Dans une décision du 20 décembre 20231, la Cour supérieure du Québec rejette l'appel d'un jugement rendu le 3 octobre 2022 par l'honorable Louis-Philippe Laplante, juge à la Cour du Québec2, qui déclare coupable un concessionnaire automobile de trois infractions pénales en vertu de l'article 224c) de la Loi sur la protection du consommateur (« L.p.c. »).

Bien que fortement ancrées dans la preuve administrée en première instance dans un contexte pénal, ces deux décisions récentes traitent de l'application de l'article 224c) L.p.c. et offrent un survol de certaines autres décisions rendues en la matière à ce jour.

Les questions soulevées dans les décisions de la Cour du Québec et de la Cour supérieure sont multiples. Le présent article porte uniquement sur les questions liées à l'interprétation et à l'application de l'article 224c) L.p.c..

A. Survol des faits

En 2019, l'Office de la protection du consommateur (« O.p.c. ») reçoit un mandat d'inspection afin de vérifier certaines pratiques d'affaires d'un concessionnaire de véhicules neufs et d'occasion. Selon l'OPC, il ressort de cette enquête que des frais pour divers produits de conditionnement, par exemple de l'aquapel pour le pare-brise, de l'azote pour les pneus ou des balais à neige, appelés la « trousse », sont ajoutés au prix de véhicules de façon systématique par le concessionnaire.

C'est dans ce contexte que le concessionnaire se voit délivrer trois constats d'infraction en vertu de l'article 224c) L.p.c., l'accusant dans chaque cas d'avoir exigé d'un consommateur un prix supérieur à celui initialement annoncé pour un véhicule.

B. Décision de la Cour du Québec

En première instance, le concessionnaire soutient que la « trousse » offre une variété de produits optionnels expliqués verbalement ainsi que par écrit aux clients avant la conclusion du contrat de vente d'un véhicule. De plus, chaque bureau des vendeurs dispose d'une affiche expliquant le contenu de la « trousse ». Ce n'est qu'environ 60% des clients qui achètent la « trousse » et ceux-ci peuvent en demander le remboursement ultérieurement. Chacun des clients à l'origine des constats d'infraction aurait bénéficié des produits inclus dans la « trousse ».

Or, la Cour du Québec retient plutôt de la preuve administrée par les parties que les clients concernés par les constats d'infraction ont compris qu'il s'agissait de frais obligatoires s'ajoutant automatiquement au prix annoncé du véhicule, de sorte qu'aucune de ces mesures n'a en l'espèce pour effet d'exclure la commission d'une infraction en vertu de l'article 224c) L.p.c.. De plus, selon la Cour du Québec, ce n'est pas la vente de la « trousse » qui est ici à l'origine d'une infraction à l'article 224c) L.p.c., mais plutôt son ajout systématique au contrat de vente sans que le consommateur ne l'ait d'abord demandée jumelé au fait que le consommateur en comprend qu'il s'agit de frais obligatoires.

La Cour du Québec rejette par ailleurs l'argument du concessionnaire quant à la nécessité de réconcilier les versions françaises et anglaises de l'article 224c) L.p.c.. Après avoir constaté une divergence entre les deux versions, la Cour du Québec retient essentiellement la version anglaise qui utilise le mot « charge », pouvant se traduire par « facturer » ou « faire payer », et ce, même en l'absence d'un élément de coercition.

C. Décision de la Cour supérieure

La Cour supérieure, sous la plume de l'honorable Pierre Labrie, rejette tous les motifs d'appel du concessionnaire. La Cour supérieure maintien principalement les conclusions de la Cour du Québec, tout en précisant le cadre d'analyse applicable : le fait pour un commerçant d'ajouter systématiquement un prix supplémentaire à un contrat, sans que le consommateur n'en soit informé au préalable, peut constituer une infraction à l'article 224c) L.p.c. lorsque la preuve dans un cas donné est à l'effet que le consommateur comprenait qu'il s'agissait d'un bien ou d'un service imposé et que ce frais était obligatoire.

À cet égard, la Cour supérieure souligne que le juge de première instance n'a pas conclu que l'article 224c) L.p.c. s'applique à des biens ou services supplémentaires ou optionnels. Au contraire, la Cour supérieure retient que le juge de première instance a conclu, sur le plan factuel, ce qui mérite déférence, que le prix de la « trousse » correspond à des frais supplémentaires automatiquement facturés et obligatoires pour les trois clients en particulier.

Ainsi, à l'instar de la décision de la Cour du Québec, la décision de la Cour supérieure est fortement ancrée dans la preuve administrée en première instance et dans la déférence à l'égard de son appréciation par le juge du procès.

D. Commentaires

Au cours des dernières années, les tribunaux québécois ont rendu leurs premières décisions au mérite traitant de l'article 224c) L.p.c., et ce, tant dans un contexte pénal, civil que d'action collective. 

Même si le commerçant est ici condamné, ces deux décisions maintiennent  la jurisprudence antérieure enseignant que les biens ou services supplémentaires ou optionnels ne sont pas visés par l'article 224c) L.p.c., une question en bonne partie factuelle qui dépendra des faits spécifiques de chaque client.

Le 9 février 2023, l'Honorable juge Peter Kalichman, j.c.a., a rejeté la permission d'appeler du commerçant dans ce dossier, jugeant que les décisions de la Cour du Québec et de la Cour supérieure sont fondées sur des faits spécifiques dont l'appréciation ne mérite pas l'intervention de la Cour d'appel3

Footnotes

1. 9076-7567 Québec inc. c. Directeur des poursuites criminelles et pénales2023 QCCS 4853.

2. Jugement non publié, numéro de dossier : 705-61-124221-215

3. 9076-7567 Québec inc. c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2024 QCCA 165

To view the original article click here

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.