Le nouveau régime luxembourgeois de propriété intellectuelle a été introduit par un projet de loi récemment publié. À compter du 1er janvier 2018, les revenus provenant de brevets et de logiciels protégés par un droit d'auteur bénéficieront d'un régime fiscal attractif compatible avec l'approche du lien modifiée.

Le 4 août 2017, le texte du projet de loi introduisant le nouveau régime luxembourgeois de propriété intellectuelle ("PI") a été publié. Le nouveau régime PI est conforme à l'approche dite du « lien » modifiée telle qu'adoptée par l'OCDE et les pays membres du G-20 dans le cadre de l'Action 5 du projet relatif à l'érosion de la base d'imposition et au transfert de bénéfices («Projet BEPS»). Cet article donne un aperçu de l'approche du lien modifiée et du nouveau régime luxembourgeois de PI.

1. Introduction

Avec pour objectif de devenir un endroit privilégié pour l'économie européenne de la connaissance, en 2008, le Luxembourg a mis en place un premier régime de PI prévoyant une exonération d'impôt de 80% applicable aux redevances et plus-values générées par une large gamme de droits de PI, perçues par les contribuables luxembourgeois.

En 2013, le plan d'action du Projet BEPS de l'OCDE a identifié certains régimes fiscaux préférentiels incluant, notamment, les régimes de PI et des brevets comme un domaine clé. En effet, l'Action 5 du Projet BEPS a appelé à l'élaboration de propositions pour le développement de règles afin de lutter plus efficacement contre les régimes fiscaux dommageables, en tenant compte de facteurs tels que la transparence et la substance.

En Septembre 2014, l'OCDE a publié un document relatif à l'Action 5 qui propose d'appliquer l'approche dite du « lien » qui ferait concorder les dépenses de recherche et développement (« R&D ») avec l'octroi d'avantages: sur base de ce modèle, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont publié une déclaration conjointe proposant une « approche de lien modifiée » en novembre 2014. Dans le cadre de l'approche du lien modifiée, qui a été adoptée dans le Rapport Final sur l'Action 5, les avantages procurés par des brevets sont liés aux dépenses admissibles de R&D encourues par le contribuable lui-même.

Conformément au consensus atteint sous l'Action 5, le Luxembourg a aboli son premier régime de PI avec effet au 30 juin 2016. Cette suppression s'accompagne toutefois d'une clause de grand-père d'une durée de 5 ans, prenant fin le 30 juin 2021, pour les actifs de PI qui bénéficiaient précédemment du régime PI abrogé. A compter du 1er janvier 2018, les revenus issus de brevets et de logiciels protégés bénéficieront d'un régime fiscal attractif qui sera conforme avec l'approche du lien modifiée et, par conséquent, adapté à l'ère post-BEPS. Bien que le projet de loi publié par le gouvernement luxembourgeois puisse encore évoluer et être modifié durant la procédure législative, les principaux aspects du nouveau régime ne devraient pas changer.

2. L'approche du lien modifiée

En vertu de l'approche du lien, un revenu de PI ne peut bénéficier du régime de PI que dans la mesure où le contribuable a lui-même effectué des dépenses de R&D en créant un actif de PI. L'approche du lien est dénommée ainsi parce qu'elle établit un « lien » entre les dépenses de R&D effectuées par le contribuable, le revenu de PI et l'avantage qui peut être obtenu en vertu du régime de PI. Comme illustré dans la formule ci-dessous, la proportion des dépenses R&D constitue la donnée de référence pour calculer le montant des revenus de PI qui peuvent bénéficier du régime de PI.

Selon le Rapport Final de l'Action 5, les juridictions sont autorisées à considérer l'avantage fiscal calculé selon cette formule comme une présomption réfutable, qui peut être renversée si les contribuables rapportent des preuves suffisantes démontrant un lien direct entre leurs dépenses et leurs revenus de PI et prouvant que davantage de revenus devraient pouvoir bénéficier du régime de PI. Cependant, les Etats devraient limiter l'application de cette présomption réfutable à des situations présentant des circonstances exceptionnelles et sous réserve du respect de conditions strictes.

Dès lors que l'approche du lien a soulevé plusieurs préoccupations sérieuses, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont fait une proposition qui a modifié l'approche du lien proposée précédemment par l'OCDE. En février 2015, l'OCDE a approuvé l'approche du lien modifiée, avec pour conséquence que celle-ci a été incluse dans le rapport final sur l'Action 5 BEPS tel que publié le 5 octobre 2015.

La proposition faite par l'Allemagne et le Royaume-Uni a modifié l'approche du lien initiale dans les deux domaines suivants :

  1. En vertu de l'approche du lien modifiée, les juridictions sont autorisées à permettre aux contribuables d'appliquer une majoration de 30% afin de compenser l'exclusion des frais engendrés par des parties liées ou des frais engendrés pour l'acquisition des droits de PI. Le but de cette majoration est d'assurer que l'approche du lien modifiée ne pénalise pas injustement les contribuables pour avoir acquis des PI ou pour avoir externalisé des activités de R&D à des parties liées.
  2. En ce qui concerne le calendrier, les Etats ayant des régimes de PI en place ont dû modifier leurs règles avec pour objectif d'être conforme à l'approche du lien modifiée pour le 30 juin 2016 au plus tard. Par ailleurs, le procédé législatif pour réaliser ce changement devait débuter en 2015. En outre, il existe, selon cette nouvelle approche, une clause de grand-père qui autorise les contribuables qui ont bénéficié d'un régime de PI préexistant, de continuer à en bénéficier jusqu'au 30 juin 2021.

Cependant, malgré ces modifications, l'approche du lien modifiée n'est pas exempte de controverse. Dans un contexte européen, la limitation d'une activité économique à un territoire particulier pourrait en effet aller à l'encontre des libertés fondamentales de l'UE. Il en est ainsi parce que, nonobstant la disponibilité de la majoration de 30%, cette approche pourrait encore avoir pour conséquence d'exclure la plupart des dépenses de R&D engendrées dans un Etat membre de l'UE du bénéfice d'un régime de PI d'un autre Etat Membre.

Dans le passé, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé, à plusieurs reprises, que les régimes qui limitent les avantages tels que les déductions ou crédits d'impôt pour frais aux dépenses nationales, au lieu d'étendre de tels avantages aux dépenses réalisées dans d'autres Etats Membres, ne sont pas conformes au droit européen (voir, par exemple, CJUE, Arrêt du 8 Juillet 1999, affaire C-254/97, Société Baxter, B. Braun Médical SA, Société Fresenius France and Laboratoires Bristol-Myers Squibb SA v. Premier Ministre, Ministère du Travail et des Affaires sociales, Ministère de l'Economie et des Finances et Ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation et CJUE, Arrêt du 10 Mars 2005, Affaire C-39/04, Laboratoires Fournier SA v. Direction des vérifications nationales et internationales). Il est difficile de voir comment l'approche du lien modifiée pourrait être alignée avec les exigences décrites dans la jurisprudence pertinente de la CJUE. Malgré cela, le groupe « Code de Conduite » de l'UE a complètement ignoré les arguments pertinents soulevés dans le cadre de la procédure de consultation. Il reste à voir comment la CJUE évaluera la cohérence des régimes de PI conçus en accord avec l'approche du lien modifiée, avec les libertés fondamentales.

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