I. ProcÉdure pÉnale
TF 7B_219/2024
Droit à l'assistance d'un
défenseur
gratuit en procédure d'appel pour la partie
plaignante, conditions
objectives et personnelles [p. 2]
II. Droit pÉnal Économique
-
III. Droit international privÉ
-
IV. Droit de la poursuite et de la faillite
TF 5A_245/2024*
Développements sur le moment idoine et les conditions
nécessaires pour déposer une requête aux fins
de ne pas rendre public une
poursuite aux tiers en cas de paiement de la créance
poursuivie
[p. 4]
V. entraide internationale
-
Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).
Sans prétendre à l'exhaustivité,
seront reproduits ci-après les considérants
consacrant le raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur
les thématiques suivantes : droit de procédure
pénale, droit pénal économique, droit
international privé, droit de la poursuite et de la
faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 7B_219/2024 du 13 septembre 2024 |
Droit à l'assistance d'un
défenseur gratuit en procédure
d'appel pour la partie plaignante : conditions
objectives et
personnelles (art. 29 al. 3 Cst., art. 136 CPP)
- Par jugement du 22 août 2023, le Bezirksgericht de Brugg, a déclaré B. (« Prévenu») coupable de viols multiples, de séquestrations multiples, de menaces multiples, de lésions corporelles simples multiples et partiellement tentées ainsi que d'insultes multiples au détriment de son épouse A. (« Recourante »), ressortissante éthiopienne. Cette dernière s'est constituée partie plaignante dans la procédure.
- Le Prévenu a interjeté appel devant l'Obergericht du canton d'Argovie. Dans le cadre de cette procédure d'appel, la Recourante a requis l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite et l'assistance d'un conseil juridique gratuit.
- Par décision du 22 janvier 2024, la direction de la procédure a partiellement admis la demande de la Recourante. Elle lui a accordé l'assistance judiciaire gratuite dans la mesure où elle a été exonérée des frais de procédure, mais elle lui a refusé la désignation d'un conseil juridique gratuit.
- La Recourante a formé recours auprès du Tribunal fédéral.
- La question juridique qui s'est présentée devant notre Haute Cour a été de savoir si la Recourante avait droit à un conseil juridique gratuit en procédure d'appel (consid. 2).
- En vertu de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes à droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.
- Cette norme constitutionnelle est concrétisée par l'art. 136 CPP, qui précise qu'en procédure de recours, l'assistance judiciaire gratuite doit faire l'objet d'une nouvelle demande (art. 136 al. 3 CPP).
- Au regard des circonstances personnelles de la Recourante et de la complexité juridique de l'affaire, notre Haute Cour a retenu que la désignation d'un conseil gratuit était non seulement justifiée, mais nécessaire pour garantir l'exercice effectif de ses droits.Au sens de l'art. 29 al. 3 Cst. et de l'art. 136 al. 2 let. c CPP, l'assistance judiciaire comprend la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige, dans la mesure où la personne concernée, livrée à elle-même, ne peut défendre sa cause de manière appropriée et suffisamment efficace (consid. 2.2.3).
- Pour déterminer si un conseil juridique gratuit est nécessaire, le Tribunal fédéral tient compte de l'âge, de la situation sociale, des connaissances linguistiques, de l'état psychique et physique de la personne ainsi que de la gravité et de la complexité du cas en fait et en droit (consid. 2.2.3).
- De plus, selon la jurisprudence, un cas est
considéré comme juridiquement complexe
lorsqu'il soulève des questions juridiques
délicates, comme la définition des
éléments constitutifs d'un viol
(consid. 2.3). - In casu, notre Haute Cour a retenu qu'il
était reproché au Prévenu d'avoir
forcé la Recourante à avoir des relations sexuelles
contre son gré à plusieurs reprises sur une
période d'environ six mois, en la tenant, en la
frappant et en la menaçant. Comme base de décision,
il n'y avait en grande partie que des déclarations des
personnes directement concernées, ce qui donnait un poids
décisif à l'appréciation des propos du
point de vue des faits
(consid. 2.3). - Le Tribunal fédéral a ajouté
qu'était en cause,
sur le plan juridique, la question de la défense de la Recourante et la réalisation des éléments constitutifs de l'infraction par le Prévenu. Les accusations de viol à elles seules entraînaient des difficultés juridiques et factuelles qui ne devaient pas être sous-estimées (consid. 2.3). - Aux points précédemment soulevés, notre Haute Cour a également pris en compte les circonstances personnelles de la Recourante. En particulier, le Tribunal fédéral a constaté que cette dernière était fortement affectée émotionnellement par les actes du Prévenu et la procédure pénale. La Recourante suivait un traitement psychologique depuis des années, elle souffrait d'un trouble de stress émotionnel complexe, qui se manifestait par des souvenirs massifs de ce qu'elle avait vécu, auxquels s'ajoutaient les problèmes de santé physiques chroniques. Sur la base de ces éléments, l'état de santé et en particulier l'état psychique de la Recourante suggéraient la nécessité d'une représentation par un avocat (consid. 2.4.1).
- Les juges de Mon-Repos ont aussi critiqué l'argumentation de l'instance inférieure consistant à nier la nécessité d'un conseil juridique pour la Recourante étrangère, au profit d'un simple interprète afin d'assurer la compréhension et la traduction lors de la procédure d'appel, et du système pénal et judiciaire suisse dans son ensemble (consid. 2.4.2).
- En particulier, le Tribunal fédéral a retenu que la Recourante, en sa qualité de partie à la procédure, intervenait de façon plus que ponctuelle dans le cadre de celle-ci. La procédure d'appel qui comprenait, outre l'audience, la correspondance entre le tribunal et les parties, mais également le respect des questions de forme et délais à respecter, impliquait des tâches qui ne pouvaient pas être assurées par un simple interprète. Sur cette base, les juges de Mon-Repos ont considéré qu'une traduction purement linguistique n'était pas suffisante à assurer l'exercice effectif des droits de la Recourante atteinte de troubles psychiques et qui n'était pas familiarisée avec le système juridique suisse (consid. 2.4.2).
- Au regard des circonstances personnelles de la Recourante et de la complexité juridique de l'affaire, notre Haute Cour a retenu que la désignation d'un conseil gratuit était non seulement justifiée, mais nécessaire pour garantir l'exercice effectif de ses droits.
- Partant, le recours a été admis.
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
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III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
TF 5A_245/20241 du 29 août 2024 | Développements sur le moment idoine et les conditions nécessaires pour déposer une requête aux fins de ne pas rendre public une poursuite aux tiers en cas de paiement de la créance poursuivie (art. 8a al. 3 let. d LP)
- Par jugement du 19 juin 2023, le Kantonsgericht de Lucerne a condamné A. (« Recourante») à verser à la communauté des propriétaires par étage B. (« CPE ») une indemnité de CHF 8'667,70.
- Selon un document signé les 7 et 9 août 2023 et intitulé « Cession de créance», la Recourante et deux autres parties ont cédé « la créance suivante avec tous les droits et obligations découlant des « frais de procès (indemnité de partie) selon le jugement du Kantonsgericht de Lucerne du 19 juin 23 dans l'affaire Communauté des propriétaires par étages B. » à la société de financement de procès (« SA ») ».
- Par réquisition de poursuite du 31 août 2023, la CPE a poursuivi la Recourante pour un montant de CHF 8'667,70 auprès du Betreibungsamt (« Office des poursuites»).
- Le 8 septembre 2023, C. SA a fait virer à la représentante juridique de la CPE un montant de CHF 8'947,80 (correspondant à l'indemnité de partie due, intérêts compris) à l'intention de la CPE.
- Le 12 septembre 2023, un commandement de payer a été notifié à la Recourante, contre lequel elle a formé opposition.
- Le 21 février 2024, l'Office des poursuites a refusé de ne pas rendre publique la poursuite contre la Recourante. Cette dernière, a formulé une plainte auprès de l'Aufsichtsbehörde für Schuldbetreibung und Konkurs (« Autorité de surveillance») du canton de Soleure.
- Par décision du 9 avril 2024, l'Autorité de surveillance a rejeté sa plainte.
- Le 18 avril 2024, C. SA s'est adressée au Tribunal fédéral, au nom de la Recourante, contre cette décision, en demandant d'ordonner à l'Office des poursuites de ne plus communiquer la poursuite à des tiers.
- La Recourante (en tant que débitrice de la poursuite) a fait valoir que le refus par l'Office des poursuites de ne pas communiquer une poursuite la concernant à des tiers était contraire au droit (consid. 2).
- Au sens de l'art. 8a al. 3 let. d LP, les offices ne doivent pas porter à la connaissance de tiers les poursuites pour lesquelles une demande du débiteur dans ce sens est faite à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du commandement de payer, à moins que le créancier ne prouve, dans un délai de 20 jours imparti par l'office des poursuites, qu'une procédure d'annulation de l'opposition a été engagée à temps ; lorsque la preuve est apportée par la suite, ou lorsque la poursuite est continuée, celle-ci est à nouveau portée à la connaissance de tiers.
- Le Tribunal fédéral a précisé que dans le cadre de cette procédure (art. 8a al. 3 let. d LP), l'Office des poursuites n'est pas habilité à trancher la question matérielle d'un changement de débiteur (consid. 3.3).
- Les juges de Mon-Repos ont ensuite constaté la
subtilité du cas d'espèce : la Recourante
avait formé opposition, et la créance avait
été payée
(8 septembre 2023) après le dépôt de la réquisition de poursuite (31 août 2023), mais avant la notification du commandement de payer (12 septembre 2023). Ainsi, il convenait de déterminer si l'Autorité de surveillance était en droit de considérer que le paiement « après le dépôt de la réquisition de poursuite » excluait déjà l'application de l'art. 8a al. 3 let. d LP (consid. 4.3). - Notre Haute Cour a relevé qu'elle ne s'était pas encore penchée sur la question de savoir ce qu'il en était d'une requête de non-divulgation de la poursuite à des tiers lorsque le paiement était intervenu avant la notification du commandement de payer, mais après la réquisition de poursuite. En outre, selon l'historique de l'art. 8a al. 3 let. d LP seul le paiement pouvait entrer en ligne de compte comme motif de non-consultation de la poursuite (consid. 4.3.1 ss).
- In casu, les juges de Mon-Repos ont considéré qu'il fallait se baser sur la date de notification du commandement de payer et non sur la date de réquisition de poursuite. Ils ont indiqué que ce résultat se justifiait pour diverses raisons : (i) L'office des poursuites n'est pas appelé à constater et juger s'il y a lieu de déposer une réquisition de poursuite. (ii) Seule la notification du commandement de payer donne au débiteur la possibilité de s'opposer. (iii) Il n'est pas non plus important de savoir si le dépôt de la réquisition de poursuite par le créancier était « justifié ». (iv) Enfin, il n'y a aucune raison de traiter différemment le cas où le créancier est resté inactif après la notification du commandement de payer et l'introduction de l'opposition (ce qui conduit à la non-consultation de la poursuite ; art. 8a al. 3 let. d LP) et le cas où un créancier est désintéressé avant la notification du commandement de payer et qu'il est également resté inactif (consid. 4.4.2).
- Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'était pas compatible avec l'art. 8a al. 3 let. d LP que l'Autorité de surveillance ait passé sous-silence le paiement de la créance effectué avant la notification du commandement de payer et ait exclu d'emblée le droit à la non-consultation de la poursuite par des tiers (consid. 4.4.3).
- Finalement, notre Haute Cour a examiné les conditions dans lesquelles une non-communication de la poursuite à des tiers est à tout le moins admissible malgré le paiement de la créance avant la notification du commandement de payer (consid. 4.5).
- Dans cette configuration, le Tribunal fédéral a rappelé que la réquisition de non-consultation de la poursuite obligeait le débiteur à justifier le paiement et la date de notification du commandement de payer (consid. 4.5.1).
- In casu, le Tribunal fédéral a rappelé que la Recourante avait indiqué dans sa requête de non-consultation la date de la notification du commandement de payer et avait joint à celle-ci un justificatif de paiement du 8 septembre 2023. En outre, la CPE avait confirmé le paiement et avait déclaré que la réquisition de poursuite du 31 août 2023 avait été précédée « d'une facture, d'un rappel et d'une menace de poursuite». Ainsi, les juges de Mon-Repos ont considéré que la Recourante avait fourni une preuve suffisante de l'extinction de la dette et donc d'une poursuite injustifiée.
- Par conséquent, notre Haute Cour a jugé la requête de la Recourante de non-consultation fondée (consid. 4.5.2 ss).
- Partant, le recours a été admis.
V. ENTRAIDE INTERNATIONALE
-
Footnote
1. Destiné à publication
The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.