier
d'un avis de restriction d'utilisation serait
ajoutée dans le cadre d'une autorisation de construire
sur ce terrain26. L'inscription d'un avis de
retrait des matières résiduelles de même que
l'obligation d'aviser le propriétaire du fonds
voisin concerné dans certaines situations seraient
également prévues27.
Des modifications sont également proposées dans la
section relative à la protection et à la
réhabilitation des terrains. Ainsi, le ministre pourrait
exiger dans certains cas, dans le cadre de l'analyse d'une
demande d'autorisation qui lui serait faite en vertu de
l'article 22 de la loi, qu'une étude de
caractérisation du terrain lui soit soumise28.
Les mesures de réhabilitation des terrains contaminés
admissibles à une déclaration de conformité
pourraient être déterminées par
règlement29; dans un tel cas, un plan de
réhabilitation n'aurait pas à être soumis
au ministre30.
Un encadrement particulier pour les évaluations environnementales stratégiques
Il est proposé d'ajouter un chapitre pour encadrer l'évaluation environnementale stratégique. L'évaluation environnementale stratégique viserait les programmes de l'Administration (stratégies, plans ou autres formes d'orientation) susceptibles d'avoir des incidences environnementales ainsi que tout projet de modification à ces programmes31. L'objectif serait de favoriser une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux ainsi que des principes de développement durable lors de l'élaboration des programmes. Il pourrait aussi s'agir de déterminer des conditions d'acceptabilité environnementale et sociale des projets découlant de ces programmes. Un registre des évaluations environnementales stratégiques serait créé32 et la consultation du public serait prévue33. Le ministre devrait prendre en considération les conclusions d'une telle évaluation dans l'analyse des demandes d'autorisation qui lui seraient soumises34.
Conclusion
Il s'agit de changements majeurs qui sont proposés
à la Loi sur la qualité de l'environnement,
changements dont la réelle portée pourra être
véritablement appréciée lorsque les
règlements requis seront modifiés ou adoptés
et que les pratiques et les documents administratifs du
ministère seront ajustés en conséquence.
À noter que d'autres modifications, qui ne sont pas
décrites dans le présent bulletin, sont
également proposées, notamment en ce qui a trait aux
pouvoirs d'ordonnance du ministre et aux pouvoirs de
modification, suspension, révocation ou refus d'une
autorisation.
Pour ce qui est des milieux humides et hydriques, les travaux,
constructions ou autres interventions dans ces milieux
demeureraient soumis à une autorisation et la Loi concernant
des mesures de compensation pour la réalisation de projets
affectant un milieu humide ou hydrique, prolongée
jusqu'en avril 2017, continuerait de s'appliquer. Un autre
projet de loi à ce sujet devrait être
déposé avant cette échéance.
Notes
1. Article 24 du projet de loi modifiant l'article 31.9 de
la Loi sur la qualité de l'environnement
(LQE).
2. Article 19 du projet de loi introduisant l'article 31.1.1 de
la LQE.
3. Article 177 du projet de loi introduisant l'article
118.5.0.1 de la LQE.
4. Article 20 du projet de loi introduisant l'article 31.3.1 de
la LQE.
5. Article 20 du projet de loi introduisant les articles 31.3.3 et
31.3.4 de la LQE.
6. Article 20 du projet de loi introduisant l'article 31.3.5 de
la LQE.
7. Idem.
8. Article 19 du projet de loi introduisant l'article 31.3.7 de
la LQE et article 20 du projet de loi remplaçant
l'article 31.5 de la LQE.
9. Article 20 du projet de loi remplaçant l'article 31.5
de la LQE.
10. Article 16 du projet de loi remplaçant la section IV du
chapitre I de la LQE. L'autorisation ministérielle
serait prévue à la section II –
Procédures d'encadrement de certaines activités,
soit les articles 22 et suivants de la LQE.
11. Nouvel article 30 proposé dans la LQE.
12. Nouvel article 24 proposé dans la LQE.
13. Nouvel article 25 proposé dans la LQE.
14. Nouvel article 26 proposé dans la LQE.
15. Nouvel article 28 proposé dans la LQE.
16. Nouvel article 31.0.2 proposé dans la LQE.
17. Nouvel article 29 proposé dans la LQE.
18. Dernier alinéa du nouvel article 31.0.2 proposé
dans la LQE.
19. L'article 244 du projet de loi prévoit
l'abrogation de l'article 8 du Règlement relatif
à l'application de la Loi sur la qualité de
l'environnement.
20. Article 177 du projet de loi introduisant l'article 118.5
de la LQE.
21. Nouvel article 31.0.6 proposé dans la LQE.
22. Nouvel article 31.0.9 proposé dans la LQE.
23. Nouvel article 31.0.10 proposé dans la LQE.
24. Nouvel article 31.0.12 proposé dans la LQE.
25. Nouvel article 31.0.14 proposé dans la LQE.
26. Article 100 du projet de loi introduisant l'article 65.2 de
la LQE.
27. Article 100 du projet de loi introduisant les articles 65.4 et
65.3 de la LQE.
28. Article 31 du projet de loi introduisant l'article 31.50.1
de la LQE.
29. Article 37 du projet de loi introduisant l'article 31.68.1
de la LQE.
30. Article 37 du projet de loi introduisant l'article 31.68.2
de la LQE.
31. Article 116 du projet de loi introduisant l'article 95.5 de
la LQE.
32. Article 116 du projet de loi introduisant l'article 95.13
de la LQE.
33. Article 116 du projet de loi introduisant l'article 95.10
de la LQE.
34. Article 24 proposé de la LQE.
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