Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 6B_1495/20221 du 12 mai 2023 | Inscription de l'expulsion au registre Système d'information Schengen (SIS) d'un ressortissant du Royaume-Uni – notion de ressortissant d'un Etat « tiers » et lex mitior

  • Par jugement du 12 avril 2022, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte a considéré que le Recourant, ressortissant du Royaume-Uni, était coupable de voies de fait, vol par métier, dommages à la propriété d'importance mineure et de rupture de ban et l'a condamné à une peine privative de liberté de 4 ans et 2 mois ainsi qu'à une amende de CHF 800.-. Il a également ordonné son expulsion à vie du territoire suisse ainsi que l'inscription de cette expulsion dans le Système d'information Schengen (SIS). Le Recourant a contesté cette décision et a conclu principalement à ce que son expulsion à vie du territoire suisse ne soit pas inscrite dans le SIS.
  • Contre l'inscription au registre SIS, le Recourant a fait valoir que, dans la mesure où il est ressortissant britannique, que le Brexit est intervenu le 31 janvier 2020, que le Royaume-Uni n'est plus membre de l'espace Schengen depuis le 1er janvier 2021 et que les faits pour lesquels il a été condamné sont, en partie, antérieurs au Brexit, et, en totalité, antérieurs à la sortie du Royaume-Uni de l'espace Schengen, il ne devrait pas être considéré comme un ressortissant d'un Etat tiers. En confirmant l'inscription de son expulsion dans le registre SIS, la cour cantonale aurait donc violé l'interdiction de la rétroactivité proprement dite, respectivement l'exception de la lex mitior (art. 2 al. 1 et 2 CP) et, partant, les principes d'égalité (art. 8 al. 1 Cst.), de légalité (art. 5 al. 1 Cst.; art. 1 CP et 7 CEDH) ainsi que les principes de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.). L'arrêt entrepris violerait en outre les art. 3 ch. 4 et 24 al. 1 et 2 du Règlement (UE) 2018/1861 (consid. 1.1).
  • Selon l'art. 3 ch. 4 du Règlement (UE) 2018/1861, on entend par « ressortissant de pays tiers » toute personne qui n'est pas citoyen de l'Union au sens de l'article 20, paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l'UE, à l'exception des personnes qui sont bénéficiaires, en vertu d'accords conclus entre l'Union, ou l'Union et ses États membres, d'une part, et des pays tiers, d'autre part, de droits en matière de libre circulation équivalents à ceux des citoyens de l'UE (consid. 1.2.2).
  • Le retrait du Royaume-Uni de l'UE a été décidé le 31 janvier 2020. Les modalités de cette sortie ont été réglées par l'Accord du 24 janvier 2020 sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union et de la Communauté européenne de l'énergie atomique, lequel prévoyait notamment une période de transition jusqu'au 31 décembre 2020. Conformément à l'Échange de notes des 28/30 juin 2020 entre la Suisse et l'UE concernant la continuation de l'application des accords entre la Suisse et l'UE au Royaume-Uni pendant la période de transition après son retrait de l'UE au 31 janvier 2020, il a été convenu qu'en ce qui concernait la législation suisse, le terme « Etat membre de l'UE » continuerait d'inclure le Royaume-Uni durant la période de transition (cf. ATF 147 III 491, consid. 6.1.1) (consid. 1.2.3).
  • Le Royaume-Uni n'est plus « membre » de l'espace Schengen depuis l'entrée en vigueur définitive du Brexit, le 1er janvier 2021. Cela signifie en particulier que l'accès provisoire du Royaume-Uni au SIS, qui existait depuis le 13 avril 2015, a été définitivement coupé et que les données ont été complètement effacées du système central C-SIS. Bien que l'accord conclu entre l'UE et le Royaume-Uni prévoie une poursuite ponctuelle de la coopération dans le domaine « justice et affaires intérieures », il ne prévoit pas de participation (totale ou partielle) à Schengen ou Dublin (consid. 1.2.3).
  • En outre, conformément à la jurisprudence fédérale, le signalement de l'expulsion dans le SIS relève du droit d'exécution, respectivement du droit de police. Il a sans aucun doute des conséquences importantes dans la mesure où les personnes concernées sont interdites d'entrer dans les Etats Schengen sans décision préalable. Néanmoins, le signalement dans le SIS n'est pas une sanction, contrairement au prononcé d'expulsion lui-même prévu aux art. 66a ss CP (consid. 1.5).
  • Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré que puisque le signalement dans le registre SIS relève du droit d'exécution, respectivement du droit de police, la nécessité de cette inscription doit être évaluée selon le droit en vigueur au moment où l'expulsion est prononcée par le juge pénal (consid. 1.5).
  • In casu, au moment du prononcé pénal, soit en 2022, le Royaume-Uni n'était plus un Etat Schengen, de sorte que c'est à juste titre que le Recourant a été considéré comme un « ressortissant de pays tiers » au sens de l'art. 3 ch. 4 du Règlement (UE) 2018/1861, peu importe que les infractions aient été commises avant la sortie de ce pays de l'espace Schengen, le 1er janvier 2021. Les principes de non-rétroactivité de la loi pénale et de lex mitior (art. 2 CP) ne trouvent pas application dans ce contexte (consid. 1.5).
  • Partant, le recours a été rejeté (consid. 2).

TF 6F_11/2023 du 1er mai 2023 | Rejet d'une demande de restitution de délai (art. 50 al. 1 LTF)

  • Dans cet arrêt portant sur une demande de restitution de délai à la suite d'un dépôt tardif d'un recours, le Tribunal fédéral a considéré que la déclaration sur l'honneur d'une infirmière au sein de l'établissement dans lequel le Recourant était hospitalisé et à qui il avait demandé de porter le recours à la Poste le dernier jour du délai ne permettait pas de renverser la présomption de dépôt tardif. Selon le Tribunal fédéral, une telle déclaration n'allait pas au-delà de la simple affirmation (de la partie) selon laquelle l'envoi avait été déposé à temps et ne pouvait donc pas servir de preuve d'un dépôt postal tardif, c'est-à-dire prétendument le 13 février 2023 et non pas le 16 février 2023 comme le démontrait pourtant le cachet de la Poste. La preuve directe de la remise du courrier dans les délais n'était donc pas apportée (consid. 3.3).
  • En conséquence, notre Haute Cour a conclu que la confiance que le Recourant avait placé en l'infirmière susmentionnée, à savoir qu'elle remettrait le recours dans les délais au bureau postal, ne saurait le soustraire d'une faute et ne pouvait justifier une restitution selon l'art. 50 al. 1 LTF (consid. 3.2).
  • Le recours a par conséquent été rejeté (consid. 4).

TF 1C_565/2022 du 1er mai 2023 | Refus d'autorisation d'ouvrir une instruction pénale contre un fonctionnaire pour contrainte (art. 181 CP)

  • Le fait qu'un prévenu refuse d'abord la fouille de son téléphone portable et ne l'accepte que lorsqu'un procureur l'informe par entretien téléphonique que ledit appareil serait saisi s'il ne consentait pas à la fouille n'est pas considéré comme un acte de contrainte au sens de l'art. 181 CP (consid. 3.3.1).
  • In casu, le Tribunal fédéral a reconnu que l'Intimée – à savoir la procureure – avait provoqué une certaine pression sur le Recourant en le prévenant que son téléphone portable serait saisi s'il continuait à s'opposer à sa fouille. Notre Haute Cour a cependant considéré que l'Intimée avait uniquement informé le Recourant des autres mesures de contrainte autorisées par la loi ou des prochains actes d'instruction envisageables. Par conséquent, même si le Recourant avait pu être contraint au sens large, il n'était pas possible de considérer qu'il y avait eu une contrainte illégale ou une menace d'inconvénients sérieux de la part de l'Intimée, éléments constitutifs pourtant nécessaires afin de conclure à un comportement punissable au sens de l'art. 181 CP (consid. 3.3.2).
  • Partant, le recours dirigé à l'encontre de l'ordonnance attaquée refusant l'autorisation d'ouvrir une instruction pénale contre un fonctionnaire initié par le Recourant a été rejeté, en raison de l'absence de comportement pénalement répréhensible de la part de l'Intimée (consid. 5).

TF 1B_217/2022 du 15 mai 2023 |Analyse de l'ADN (art. 255 CPP) et vol à l'étalage commis en bande et par métier

  • L'infraction de vol à l'étalage de boissons alcoolisées d'une valeur de plus de CHF 2'000.- n'est pas suffisamment grave, même si le comportement pénalement répréhensible est commis par métier et en bande, pour justifier le prélèvement d'un échantillon ainsi que l'établissement d'un profil d'ADN conformément à l'art. 255 CPP dans le seul but de prévenir des délits futurs (consid. 3.3).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_1108/20212 du 27 avril 2023 | Délimitation du cas de peu de gravité de l'infraction d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a al. 2 CP)

  • Le Bezirksgericht de Zurich a condamné le Recourant à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.- pour avoir perçu indûment des prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale au sens de l'art. 148a al. 1 CP et l'a expulsé du pays pour 5 ans. Suite à l'appel du Recourant, l'Obergericht zurichois a confirmé le jugement quant à la culpabilité et à l'expulsion, mais a réduit la peine pécuniaire. Le Recourant a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière pénale en demandant qu'il soit acquitté de l'obtention illégale de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale au sens de l'art. 148a al. 1 CP et qu'il soit condamné pour un cas de peu de gravité de cette infraction au sens de l'art. 148a al. 2 CP. Il a également requis qu'il soit renoncé à l'expulsion.
  • Dans cet arrêt, notre Haute Cour a fixé les limites et la méthodologie à suivre afin de retenir, ou non, un cas de peu de gravité au sens de l'art. 148a al. 2 CP (consid. 1.5.3).
  • Ainsi, le cas de peu de gravité et l'infraction de base se délimitent comme suit : lorsque le montant du délit est inférieur à CHF 3'000.-, il faut toujours partir du principe qu'il s'agit d'un cas bénin de perception illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (consid. 1.5.5).
  • Dans la tranche moyenne de CHF 3'000.- à CHF 35'999.99, il convient d'examiner, sur la base de l'ensemble des circonstances de l'infraction, si la faute de l'auteur est suffisamment atténuée pour justifier l'hypothèse d'un cas de peu de gravité au sens de l'art. 148a al. 2 CP. Pour ce faire, il est notamment possible de tenir compte de la durée de la perception illégale, du comportement de l'auteur, ses motivations et objectifs ou du fait qu'il s'agisse d'une simple dissimulation passive (consid. 1.5.7).
  • Pour les montants indument perçus à partir de CHF 36'000.-, l'affirmation d'un cas de peu de gravité est en principe exclue, à moins qu'il n'existe, au sens d'une exception, des circonstances extraordinaires et particulièrement importantes qui entraînent une diminution massive de la faute (consid. 1.5.6).
  • In casu, le Recourant s'était fait verser son avoir de libre passage d'un montant de CHF 18'393.15 sans en informer les services sociaux compétents, qui ont continué à lui verser des prestations sociales. Le montant indûment perçu par le Recourant s'élevait à CHF 13'735,30 et se situait ainsi dans la tranche moyenne susmentionnée. Le Tribunal fédéral a dès lors procédé à un examen des circonstances. Il a notamment relevé que le Recourant n'avait pas eu de comportement actif et qu'il avait agi par omission. La dissimulation avait duré 7 mois ce qui représentait tout de même une période importante. Le Recourant n'avait toutefois dissimulé qu'une seule entrée de paiement et n'avait pas commis d'autres actes de dissimulation. De plus, les services sociaux connaissaient l'existence de l'avoir de libre passage ; ils y prêtaient une attention particulière et savaient qu'il pouvait en principe le retirer à partir de l'âge de 60 ans. Dès lors, le Recourant devait s'attendre à ce que l'avoir soit découvert et thématisé lors de l'examen annuel du droit aux prestations. Enfin, il est établi qu'il avait volontairement divulgué les justificatifs correspondants à l'occasion de ce contrôle, en réponse à la demande correspondante (consid. 1.6).
  • Partant, notre Haute Cour a admis le recours en estimant qu'il s'agissait d'un cas léger au sens de l'art. 148a al. 2 CP, que le Recourant devait être sanctionné d'une amende et que l'expulsion n'avait dès lors plus lieu d'être (art. 66a al. 1 let. e CP a contrario) (consid. 2).

TF 6B_1161/2021 du 21 avril 2023 | Rapport écrit en lieu et place d'une audition – faux dans les titres – escroquerie – abus de confiance

  • Le Prévenu était président du conseil d'administration avec signature individuelle de C. AG, qui exploitait un garage automobile et vendait principalement des véhicules à des sociétés de leasing. Parmi ses partenaires contractuels figurait notamment la société de leasing D. AG (aujourd'hui : B. AG). A partir de fin 2005 environ, le Prévenu a pratiqué, en tant que directeur de C. AG, un modèle d'affaires qui consistait à conclure avec les preneurs de leasing des accords complémentaires dits « VIP ». Dans ces conventions complémentaires, C. AG accordait aux preneurs de leasing le droit de mettre fin aux contrats de leasing à long terme, non résiliables par anticipation selon les conditions générales de contrat des sociétés de leasing, après quelques mois déjà (en général six à douze mois), sans frais supplémentaires, ou d'échanger ultérieurement le véhicule contre un autre véhicule (modèle dit « VIP »). Dans ce cas, la société C. AG s'engageait en outre à rembourser les acomptes versés ou à les transférer sur un nouveau véhicule. De plus, selon les accords supplémentaires « VIP » conclus avec C. AG, les preneurs de leasing pouvaient parcourir avec les véhicules plus de kilomètres que ce qui était convenu dans les contrats, sans frais supplémentaires. Si un preneur de leasing faisait usage de son droit découlant de la convention complémentaire, C. AG devait demander à la société de leasing la résiliation anticipée du contrat et lui racheter le véhicule en leasing. Ensuite, C. AG devait soit rembourser l'acompte au client, soit subir une perte correspondante sur le produit de la vente du véhicule de remplacement. Quelques années plus tard, C. AG a fait faillite.
  • Le tribunal de district de Lenzbourg dans le canton d'Argovie a reconnu le Prévenu coupable d'escroquerie par métier, d'abus de confiance multiple, de gestion fautive, de gestion déloyale multiple et de faux dans les titres. Concernant d'autres infractions de même nature, le Prévenu a été acquitté ou la procédure classée. Ainsi, le Prévenu et le Ministère public ont fait recours.
  • En raison de la longueur exceptionnelle de cet arrêt, nous avons décidé de ne résumer que certains des griefs et considérants les plus pertinents.
  • Violation de l'art. 154 CPP – rapports écrit. Parmi les nombreux griefs soulevés par le Prévenu se trouvait notamment la violation de l'art. 145 CPP concernant l'admission de rapports écrits en lieu et place d'une audition (consid. 5.2 ss).
  • Le Prévenu a reproché à l'instance inférieure de s'être fondée sur des rapports écrits au sens de l'art. 145 CPP sans avoir formellement interrogé les auteurs des rapports. Il n'aurait selon lui jamais pu s'exprimer sur ces rapports lors de l'enquête préliminaire. Le Prévenu y voit une violation de l'art. 145 CPP, respectivement de l'art. 147 al. 4 CPP et de l'art. 6 al. 2 et 3 let. d CEDH (consid. 5.2.1).
  • Selon l'art. 145 CPP, l'autorité pénale peut inviter une personne à entendre à remettre un rapport écrit en lieu et place d'une audition ou pour la compléter. Selon la jurisprudence, les rapports écrits au sens de l'article 145 CPP ne doivent être demandés qu'avec retenue. L'autorité pénale ne peut pas se contenter de demander un rapport écrit si son devoir d'information lui impose de procéder à une audition formelle. Une application de l'art. 145 CPP peut toutefois être admise lorsqu'il s'agit de présenter des opérations techniques ou complexes qui ne peuvent être comprises que dans le contexte de pièces justificatives, ainsi qu'en cas d'infractions de masse (consid. 5.2.2).
  • In casu, les conditions pour l'application de l'art. 145 CPP sont données. Le Ministère public a demandé les rapports écrits contestés par le Prévenu en relation avec les inventaires de véhicules de C. AG pour les années 2008 à 2011, car une comparaison des inventaires avec le registre automatisé des véhicules et des détenteurs de véhicules (MOFIS) tenu par l'Office fédéral des routes a révélé que des véhicules figurant dans les inventaires de véhicules avaient été rachetés à d'autres détenteurs de véhicules à la date de clôture du bilan et étaient donc présumés être la propriété de tiers. Le Ministère public a donc demandé par écrit aux personnes figurant dans MOFIS de lui indiquer quand, à qui et à quel prix elles avaient acheté le véhicule ou - si elles n'avaient pas acheté le véhicule - pourquoi il avait été racheté à leur nom. En outre, il a demandé aux personnes contactées de fournir le contrat d'achat, les quittances ou les justificatifs de paiement. L'instance précédente a expliqué à juste titre que l'art. 145 CPP était adapté à de telles constellations. En ce sens, les courriers adressés aux détenteurs de véhicules ne constituent pas une simple demande de rapports écrits au sens de l'art. 145 CPP, mais des ordonnances de production de documents. En outre, la demande d'informations écrites était également indiquée pour des raisons d'économie de procédure, car de nombreux détenteurs de véhicules étaient concernés, auprès desquels le Ministère public souhaitait obtenir des informations identiques, limitées au transfert de propriété et à leur qualité de détenteurs, et donc finalement la confirmation de l'exactitude des inscriptions MOFIS. Il s'agissait donc d'un cas d'application clair de l'art. 145 CPP (consid. 5.2.3).
  • Au cours de la procédure, le Prévenu a en outre eu suffisamment l'occasion de prendre position sur les rapports écrits des détenteurs de véhicules (consid. 5.2.4).
  • Aussi, l'obtention d'un rapport écrit (art. 145 CPP) ne doit pas restreindre les droits des parties. Il est donc nécessaire, d'une part, que la personne interrogée par écrit soit informée de ses droits et obligations. D'autre part, les droits de participation du prévenu doivent être respectés lors de la demande de rapports écrits. Il est évident que le droit des parties d'être présentes lors de l'administration des preuves et de poser des questions à la personne entendue ne peut pas être directement respecté dans le cas des rapports écrits. Dans la mesure où l'ayant droit ne renonce pas expressément à ses droits, il convient donc de lui donner l'occasion de s'exprimer sur les déclarations écrites et de poser des questions complémentaires - le cas échéant lors d'une audition orale ultérieure. Une audition orale complémentaire doit en tout cas être menée lorsque des imprécisions ou des doutes subsistent quant à l'exactitude d'un rapport (consid. 5.2.5).
  • Dans ces circonstances, l'instance précédente pouvait, sans violer le droit fédéral, renoncer à entendre oralement toutes les personnes interrogées par écrit. Cela résultait déjà du fait que l'instance inférieure ne s'était pas basée en premier lieu sur les indications écrites des personnes ayant établi le rapport, mais sur d'autres preuves (matérielles). L'instance précédente a exposé à juste titre que des documents à charge tels que des contrats, des justificatifs de paiement et des quittances peuvent être exploitables même sans confrontation avec leur auteur, puisqu'il ne s'agit pas de témoins à charge au sens de l'art. 6 ch. 3 let. d CEDH. Le grief du Prévenu a dès lors été rejeté (consid. 5.2.7).
  • Faux dans les titres dans le domaine de la comptabilité – principe de l'accusation. En résumé, l'instance précédente a considéré que C. AG s'était engagée, dans le cadre du « système de leasing VIP », à rembourser les acomptes en cas de « résiliation » par les preneurs de leasing ou à les transférer sur le nouveau véhicule en cas de changement de véhicule. Les acomptes auraient donc été comptabilisés à tort comme produit de marchandises, sans que le remboursement ultérieur prévu n'ait été porté au passif, c'est-à-dire inscrit au bilan comme une dette. Le Prévenu est accusé d'avoir falsifié des bilans, des inventaires et autres documents comptables afin de présenter C. AG sous un meilleur jour (consid. 6.2).
  • Contre la condamnation pour faux dans les titres, le Prévenu s'est plaint d'une violation du principe de l'accusation au motif que l'acte d'accusation ne décrivait pas ou pas suffisamment les éléments subjectifs de l'infraction (6.5.1).
  • Le Tribunal fédéral a confirmé le raisonnement de l'instance inférieure qui a exposé à juste titre que l'accusation de faux dans les titres dans le domaine comptable ne nécessite pas de concrétisation plus précise de l'intention de se procurer un avantage illicite mentionnée dans l'accusation. La présentation trop positive de la situation financière d'une entreprise entraîne une multitude d'améliorations illégales possibles, qui ne doivent pas être décrites en détail dans l'accusation. Il n'est pas non plus exigé que l'acte d'accusation concrétise, à l'aide de certains événements de la vie, dans quelle mesure des tiers ont été trompés ou concrètement lésés ou pourraient l'être potentiellement et comment le Prévenu s'est concrètement accommodé d'une utilisation des comptes annuels dans les relations juridiques. L'argument du Prévenu a donc été rejeté (consid. 6.5.3).
  • Escroquerie – coresponsabilité de la victime. Pour certains faits, la cour cantonale a acquitté le Prévenu de l'infraction d'escroquerie en raison de la coresponsabilité de la victime D. AG. L'instance précédente a considéré que D. AG n'avait pas pris les mesures de précaution les plus élémentaires lors de la conclusion du contrat et n'avait donc pas été induite en erreur par le Prévenu (consid. 8.6.3.5 et 8.8).
  • Selon le Tribunal fédéral il ne peut être reproché à D. AG de ne pas avoir consulté, lors de l'achat de véhicules d'occasion, la carte grise annulée ou du moins l'ancienne carte grise ou, pour les véhicules neufs, de ne pas avoir procédé à une comparaison avec la documentation qui indiquait le numéro de châssis et le numéro de matricule. Compte tenu de la relation contractuelle de longue date entre C. AG et D. AG ainsi que de l'amitié personnelle supplémentaire entre le Prévenu et les personnes agissant pour le compte de D. AG, il fallait partir du principe qu'il existait une relation de confiance particulière (consid. 8.5.3.5).
  • En conclusion, notre Haute Cour a admis le grief du Ministère public et a estimé qu'un cas de coresponsabilité de la victime ne pouvait être retenu (consid. 8.11.5).
  • Abus de confiance – interprétation d'une clause contractuelle. Dans le cadre de l'infraction d'abus de confiance, l'instance précédente avait acquitté le Prévenu au motif que sa société C. AG, sur la base de l'obligation de rachat ancrée au chiffre 2 de la convention de garantie et de reprise, était devenue propriétaire des véhicules en leasing immédiatement après leur restitution anticipée, raison pour laquelle le Prévenu ne s'était pas rendu coupable d'abus de confiance en vendant les véhicules (consid. 12.9.1).
  • Afin de se déterminer sur cette question, le Tribunal fédéral a dû procéder à une interprétation de la clause contractuelle litigieuse qui prévoyait ce qui suit : « C. AG s'engage à racheter immédiatement à D. AG les véhicules faisant l'objet de ces contrats si un contrat de leasing ou de financement est résilié de manière anticipée pour quelque raison que ce soit (résiliation anticipée, non-paiement de l'option dans le cas de contrats de financement Libero, résiliation pour défaut du débiteur, dommage total, vol, invalidation par un tribunal, etc. Cette obligation de rachat s'applique également si le véhicule concerné ne peut être mis à la disposition de C. AG (par ex. en cas de sinistre), s'il est endommagé ou (par ex. en cas de détournement) s'il ne peut pas être mis à disposition du tout » (consid. 12.8.2 et 12.9.3.1).
  • Notre Haute Cour a donné tort à la cour cantonale en estimant que certes la convention contenait une obligation (unilatérale) de C. AG de racheter des véhicules, mais pas de droit de rachat de C. AG. Dès lors, il n'est pas possible de déduire une obligation de D. AG de céder à C. AG les véhicules repris en vue de leur rachat. L'instance inférieure ne pouvait donc pas assimiler l'obligation de rachat convenue contractuellement dans la convention de garantie et de reprise à un contrat de vente (conditionnel) selon l'art. 184 al. 1 CO et à un titre d'acquisition de C. AG. En conclusion, faute de transfert de propriété, les véhicules appartenaient à D. AG et avaient été confiés à C. AG. Le Prévenu s'est donc rendu coupable d'abus de confiance en vendant ces voitures (consid. 12.9.4).

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_869/20213 du 25 avril 2023 | Intérêt à agir - action en contestation de l'état de collocation en cas de dividende nul de la faillite

  • La société D. AG a été mise en faillite en 2016. Plusieurs créanciers étaient inscrits à l'état de collocation : A. SA, B., C. et E, ce dernier ayant toutefois cédé sa créance à C. Le dividende de la faillite a été estimé à 0%. A. SA et B. ont introduit une action en contestation de l'état de collocation contre C. auprès du Tribunal de district de Zurich et ont demandé que les créances de C. soient rejetées. Le recours de A. SA a été rejeté par le tribunal cantonal, faute d'intérêt à agir. Le recours de B. a pour sa part été partiellement admis. Les Recourants ont fait appel auprès de l'Obergericht du canton de Zurich. Le recours de A. SA a à nouveau été rejeté et celui de B. partiellement admis. A. SA et B. ont respectivement déposé un recours en matière civile et un recours en matière constitutionnelle auprès du Tribunal fédéral contre la décision du tribunal cantonal de dernière instance.
  • A. SA a contesté l'admission de C. à l'état de collocation sur la base de l'art. 250 al. 2 LP. La question centrale porte sur l'intérêt à agir de la Recourante dès lors que le dividende de faillite était présumé nul (art. 59 al. 2 let. a CPC). Selon la doctrine et la jurisprudence, le créancier peut avoir un intérêt juridique suffisant, malgré un dividende supposé nul, dans trois cas de figure (consid. 2.1 s.).
  • Le premier est celui où le créancier qui requiert l'exclusion d'un autre créancier (art. 250 al. 2 LP) agit dans le but de le priver de la possibilité d'agir contre le créancier demandeur sur la base d'une cession au sens de l'art. 260 LP en raison de sa responsabilité en matière du droit des sociétés anonymes (consid. 2.4). In casu, ce premier grief a été rejeté au motif que la Recourante n'était pas un organe de la débitrice de la faillite (consid. 2.4.2 s.).
  • Le deuxième est celui où le demandeur agit pour éviter de perdre un éventuel gain de procédure résultant de la cession de prétentions contre des tiers avec un co-créancier (consid. 2.5). In casu, ce grief invoqué par la Recourante a été déclaré irrecevable en raison de l'invocation de faits nouveaux au sens de l'art. 99 LTF (consid. 2.5.3).
  • Le troisième, dont la Recourante s'est prévalue, est celui de se prévaloir de l'intérêt de la masse en faillite. Celle-ci aurait un intérêt à éviter que l'Intimé soit colloqué à tort comme créancier de la faillite et bénéficie des droits de créancier (consid. 2.6).
  • Selon la doctrine, il n'est pas définitivement établi si – hormis les deux autres hypothèses évoquées supra – la seule délivrance de l'acte de défaut de biens et la simple possibilité d'une faillite ultérieure en cas de dividende nul peuvent fonder un intérêt suffisant à la protection juridique pour justifier une action en contestation (consid. 2.6.1).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé une de ses décisions précisant que pour que le demandeur de l'action en collocation ait un intérêt à agir, il suffit qu'il puisse obtenir quelque chose, non pas pour lui-même, mais pour la masse, dans le cas où il est lui-même déjà entièrement satisfait (consid. 2.6.4).
  • In casu, le dividende de la faillite ayant été estimé à 0%, un tel intérêt pécuniaire n'existait ni pour la Recourante, ni pour la masse. En outre, la simple possibilité théorique d'une faillite postérieure ne suffit pas pour affirmer l'intérêt à la protection juridique d'une action en collocation (consid. 2.6.4).
  • Le recours en matière civile de la Recourante A. SA a dès lors été rejeté (consid. 2.7).
  • Relativement au recours constitutionnel de B., ce dernier n'a pas été en mesure de démontrer une violation de droits constitutionnels (art. 116 LTF). Son recours a donc également été rejeté (consid. 4).

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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Footnotes

1. Destiné à publication

2. Destiné à publication

3. Destiné à publication

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