I. ProcÉdure pÉnale

TF 1C_402/2023

Violation du principe de célérité lors du traitement d'une plainte pénale à l'encontre d'un procureur [p. 2]

TF 5D_212/2023

Absence de restitution du délai pour des motifs météorologiques [p. 2]

TF 7B_944/2023

Violation du principe de célérité du fait d'une procédure de détention provisoire dépassant le délai de 48h [p. 3]

TF 6B_652/2023

Violation du droit d'être entendu après le prononcé d'une expulsion sur appel joint et principe de l'interdiction de la reformatio in pejus [p. 4]

TF 6B_563/2023

Rappel de jurisprudence sur les auditions entre co-prévenus, les questions complémentaires des co-prévenus aux autres parties et la limitation de la publicité des débats [p. 5]

TF 6B_1226/2023

Fixation de la durée d'une mesurethérapeutique institutionnelle [p.6]



II. Droit pÉnal Économique

TF 6B_1176/2022

Violation par négligence de l'obligation de communiquer [p. 7]



III. Droit international privÉ

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  1. Droit de la poursuite et de la faillite

TF 5A_652/2023

Controverse sur la non-divulgation d'une inscription au registre des poursuites [p. 8]

TF 5A_652/2023

Mainlevée provisoire prononcée sur la base de la copie d'une facture, interprétation des art. 178 et 180 CPC sur la question de l'authenticité du titre [p. 9]



V. Entraide internationale

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Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes: droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 1C_402/2023 du 14 décembre 2023 | Violation du principe de célérité lors du traitement d'une plainte pénale à l'encontre d'un procureur (art. 29 Cst.)

  • Le 16 avril 2019, le Recourant a déposé une plainte pénale contre le Procureur du Ministère public zurichois qui avait instruit une procédure ayant mené à sa condamnation en 1ère instance pour violation du secret bancaire. Le Recourant lui reprochait d'avoir sciemment supprimé du dossier pénal des moyens de preuves centraux qui auraient permis de l'innocenter. Le 16 septembre 2022, la plainte a été transmise par le Ministère public à l'Obergericht du canton de Zurich, afin qu'il se prononce sur l'autorisation d'ouvrir une enquête pénale à l'encontre du Procureur. Par décision du 19 juillet 2023, l'Obergericht a refusé d'octroyer cette autorisation.
  • Le Recourant a déposé un recours devant le Tribunal fédéral et s'est notamment prévalu de la violation du principe de célérité consacré à l'art.29al. 1 Cst.
  • In casu, il était établi que le Recourant avait déposé sa plainte pénale contre le Procureur le 16 avril 2019 et qu'il avait fallu plus de quatre ans pour obtenir une décision sur l'autorisation de la poursuite pénale (consid. 5).
  • Compte tenu de l'objet de la procédure, qui se limitait à déterminer l'existence ou non d'indices d'un comportement punissable, le Tribunal fédéral a considéré que cette durée était déraisonnable et violait l'art. 29 Cst. (consid. 5).
  • Partant, le recours a été partiellement admis (consid. 5).

TF 5D_212/2023 du 15 décembre 2023 | Absence de restitution du délai pour des motifs météorologiques (art.50 al. 1 LTF)

  • Le 17 février 2023, la Juge de paix du district de Lavaux-Oron a levé définitivement l'opposition formée par la Recourante à un commandement de payer. Cette décision a été confirmée sur recours par arrêt de la Cour des poursuites et faillites du tribunal cantonal vaudois du 3 octobre 2023. LaRecourante a contesté cet arrêt devant le Tribunal fédéral. Par acte daté du 23 novembre 2023, elle a également formé une requête de restitution de délai au cas où le recours serait tardif.
  • Le Tribunal fédéral a relevé, sur la base du suivi des envois «Business» de la Poste Suisse, que la décision attaquée avait été notifiée à la Recourante le 16 octobre 2023, de sorte que le délai de recours de 30 jours (art. 100 al. 1 LTF) était arrivé à expiration le 15 novembre 2023 (consid. 5.1).
  • Déposé à l'étranger (en France), le pli contenant le recours avait été pris en charge par la Poste Suisse le 17 novembre 2023, si bien qu'il était tardif et donc irrecevable (consid. 5.1).
  • Quant à la requête de restitution, notre Haute Cour a souligné qu'elle était «prophylactiquement» fondée sur les «intempéries pluviométriques» qui avaient impacté les transporteurs suisses et français, provoquant ainsi un retard extraordinairement long dans la livraison des courriers (consid. 5.2).
  • Le Tribunal fédéral a considéré cette argumentation pour le moins «fumeuse». Si les précipitations abondantes qui se sont abattues sur la France pouvaient être tenues pour notoires, tel n'était manifestement pas le cas de leurs conséquences sur la distribution du courrier à l'étranger (consid. 5.2).
  • Au demeurant, les Juges de Mon-Repos se sont étonnés que la Recourante, qui vivait en Suisse, s'obstine à déposer ses écritures à Paris, au risque (précisément réalisé en l'espèce) de ne pas pouvoir observer les délais auxquels elle était astreinte (consid. 5.2).
  • Au vu de ce qui précède, faute d'avoir démontré l'existence d'un empêchement, la restitution du délai de recours a été refusée et le recours déclaré irrecevable.

TF 7B_944/2023 du 15 décembre 2023 | Violation du principe de célérité du fait d'une procédure de détention provisoire dépassant le délai de 48h (art. 226 CPP)

  • Le Ministère public du Jura bernois menait une procédure pénale contre le Recourant pour menaces et injures. Il lui était notamment reproché d'avoir menacé de mort un procureur.
  • Le Recourant s'est plaint devant le Tribunal fédéral d'une violation du principe de célérité: arrêté le 15septembre 2023, ce n'est que le 7 octobre 2023 que sa détention provisoire aurait été valablement ordonnée pour la première fois, portant ainsi la durée de la procédure de détention à 23 jours (consid.3.2).
  • Selon l'instance précédente, il n'y avait aucune violation du principe de célérité: le tribunal des mesures de contrainte avait statué pour la première fois le 19 septembre 2023 dans les 48 heures prescrites par la loi, conformément à l'art. 226 CPP. Ensuite, une procédure de recours avait été engagée conformément aux art. 393 ss CPP et avait été clôturée par décision du 6 octobre 2023. Dans les 48 heures suivant cette décision (et l'annulation de la décision du 19 septembre 2023 qui en avait résulté), le tribunal des mesures de contrainte avait tenu une audience de mise en détention et avait placé le Recourant en détention provisoire par décision du 7 octobre 2023. Le tribunal des mesures de contrainte avait donc statué les deux fois dans un délai de 48 heures à compter du déclenchement du délai, respectivement du nouveau déclenchement du délai, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de conclure à une violation du principe de célérité (consid. 3.2).
  • Le Tribunal fédéral n'a pas suivi cette argumentation.
  • Selon l'art. 226 al. 1 CPP, le tribunal des mesures de contrainte doit statuer immédiatement, mais au plus tard dans les 48 heures suivant la réception de la demande (d'ordonner la détention préventive).
  • In casu, le tribunal des mesures de contrainte avait certes statué pour la première fois le 19 septembre 2023 sur le placement en détention provisoire. Cette décision avait toutefois été annulée par décision de l'instance précédente du 6 octobre 2023 en raison d'une grave violation du droit d'être entendu et l'affaire avait été renvoyée au tribunal des mesures de contrainte pour une audition orale et une nouvelle décision. Ce faisant, l'instance précédente avait expressément retenu que, compte tenu de l'annulation prononcée pour des raisons formelles, il n'y avait pas d'appréciation matérielle des motifs de détention et qu'au lieu de cela, la procédure était ramenée à la procédure de détention en première instance. L'annulation d'une décision ordonnant ladétention préventive et le renvoi de l'affaire au tribunal des mesures de contrainte pour une nouvelle décision pouvait certes se justifier sous l'angle du principe de célérité. Toutefois, si la décision annulée était à ce point viciée pour des raisons formelles qu'un examen matériel par l'autorité de recours était exclu et que la procédure devant le tribunal des mesures de contrainte devait donc être répétée, le délai de l'art. 226 al. 1 CPP ne pouvait pas être considéré comme respecté. En effet, la personne arrêtée n'avait pas seulement droit à une décision d'un tribunal dans le délai mentionné, mais aussi à ce que cette décision soit rendue dans le respect des règles de procédure déterminantes (consid. 3.2).
  • Partant, le recours a été admis dans la mesure où, contrairement à l'avis de l'instance précédente, une violation du principe de célérité aurait dû être constatée.

TF 6B_652/2023 du 11 décembre 2023 | Violation du droit d'être entendu après le prononcé d'une expulsion sur appel joint (art. 66a al. 1 let. g CP) et principe de l'interdiction de la reformatio in pejus

  • Le Recourant a été reconnu coupable en 1ère instance du chef de lésions corporelles simples et de contrainte, mais a été acquitté des chefs d'injure, de contrainte et de séquestration. Sur appel joint de la partie plaignante, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a déclaré le Recourant coupable de lésions corporelles, d'injures, de contrainte et de séquestration, et a prononcé, entre autres, une expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans.
  • Dans son recours au Tribunal fédéral, le Recourant a notamment invoqué une violation du droit d'être entendu.En particulier, il a reproché à la cour cantonale de ne pas l'avoir interpellé sur l'expulsion dès lors qu'elle envisageait de la prononcer.
  • Le Tribunal fédéral a constaté qu'il ressortait de l'acte d'accusation du 7septembre 2020, que le Ministère public avait requis du tribunal de première instance qu'il prononce l'expulsion du Recourant du territoire suisse ( 66a al. 1 let. g CP) pour une durée de cinq ans en lien avec l'infraction de séquestration. Le Recourant ayant été acquitté du chef de séquestration en première instance, la question de l'expulsion n'avait pas été examinée. La cour cantonale avait quant à elle admis l'appel joint de l'Intimée et avait ainsi reconnu le Recourant coupable de séquestration. Elle avait donc fixé une nouvelle peine correspondant à la culpabilité finalement admise et ordonné l'expulsion du Recourant pour une durée de cinq ans en raison de cette infraction. La cour cantonale a également admis que les parties ne s'étaient pas exprimées sur cette mesure lors des débats d'appel (consid. 5.3.2).
  • Notre Haute Cour a considéré que la cour cantonale ne pouvait pas faire l'économie de cette question lors des débats d'appel. En raison de l'aggravation de la situation du Recourant par cette mesure nouvellement prononcée, la cour cantonale aurait dû attirer préalablement l'attention du Recourant sur cette problématique et l'entendre à ce sujet. Nel'ayant pas fait, elle avait ainsi violé le droit d'être entendu du Recourant (consid. 5.3.2).
  • Le Tribunal fédéral a encore ajouté que la cour cantonale devra déterminer, si à la suite de l'appel joint de la partie plaignante, relatif à la culpabilité (cf.382 al. 2 CPP), une telle mesure d'expulsion pouvait être prononcée au regard du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus. En effet, dans son ATF 147 IV 167, il avait retenu que seul un appel interjeté en défaveur du prévenu, en rapport avec l'objet de la procédure de première instance, empêchait ce dernier de se prévaloir de l'interdiction de la reformatio in pejus, et ce uniquement dans les limites des conclusions prises par la partie qui interjette appel. Toutefois, bien que la partie plaignante ne soit pas habilitée à former appel sur la question de la peine ou de la mesure prononcée (art. 382 al. 2 CPP), lorsque la cour cantonale admet l'appel de la partie plaignante sur la culpabilité, elle se doit de fixer la nouvelle peine correspondante. Cela s'explique par le fait que la culpabilité est indissociable de la peine. Ainsi, la cour cantonale devra déterminer si ce raisonnement peut être – ou non – transposé à l'expulsion obligatoire qui, par sa nature, relève du régime des mesures (consid. 5.3.2).
  • Partant, le recours a été partiellement admis.

TF 6B_563/2023 du 6 décembre 2023 | Rappel de jurisprudence sur les auditions entre co-prévenus, les questions complémentaires des co-prévenus aux autres parties et la limitation de la publicité des débats

  • La réglementation légale des droits de participation peut conduire à des pertes d'efficacité de l'instruction pénale et à des inégalités de traitement procédurales entre co-prévenus (cf. art. 3 al. 2 let. c CPP) (consid. 3.8.1).
  • Dans ce contexte, le CPP contient certains mécanismes de correction. D'une part, la loi prévoit des exceptions à la publicité des débats (cf. art. 101 al. 1, art. 108, art. 146 al. 4 et art. 149 al. 2 lit. b cum 107 al. 1 lit. b CPP) (consid. 3.8.1).
  • D'autre part, même une violation de l'art. 147 al.1CPP n'entraîne pas une interdiction totale d'utiliser les preuves à l'égard de toutes les parties, mais exclusivement à l'égard de la partie qui n'était pas présente lors de l'administration des preuves (art. 147 al. 4 CPP) (consid. 3.8.1).
  • Lors d'auditions de co-prévenus ouvertes aux parties, il est souvent possible de désamorcer la problématique susmentionnée si les auditions se succèdent relativement rapidement et si, lors de la fixation de l'ordre et des modalités de l'administration des preuves, il est tenu compte des risques concrets d'influence du cas d'espèce. Le Ministère public qui dirige la procédure détermine l'ordre et le déroulement des auditions publiques des parties. Ildoit notamment veiller à ce qu'aucune influence ou entente illicite n'ait lieu en présence des parties et de leurs représentants (cf. art. 16 al. 2 cum avec art.63, art. 142 al. 1, art. 143 al. 5 et art.311 al.1CPP) (consid. 8.1).
  • En ce qui concerne les questions complémentaires posées par des co-prévenus lors d'auditions ouvertes aux parties, l'art. 147 al. 1 1ère phrase CPP ne prescrit pas à quel moment le droit supplémentaire de poser des questions à la première personne interrogée doit être garanti. C'est la direction de la procédure qui détermine quand le droit de poser des questions peut être exercé (consid. 3.8.1).
  • Dans les principaux cas d'application du droit des parties à des questions complémentaires, à savoir lors de l'audition de témoins, il ne semble pas problématique que les questions complémentaires soient posées immédiatement après l'audition : ainsi, lors de l'audition de témoins, tous les co-prévenus peuvent participer sur un pied d'égalité et dans un rôle identique, tout en posant des questions complémentaires (consid. 3.8.2).
  • En cas d'interrogatoire par confrontation de co-prévenus (art. 146 al. 2 CPP), toutes les personnes en face peuvent s'exprimer alternativement sur les déclarations des personnes interrogées et poser des questions complémentaires (dans le cadre du même interrogatoire par confrontation). Lors de l'interrogatoire individuel de co-prévenus en public (art.147 al. 1 CPP), il convient de procéder de manière appropriée en fonction des circonstances du cas d'espèce (consid. 3.8.2).
  • Dans la mesure où le libellé de l'article 147 al.1CPP ne tient pas compte des conflits d'objectifs évoqués (entre la recherche de la vérité dans le cadre de la procédure pénale d'une part et les droits des parties ou l'égalité de traitement des co-prévenus dans le cadre de la procédure d'autre part), ilconvient de combler les lacunes de la norme (oude procéder à une réduction téléologique) demanière appropriée et cohérente (consid. 3.8.3).
  • Selon cette disposition, le Ministère public peut –comme pour la consultation du dossier selon l'art. 101 al. 1 CPP – examiner au cas par cas s'il existe des raisons objectives pour limiter provisoirement la publicité des débats. De tels motifs existent notamment lorsqu'il y a un risque concret de collusion au vu des auditions qui n'ont pas encore eu lieu. Si l'interrogatoire des co-prévenus porte sur des faits examinés qui concernent personnellement le prévenu (qui n'a pas encore été entendu) et pour lesquels aucun reproche n'a encore pu lui être adressé, le prévenu peut être exclu de la participation. En revanche, la simple possibilité d'une «mise en danger de l'intérêt de la procédure » abstraite par un comportement procédural légitime ne justifie pas encore l'exclusion des auditions (consid. 3.8.3).
  • Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le prévenu peut, à certaines conditions, être exclu de laparticipation à une audition et la publicité des parties peut être limitée dans cette mesure. En particulier, le Ministère public peut examiner au cas par cas, pour les prévenus qui n'ont pas encore été interrogés de manière pertinente, s'il existe des raisons objectives de limiter provisoirement la publicité des débats (consid. 3.9).

TF 6B_1226/2023 du 20 décembre 2023 | Fixation de la durée d'une mesure thérapeutique institutionnelle

  • La décision ordonnant une mesure thérapeutique institutionnelle pour troubles mentaux viole le droit fédéral lorsqu'elle ne prévoit pas de limitation dans le temps, bien que cela soit indiqué au vu des circonstances du cas d'espèce (consid. 2.6 et 2.7).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_1176/2022 du 5 décembre 2023 | Violation par négligence de l'obligation de communiquer selon l'art.37LBA

  • La question litigieuse était de savoir si l'Intimé, condamné pour violation par négligence de communiquer (art. 37 al. 2 LBA) pour la période durant laquelle il était directeur général de la banque, devait également être condamné pour la période durant laquelle il occupait la fonction de président du conseil d'administration (consid. 4).
  • La première instance cantonale avait condamné le l'Intimé pour violation par négligence de communiquer au sens de l'art. 37 al. 2 LBA pour les deux périodes, alors que la seconde instance cantonale avait distingué les deux fonctions de l'Intimé et ainsi condamné celui-ci à une violation de son devoir de diligence lorsqu'il était directeur général (consid. 4.1.1).
  • Notre Haute Cour a concédé que lorsque l'Intimé occupait la fonction de président du conseil d'administration, il n'était plus le responsable direct de l'annonce au MROS selon la réglementation interne de la banque. Il convenait toutefois de déterminer si, en tant que supérieur hiérarchique, il pouvait trouver sa responsabilité pénale engagée sous l'angle de l'art. 6 al. 2 DPA (consid.5.2).
  • Le Tribunal fédéral soulève que la violation d'une obligation juridique au sens de l'art. 6 al. 2 DPA suppose une position de garant, à savoir l'existence d'une obligation juridique spécifique d'empêcher le comportement en cause en exerçant une surveillance, en donnant des instructions et en intervenant au besoin (consid. 5.2.1).
  • Il est rappelé que l'art. 716a al. 1 ch. 5 CO prévoit que la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion – notamment en ce qui concerne le respect de la loi, des statuts, des règlements et des instructions – fait partie des attributions intransmissibles et inaliénables du conseil d'administration. Le conseil d'administration est tenu de surveiller les personnes chargées de la gestion et de la représentation, afin d'assurer à l'entreprise une activité conforme à la loi, aux statuts et aux règlements ; il doit également se faire renseigner régulièrement sur la marche des affaires (consid.5.2.2).
  • Partant, ces tâches de haute surveillance relèvent des attributions intransmissibles et inaliénables de chaque membre du conseil d'administration et ne permet en aucun cas in casu de dégager l'Intimé de sa responsabilité pénale dans la présente cause (consid.5.2.3).
  • Le Tribunal fédéral a cependant relevé qu'à la lecture de l'arrêt entrepris, il n'était pas possible de déduire que l'Intimé avait connaissance des éléments propres à faire naître des soupçons justifiant une communication au MROS. Le recours a donc été admis et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle complète l'état de fait, de manière qu'il soit possible de déterminer si l'Intimé, en tant que président du conseil d'administration, avait eu connaissance d'éléments nouveaux qui auraient dû intensifier les anciens soupçons déjà présents et entraîner une annonce au MROS ou, à tout le moins, des explications complémentaires auprès des services compétents de la banque (consid.5.2.4).

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_652/2023 du 24 octobre 2023 | Controverses sur la non-divulgation d'une inscription au registre des poursuites (art. 8 a al. 3 let. d LP cum art. 88 al. 2 LP)

  • La Recourante faisait l'objet de diverses poursuites auprès de l'Office des poursuites de la Sarine («OP») dont divers commandements de payer frappés d'oppositions totales. Le 3 août 2023, elle a déposé une demande de non-divulgation des poursuites nos 1, 2, 3 et 4, étant précisé que le commandement de payer le plus récent avait été notifié le 6 mars 2020. Par décision du 4 août 2023, l'OP a rejeté la demande au motif qu'une telle requête ne pouvait être déposée après l'expiration du délai d'un an de validité du commandement de payer et qu'en l'occurrence, les actes de poursuites avaient tous plus d'une année, leur délai de validité étant ainsi échu.
  • Invoquant une violation de l' 8a al. 3 let. d LP, la Recourante a reproché à l'autorité cantonale de s'être bornée à conditionner l'admission d'une demande fondée sur cette disposition au seul respect du délai de l'art. 88 al. 2 LP, sans tenir compte du caractère justifié ou non de la poursuite faisant l'objet d'une telle demande (consid. 4).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé que dans le cadre de l'application de l'art. 8a LP, l'OP doit uniquement déterminer si le poursuivant a ou non engagé une procédure tendant à faire écarter l'opposition formée par le débiteur. Il ne saurait donc examiner lui-même si la prétention déduite en poursuite paraît ou non justifiée, ni émettre un pronostic sur l'issue des démarches judiciaires éventuellement engagées par l'une ou l'autre des parties. (consid.5.1).
  • Toujours selon la jurisprudence, le débiteur ne peut former aucune requête tendant à la non-communication de la poursuite aux tiers selon l' 8a al. 3 let. d LP après l'expiration du délai annal de validité du commandement de payer prévu par l'art. 88 al. 2 LP ( ATF 147 III 544, consid. 3.4-3.5).
  • Danscet arrêt, sévèrement critiqué par la doctrine, le Tribunal fédéral a confirmé que le caractère justifié ou non de la poursuite, au sens de l' 8a al.3 let. d LP, s'appréciait uniquement au regard de l'action ou de l'inaction du poursuivant. Le critère déterminant était de savoir si le créancier avait pris des mesures pour démontrer le bien-fondé de sa créance dans le délai imparti. Le dépôt d'une requête de mainlevée suffisait à démontrer le sérieux de la poursuite, cela indépendamment du fait que celle-ci ait abouti ou non (consid. 5.1).
  • Notre Haute Cour a encore rappelé qu'il est exact, sur le principe, que les poursuites dans lesquelles le créancier poursuivant reste inactif ne doivent pas être portées à la connaissance des tiers. Cela ne valait toutefois notamment que pour autant que le débiteur ait agi dans le délai d'un an de l' 88 al.2LP. Passé ce délai, une requête de non-divulgation des poursuites fondée sur l'art. 8a al. 3 let.dLP devait être rejetée (consid. 5.2).
  • Cela étant dit, le Tribunal fédéral a souligné que la question du délai de déchéance pour requérir la non-divulgation d'une poursuite, faisait actuellement l'objet d'une initiative parlementaire n°22.400 déposée le 14 janvier 2022 par la Commission des affaires juridiques du Conseil national en réaction à l'ATF 147 III 544, motion à laquelle la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats avait adhéré le 22 mars 2022. La motion vise à préciser «les bases légales fondant la nouvelle possibilité de limiter la communication d'une poursuite (art. 8a al. 3 let. d LP) [...] afin que la personne poursuivie puisse, également après l'échéance du délai d'une année, demander que l'inscription dans le registre des poursuites ne soit pas communiquée». Il reviendra donc en l'état à la Commission des affaires juridiques du Conseil national d'élaborer un projet d'acte (consid. 5.2).
  • Au vu de ce qui précède, notre Haute Cour a jugé qu'il ne lui appartenait pas d'anticiper les modifications législatives actuellement débattues au Parlement fédéral. De lege lata, la solution adoptée par l'autorité cantonale, conforme à la jurisprudence publiée, ne souffrait d'aucune critique (consid.5.2).
  • Partant, le recours a été rejeté.

TF 5A_439/2023 du 23 novembre 2023 | Mainlevée provisoire prononcée sur la base de la copie d'une facture, interprétation des art. 178 et 180 CPC sur la question de l'authenticité du titre


  • Le 28 février 2023, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Glâne a prononcé lamainlevée provisoire de l'opposition: elle a considéré qu'une facture sur laquelle figurait la signature manuscrite de l'Intimé avec la mention «Bon pour accord» et la date du «14-9-2017» valait titre de mainlevée. Statuant le 9 mai 2023, laIIe Cour d'appel civil du tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté la requête de mainlevée provisoire de l'opposition.
  • La Recourante se plaint d'une constatation arbitraire des faits et de la violation de l'art. 82 LP et des art. 178 et 180 al. 1 CPC. Elle reproche en substance à l'autorité cantonale de lui avoir imputé les conséquences de son défaut de production de l'original de la facture du 25 août 2017, à savoir d'avoir rejeté sa requête de mainlevée provisoire, motifs pris que, sans le document original, elle n'était pas en mesure de vérifier que son contenu correspondait à celui de la copie produite et, partant, que les adjonctions manuscrites qui figuraient sur cette dernière n'avaient pas été collées à partir d'un autre document. Elle soutient qu'en vertu de l'art.178CPC, le débiteur qui conteste l'authenticité au sens étroit du titre produit doit motiver sa contestation, ce que n'aurait pas fait l'Intimé en se contentant d'alléguer que sa signature aurait été collée sur le titre produit. Elle reprend, pour l'essentiel, la même argumentation sous l'angle de l'art. 180 al.1CPC (consid. 3).
  • Selon la jurisprudence fédérale, une facture signée sans réserve ni conditions par le débiteur remplit les conditions de l'art. 82 al. 1 LP (reconnaissance de dette), sans qu'il importe que la mention «pour accord» figure à côté de la signature (consid.3.2.1).
  • Sous la note marginale «Production de titre», l'art. 180 al. 1 CPC dispose qu'une copie du titre peut être produite à la place de l'original, mais que le tribunal ou les parties peuvent exiger la production de l'original ou d'une copie certifiée conforme lorsqu'il y a des raisons fondées de douter de l'authenticité du titre (consid. 3.2.2).
  • Cette disposition s'applique à toutes les procédures du CPC, donc aussi aux affaires de poursuite et de faillite, si bien que dans la procédure de mainlevée provisoire, le créancier peut donc se contenter de produire une copie de la reconnaissance de dette, pour autant toutefois que le débiteur n'ait pas rendu vraisemblable des faits de nature à faire naître des doutes quant à l'authenticité de l'original ou de la copie ou quant à la conformité de la copie avec l'original ou que le tribunal n'ait pas, sous l'angle de la vraisemblance, des raisons fondées de douter de cette authenticité ou de cette conformité (consid.3.2.2).
  • La Recourante a reproché à la cour cantonale d'avoir appliqué l'art. 180 CPC en lieu et place de l'art. 178 CPC dans une contestation relative à l'authenticité au sens étroit du titre. Le Tribunal fédéral a considéré que la Recourante se méprenait quant à la portée de l'ATF 143 III 453 auquel elle se référait (consid.3.3).
  • En effet, cet arrêt distingue le sens à donner à la notion d'authenticité visée dans chacune de ces dispositions: l'art. 180 al. 1 CPC suppose nécessairement l'existence de doutes sur l'exactitude du contenu de la copie présentée puisque la production de l'original permet précisément de clarifier s'il existe des divergences entre la copie et l'original, alors que l'art. 178 CPC ne se rapporte qu'à l'authenticité au sens étroit, c'est-à-dire à la question de savoir si le titre émane de la personne qu'il désigne comme auteur, et ne vise pas l'exactitude du contenu du titre. Ainsi, dans le cadre de cette dernière disposition, les doutes sérieux ne se rapportent donc qu'à l'authenticité au sens étroit (consid.3.3.1).
  • In casu, le titre invoqué à l'appui de la requête de mainlevée provisoire consistait, non en l'original de la facture du 25 août 2017 que le débiteur aurait contesté avoir signée, mais en une copie de cette facture sur laquelle il a prétendu penser que sa signature avait été copiée/collée. La question déterminante était donc de savoir s'il y avait des raisons fondées de douter de la conformité de la copie avec l'original ou, en d'autres termes, s'il était nécessaire de vérifier l'exactitude du contenu de cette copie par rapport à l'original en requérant du créancier la production de cet original, ce qui relève à l'évidence de l'art. 180 al. 1 CPC (consid.3.3.2).
  • Sous l'angle de la violation de l'art. 180 al. 1 CPC, la Recourante a soutenu, d'une part, que le débiteur n'avait pas contesté de façon motivée l'authenticité de la copie, dans la mesure où il s'est contenté d'alléguer avoir pensé que sa signature aurait été collée d'un autre document et, d'autre part, que l'autorité cantonale n'avait aucune raison de requérir la production du titre original, sauf si elle avait des doutes fondés sur l'authenticité des adjonctions figurant sur la copie, ce qui ne pouvait être le cas (consid. 3.4).
  • En l'occurrence, s'agissant plus singulièrement de la contestation du débiteur, l'arrêt attaqué retient que ce dernier a allégué qu'il pensait que sa signature avait été copiée/collée d'un autre document. Sur la base de cette seule opinion dont il ne ressort pas de l'arrêt entrepris qu'elle était étayée dans les faits, l'autorité cantonale ne pouvait, sans tomber dans l'arbitraire, retenir que le débiteur a rendu vraisemblable des raisons fondées de douter de l'authenticité de la copie de la facture. Partant, elle a violé les art. 180 al. 1 CPC et 82 LP en considérant que la créancière était tenue d'en produire l'original et de supporter les conséquences de son défaut à cet égard, à savoir que, la copie de la facture ne valant pas titre de mainlevée provisoire, elle devait être déboutée de sa requête de mainlevée (consid. 3.4).
  • Partant, le recours a été admis.

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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