Le 4 mars 2025, les premiers ministres de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont annoncé des mesures de rétorsion en réponse aux droits de douane imposés par les États-Unis sur les exportations canadiennes, dont une interdiction immédiate pour les entreprises américaines de prendre part à des marchés publics dans ces deux provinces. Doug Ford a aussi encouragé les municipalités ontariennes à faire de même.
Comme cette exclusion est contraire aux principes bien établis d'équité et d'ouverture en approvisionnement, son bien-fondé et sa portée suscitent de nombreuses questions : Comment déterminer si une entreprise est américaine ou canadienne? Le lieu du siège social et le nombre d'employés au Canada importent-ils? Les entreprises américaines disposant déjà d'un contrat sont-elles aussi visées?
Ontario
Le 4 avril, le gouvernement de l'Ontario a adopté la Politique de restriction en matière d'approvisionnement (la « Politique ») en vertu de la Loi sur le conseil de gestion du gouvernement et de la Loi de 2010 sur la responsabilisation du secteur parapublic. Les directives d'approvisionnement existantes, comme l'Initiative de développement des entreprises ontariennes (« IDEO »), la Directive en matière d'approvisionnement de la fonction publique de l'Ontario (« FPO ») et la Directive en matière d'approvisionnement dans le secteur parapublic, continuent de s'appliquer. En cas de conflit ou d'incohérence entre ces directives et la nouvelle Politique, cette dernière prévaut.
Aux termes de la Politique, une « entreprise américaine » est un fournisseur, un fabricant ou un distributeur de toute structure d'entreprise (notamment une entreprise individuelle, une société de personnes, une corporation ou toute autre structure d'entreprise) qui :
- a son siège social ou son bureau principal aux États-Unis, et
- compte moins de 250 employés à temps plein au Canada au moment du processus d'approvisionnement applicable.
L'approvisionnement auprès d'une entreprise américaine n'est autorisé que si les conditions suivantes sont réunies :
- l'entreprise américaine est la seule source viable pour le bien ou le service;
- l'approvisionnement ne peut être retardé (s'il y a un risque pour la santé ou la sécurité publique, par exemple).
La Politique s'applique à toutes les entités de la fonction publique, c'est-à-dire aux entités gouvernementales et à tous les organismes désignés du secteur parapublic, sauf indication contraire.
Par « entités gouvernementales », on entend :
- tous les ministères;
- tous les organismes provinciaux (y compris ceux qui sont d'autres entités incluses dans la Directive en matière d'approvisionnement de la FPO);
- l'Ontario Power Generation;
- la Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité.
Les « organismes désignés du secteur parapublic » sont ceux qui sont assujettis à la Directive en matière d'approvisionnement dans le secteur parapublic (PDF).
La Politique vise tous les nouveaux approvisionnements en biens et services, quelle qu'en soit la valeur, mais pas :
- les approvisionnements déjà en cours au moment de l'entrée en vigueur de la Politique (c'est-à-dire pour lesquels un document d'approvisionnement a déjà été émis);
- les entités de la fonction publique qui se prévalent d'une entente de fournisseur attitré existante ou d'un autre accord applicable;
- les prolongations de contrat déjà prévues dans l'entente initiale;
- les situations urgentes imprévues figurant dans les directives en matière d'approvisionnement de la FPO et du secteur parapublic.
À noter que la Politique prévoit qu'une entité de la fonction publique « peut se fier à la déclaration d'une entreprise selon laquelle elle ne répond pas à la définition d'une entreprise américaine ».
La Politique s'applique rétroactivement au 4 mars 2025. Les marchés publics publiés après le 4 mars, mais avant la publication de la Politique devront vraisemblablement respecter les nouvelles exigences si aucune des exceptions ne s'applique.
Toronto
Le 26 mars, le conseil municipal de Toronto a approuvé le « Mayor's Economic Action Plan in Response to U.S. Tariffs » (soit le « plan d'action économique de la mairesse en réponse aux droits de douane américains », ci-après le « Plan »), qui prévoit des mesures d'exclusion similaires dans les marchés publics en réaction aux mesures protectionnistes des États-Unis. Il adopte cependant des définitions légèrement différentes pour les fournisseurs américains, les fournisseurs canadiens et les filiales canadiennes; il se peut donc qu'une entité puisse toujours participer aux marchés publics de la Ville de Toronto, mais qu'elle soit exclue de ceux du gouvernement provincial et de ses organismes.
Un fournisseur américain est un fournisseur, un fabricant ou un distributeur de toute structure d'entreprise qui exerce ses activités de façon permanente aux États-Unis et qui répond à l'un des deux critères suivants :
- son siège social ou son principal établissement est situé dans un État ou un territoire des États-Unis;
- au moins 70 % de son personnel travaille aux États-Unis au moment de la soumission.
Les filiales non américaines ne sont pas des fournisseurs américains.
Une filiale non américaine est une filiale dont la société mère exerce ses activités de façon permanente aux États-Unis, qui agit comme fournisseur, fabricant ou distributeur de biens et qui répond aux deux critères suivants :
- elle a des installations de production ou des bureaux permanents à l'extérieur des États-Unis;
- au moins 70 % des livrables sont produits par son personnel travaillant à l'extérieur des États-Unis.
Un fournisseur canadien est un fournisseur, un fabricant ou un distributeur de toute structure d'entreprise qui exerce ses activités de façon permanente au Canada et qui répond à l'un des trois critères suivants :
- son siège social ou son principal établissement est situé dans une province ou un territoire du Canada;
- au moins 70 % de son personnel travaille au Canada au moment de la soumission;
- il est une filiale canadienne.
Une filiale canadienne est une société qui exerce ses activités au Canada, qui agit comme fournisseur, fabricant ou distributeur de biens et services, dont la société mère se situe en dehors du Canada, et qui répond aux deux critères suivants :
- elle a des installations de production ou des bureaux permanents;
- au moins 70 % des livrables sont produits par son personnel travaillant au Canada.
Selon le Plan, seuls les fournisseurs canadiens et les filiales canadiennes sont autorisés à présenter des soumissions dans le cadre de nouveaux marchés concurrentiels de moins de 350 000 $ CA environ pour les biens et services et de 8,8 millions $ CA pour la construction. L'exclusion des fournisseurs américains est rétroactive au 7 mars 2025.
Mississauga et Oakville
D'autres grandes villes, comme Mississauga et Oakville, reprennent la définition du terme « entreprise ontarienne » qui figure dans l'IDEO pour délimiter leurs mesures d'exclusion des marchés publics. Selon l'IDEO, est une entreprise ontarienne celle qui répond aux exigences suivantes :
- L'entreprise est un fournisseur, un fabricant ou un distributeur de toute structure d'entreprise qui exerce ses activités de façon permanente en Ontario.
- L'entreprise :
- soit a son siège social ou son établissement principal en Ontario,
- soit a au moins 250 employés à temps plein en Ontario lors du processus d'approvisionnement applicable.
Mississauga a sa propre définition de « soumissionnaire américain » pour les documents d'approvisionnement. Il s'agit :
- d'un fournisseur de biens ou de services, d'un fabricant ou d'un distributeur de toute structure d'entreprise qui exerce ses activités de façon permanente aux États-Unis;
- qui emploie plus de 65 % de son personnel à temps plein aux États-Unis à la date de clôture de l'appel d'offres.
Contrairement à Toronto, qui s'est dotée d'un nouveau seuil pécuniaire dans le Plan de la mairesse pour favoriser les entreprises canadiennes, Mississauga et Oakville ont rehaussé les seuils qui existaient déjà aux mêmes fins dans leurs règlements sur les marchés publics.
Colombie-Britannique
En Colombie-Britannique, les mesures d'exclusion sont plus centralisées qu'en Ontario, avec le projet de loi 7-2025, Economic Stabilization (Tariff Response) Act, qui a été déposé par le premier ministre le 13 mars et qui est passé à l'étape de la deuxième lecture le 3 avril. La loi proposée vise à donner au lieutenant-gouverneur en conseil de la province (essentiellement le premier ministre et son cabinet) de larges pouvoirs lui permettant d'adopter toute loi liée au commerce et à l'économie, sans intervention législative.
Le bureau du premier ministre serait en droit d'adopter toute loi servant à accomplir l'un des buts suivants, énoncés à l'article 19 figurant dans le projet de loi :
- s'attaquer aux conséquences réelles ou anticipées en Colombie-Britannique des actions d'un État étranger;
- favoriser la coopération interprovinciale en réduisant les entraves au commerce intérieur au Canada;
- soutenir l'économie de la Colombie-Britannique et du Canada.
De plus, le lieutenant-gouverneur pourra forcer toute entité à l'origine d'un marché public à se conformer à une directive liée à l'approvisionnement en biens ou services et exclure ou inclure toute société ou organisation, ou catégorie de sociétés ou organisations, dans la définition d'entité à l'origine d'un marché public.
Le texte doit encore être peaufiné, mais son entrée en vigueur devrait se faire rapidement après la troisième lecture.
Prochaines étapes
Outre l'Ontario et la Colombie-Britannique, les autres provinces et territoires (de même que plusieurs municipalités) ont annoncé des changements semblables à leurs politiques d'approvisionnement, mais tous ne sont pas aussi avancés dans le processus d'adoption. Pour en savoir plus à ce sujet, n'hésitez pas à communiquer avec les membres des groupes Commerce mondial et douanes et Contrats de construction et approvisionnement de Miller Thomson.
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