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11 February 2025

Les récentes propositions gouvernementales relatives aux modifications de la procédure régissant le contentieux d'impôts directs au Grand-Duché de Luxembourg

Le 28 mars 2023, le Ministère des Finances a déposé son projet de loi n° 8186 dont les dispositions se fixent comme objectifs de modifier et de moderniser certains aspects procéduraux du contentieux fiscal en matière d'impôts directs (le « Projet de loi »).
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Le 28 mars 2023, le Ministère des Finances a déposé son projet de loi n° 8186 dont les dispositions se fixent comme objectifs de modifier et de moderniser certains aspects procéduraux du contentieux fiscal en matière d'impôts directs (le « Projet de loi »).

Les modifications suivantes sont à mettre en exergue.

1) Concernant la procédure de réclamation devant l'Administration des Contributions Directes (« ACD »)

Le Projet de loi prévoit une refonte partielle de la procédure de réclamation contre des bulletins d'imposition en modifiant la Loi générale des impôtsAbgabenordnung » ; « AO »). En effet, le contenu de la requête portant réclamation est calqué sur celui du recours devant le Tribunal administratif.

Ainsi le paragraphe 249 AO est modifié en ce que la requête en réclamation devra comporter sous peine d'irrecevabilité les éléments suivants :

  • les noms, prénoms et adresse du réclamant ;
  • la désignation de la décision contre laquelle le recours est dirigé ;
  • l'objet de la demande ;
  • l'exposé sommaire des faits et moyens invoqués ;
  • une preuve du mandat spécial lorsque le représentant n'est pas avocat ;
  • le relevé des pièces dont le réclamant entend se servir.

A cet égard, il convient de relever l'existence d'un jugement1 rendu récemment par le Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg dans lequel, il a été statué que

« [...] L'exigence qu'une réclamation contre un bulletin émis par l'administration de l'enregistrement des domaines et de la TVA soit « dûment motivée » résultant [de l'article 76 (3) al. 1 de la loi concernant la TVA] n'est pas conforme aux principes d'équivalence et aux principes d'effectivité résultante de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne »

Certes il s'agit d'un jugement en matière de TVA mais les juges judiciaires ont procédé à une comparaison entre les dispositions actuellement en vigueur du paragraphe 249 AO et celles de l'article 76 (3) al. 1 la loi concernant la TVA pour décider que

« Dans ce contexte, il apparaît clairement que les modalités des recours que le justiciable tire du droit communautaire dans le cadre du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sont moins favorables que celle concernant le recours similaire de nature interne en matière de contributions directes. »

Cette disposition est applicable à partir du 1er janvier 2024 en cas d'adoption du Projet de loi.

2) Concernant la possibilité de déposer une réclamation contre des bulletins de taxation d'office

Il est prévu d'insérer au § 232 AO un alinéa 1a qui exigerait que l'écart entre les revenus ou la fortune soumis à l'impôt dans le cas d'un bulletin de taxation d'office et les revenus ou la fortune réels excède 10% pour que la voie d'une réclamation soit ouverte au contribuable.

Il est à noter que cette nouvelle disposition vise à se conformer à la jurisprudence actuelle en la matière qui requerrait déjà que le contribuable apporte la preuve que ses revenus ou sa fortune réels s'écartent de manière significative de l'imposition d'office. Cette disposition du Projet de loi vise à quantifier cet « écart significatif » en fixant un seuil précis.

Cette disposition est applicable à partir de l'année d'imposition 2024 en cas d'adoption du Projet de loi.

3) Concernant le recours en cas de silence du Directeur de l'ACD

Le Projet de loi propose d'amender la Loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif (la « Loi 1996 ») en instaurant une limite temporelle au recours devant le Tribunal administratif en cas de silence du Directeur suite à la réclamation déposée par le contribuable.

Actuellement, lorsque le contribuable n'a pas reçu de réponse du Directeur de l'ACD à l'issue d'un délai de 6 mois suite au dépôt d'une réclamation, il a le droit d'introduire un recours devant le Tribunal administratif sans qu'aucun délai impératif ne lui soit imposé.

Le Projet de loi propose d'instaurer une période définie de 12 mois au cours de laquelle le réclamant sera en droit d'introduire un recours devant le Tribunal administratif en cas de silence directorial.

Il est pertinent de relever que les mesures d'instruction requises et ordonnées par le Directeur prolongent automatiquement la période susmentionnée de 6 mois afin de respecter le principe du contradictoire.

Cette disposition est applicable à partir de la publication au Journal Officiel en cas d'adoption du Projet de loi.

4) Concernant le recours hiérarchique formel

Les contribuables pourraient prochainement bénéficier de la nouvelle formulation du paragraphe 3, point 3 de l'article 8 de la Loi 1996 qui permet l'introduction d'un recours auprès du Tribunal administratif après une période de 6 mois de silence du Directeur faisant suite au dépôt du recours hiérarchique formel.

Cette disposition est applicable à partir de la publication au Journal Officiel en cas d'adoption du Projet de loi.

5) Possibilité de paiement échelonné

Une mesure qui contribue à apaiser les rapports entre les contribuables et l'ACD dans la phase de recouvrement de l'impôt est introduite par la disposition suivante :

Sur demande du contribuable, le Receveur peut autoriser un échelonnement des paiements des créances du Trésor si leur recouvrement entraîne des difficultés considérables pour le contribuable et que la créance n'est pas mise en péril par le délai accordé.

A noter cependant que l'échelonnement de paiement ne s'oppose pas à ce que le Trésor puisse faire valoir ses droits hypothécaires ni ne suspend la mise en compte des intérêts de retard.

Cette disposition est applicable à partir de la publication au Journal Officiel en cas d'adoption du Projet de loi.

6) Échange d'informations entre l'ACD et la Commission de Surveillance du Secteur Financier (« CSSF »)

Sous certaines conditions et sur demandes motivées, l'ACD et la CSSF pourront échanger les renseignements, actes et documents en leur possession qui concernent des contribuables qui sont des entités soumises à la surveillance prudentielle de la CSSF ou pour lesquelles celle-ci est l'autorité compétente pour assurer le respect des obligations professionnelles en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Cette disposition est applicable à partir de la publication au Journal Officiel en cas d'adoption du Projet de loi.

Footnote

1. Jugement du Tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg du 01/02/2023 – n° TAL-2021-02305

Originally published Mai 3rd, 2023

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