Les questions d'héritage en cas de décès est l'appréhension ultime des citoyens de l'Union européenne résidents aux Emirats arabes unis (EAU), en particulier compte tenu de l'incertitude et de la complexité des règles qui régissent la succession aux EAU. Bien que la loi émirienne dispose expressément que la succession et les règles régissant le testament seront régies par la loi du défunt au moment de son décès, la pratique montre que les tribunaux des EAU semblent privilégier l'application de la Shari'a pour les expatriés non-musulmans et ce même si un testament prévoit l'inverse.

Suite aux nombreuses questions de nos clients étrangers, disposant d'actifs aux Emirats, nous avons souhaité vous donner ci-après une première grille de lecture de la pratique locale en matière de succession afin d'anticiper un décès éventuel et éviter au mieux les mauvaises surprises. The question of inheritance in the event of death is the ultimate apprehension of European expatriates residing in the UAE, especially considering the uncertainty and complexity of the rules that governs inheritance matters in the UAE.

Whilst the UAE law expressly disposes that inheritance shall be governed by the law of the deceased at the time of his death and that wills are governed by the law of the national that expired, practice shows that UAE courts seem to privilege the application of Shari'a Law over non-Muslim expats despite a will that provides otherwise. Following numerous questions raised by our foreign clients, whom own assets in the UAE, we elected to give you a spotlight of the local practice regarding inheritance in order to anticipate a potential death and to avoid bad surprises thereafter.

1 Le testament, une mesure de précaution nécessaire

D'un point de vue pratique, il est nécessaire de noter que suite au décès d'un expatrié, l'accès aux actifs du défunt, que ce soit les biens mobiliers (meubles, actions, cash etc.) ou immobiliers sont limités. Le conjoint survivant, par exemple, ne pourra pas disposer des actifs du défunt de quelque manière que ce soit, sans obtenir des instructions adéquates auprès de la cour émirienne ayant compétence sur les questions relatives à la distribution des actifs en cas de décès. Il convient dès lors d'engager un avocat local dès le décès du défunt afin de suivre cette procédure.

Sur le plan théorique, l'article 17 de la loi fédérale 1985-5 et ses modifications promulguant la loi sur les transactions civiles des EAU (Code civil émirien) a, en théorie, fourni un cadre juridique sécurisé pour les expatriés non-musulmans en accordant un droit expresse d'appliquer la loi du défunt en ce qui concerne la distribution des actifs et la tutelle des mineurs aux EAU. Si l'on suit la lettre de l'article 17 du Code civil émirien, les expatriés non-musulmans devraient donc prendre des mesures de précaution, en enregistrant un testament prévoyant les modalités par lesquelles leurs actifs devraient être distribués à leurs héritiers, ainsi que l'identité d'un membre de la famille qui agira en tant que gardien des mineurs.

La question de la garde est presque toujours négligée par les expatriés qui supposent automatiquement que la mère survivante reçoit systématiquement la garde des enfants mineurs.

À la lumière de ce qui précède, avoir un testament en place dûment notarié et attesté servirait d'outil pour tenter de déroger au principe de la Shari'a.

Malheureusement, on verra ci-après que le juge local ne se plie pas systématiquement à ce principe pourtant clairement énoncé dans le Code civil émirien.

2. La portée réelle du testament aux EAU

Toute situation de renvoi à une loi étrangère devant un juge local est entaché d'une double réserve primordial

En théorie, il y aurait donc lieu de faire jouer le renvoi à la loi étrangère du défunt devant le juge émirien, au cas où l'on considère l'article 17 comme étant une reconnaissance des principes généralement admis par le droit international privé par le droit émirien. Cependant, toute situation de renvoi à une loi étrangère devant un juge local est entaché d'une double réserve primordiale : l'ordre public local pour les biens situés aux EAU et l'ordre public européen pour les biens situés en Europe.

Ordre public émirien : l'application de la loi du défunt, pourtant inscrite dans le droit local, est donc souvent contrée par la nécessité du juge de la succession de se conformer à l'ordre public et aux valeurs morales des EAU qui sont exclusivement guidés par la Shari'a. En bref, pour que les magistrats acceptent que la succession soit régie par la volonté du défunt, ces derniers doivent non seulement être en mesure de vérifier le contenu des dispositions de la loi du défunt mais aussi doivent veiller à ce que les dispositions de ladite loi étrangère ne soient pas en contradiction expresse avec les valeurs sociales et éthiques des EAU. Ayant à l'esprit que les notions d'ordre public, de valeurs sociales et de morale donnent lieu, par définition, à une interprétation large et non exhaustive, le juge a fondamentalement un pouvoir assez large d'accepter la volonté du défunt ou de la rejeter pour appliquer exclusivement la Shari'a en conformité avec les règles de l'ordre public émirien.

Bien entendu et a contrario, la décision du juge local ne pourra s'exécuter en Europe si elle contrevient à l'ordre public Européen.

Ordre public européen : On rappellera ainsi que la norme européenne a été codifiée par le règlement de l'Union européenne (UE) n° 650/2012 dans l'optique de mettre fin au morcellement de la succession des ressortissants de l'UE. Le considérant n° 58 du règlement UE dispose que « Dans des circonstances exceptionnelles, des considérations d'intérêt public devraient donner aux juridictions et aux autres autorités compétentes des États membres chargées du règlement des successions la possibilité d'écarter certaines dispositions d'une loi étrangère lorsque, dans un cas précis, l'application de ces dispositions serait manifestement incompatible avec l'ordre public de l'État membre concerné. [...] » Le ton est donné : toute forme de discrimination successorale rendrait la décision de justice étrangère au sein d'un pays membre de l'UE caduque. Ce faisant, il est évident qu'une décision de justice émirienne, basée sur la Shari'a, par définition discriminatoire, sur les questions relatives à la succession égalitaire des femmes et hommes et insouciante de la question de réserve héréditaire, serait inapplicable aux termes de l'ordre public européen.

Il est crucial pour les expatriés européens non-musulmans de se préparer et d'anticiper le scenario d'application de la Shari'a à la succession du défunt

Ce faisant, il est crucial pour les expatriés européens non-musulmans de se préparer et d'anticiper le scenario d'application de la Shari'a à la succession du défunt, au moins pour ce qui concerne leurs actifs émiriens, quitte à rééquilibrer ensuite devant le juge européen la dévolution de leurs actifs européens, au moment de l'exequatur de la décision judicaire émirienne statuant sur la succession.

Les principes de la Shari'a : Dans le cas où la volonté du défunt serait considérée comme nulle et la loi étrangère inapplicable, les principes suivants de la Shari'a s'appliqueront donc à la succession : a) Le conjoint survivant et les enfants ne seront pas les seuls héritiers légaux puisque les parents du défunt seront inclus et recevront une partie de l'héritage. En outre, une fille ne reçoit que la moitié de ce qu'un fils a droit. b) Les actifs seront distribués en vertu de la Shari'a, selon une distribution spécifique qui ne sera pas en conformité avec le principe d'égalité des sexes.

c) La mère n'assume pas automatiquement la tutelle des enfants. Ce droit étant systématiquement conféré à la famille du père. En effet, conformément à la disposition de la loi fédérale n° 2005-28 promulguant le Code des statuts personnels émirien, en cas de décès d'un père résidant aux EAU, le parent masculin le plus proche (côté patriarcal) est généralement nommé tuteur des mineurs. La mère des enfants conserverait la garde, sous réserve de conditions particulières telles que ne pas se remarier. D'autre part, si une femme devait mourir aux EAU, le mari resterait le gardien des enfants mineurs sous réserve des conditions spécifiques en vertu du Code des statuts personnels émirien.

En ce qui concerne les lois de la Shari'a, tous les comptes bancaires du défunt sont gelés, qu'ils soient en compte joint ou non. L'accès à ces comptes n'est autorisé qu'après décision judiciaire locale se prononçant sur la dévolution successorale. Pour ce faire, le tribunal lance un audit immobilier auprès des banques, du ministère du Développement économique de Dubaï et de toutes les autres zones libres pour déterminer la dévolution successorale relative aux actions détenues par le défunt dans les sociétés basées aux Emirats Arabes Unis. Il est également important de garder à l'esprit que, lors de la détermination des parts d'héritage et de la délivrance du certificat de succession, sésame pour débloquer la succession, les tribunaux s'assurent que les dettes du défunt sont réglées sur sa succession avant de distribuer à ses successeurs son produit.

3 Le testament « DIFC » : un pas vers la sécurité juridique

Récemment, et dans le but d'éliminer l'ambiguïté et l'incertitude, le DIFC Wills and Probate Registry a introduit un nouveau cadre pour les questions de succession en ce qui concerne les non-musulmans propriétaires d'actifs à Dubaï, soutenus par des mémorandums exécutés avec d'autres autorités publiques afin d'élargir la portée de l'applicabilité des testaments DIFC. Le registre des testaments DIFC reflète l'esprit novateur de Dubaï et repose sur les règles de la common law.

  1. Afin d'enregistrer un testament au registre, les exigences sont les suivantes : Ne pas être musulman et n'avoir jamais été musulman.
  2. Etre âgé de plus de 21 ans.
  3. Posséder des actifs à Dubaï et/ou Ras Al Khaimah et/ou avoir des enfants mineurs résidant avec vous à Dubaï et/ou Ras Al Khaimah.

Il existe quatre types de testament que l'on peut inscrire au registre:

  1. Testament complet qui couvrira la distribution des biens à Dubaï et/ou Ras Al Khaimah et la nomination des tuteurs des enfants mineurs (le cas échéant).
  2. Testament de tutelle qui couvre la nomination des tuteurs des enfants mineurs seulement.
  3. Testament immobilier qui couvrira jusqu'à cinq propriétés immobilières seulement (service en ligne Will).
  4. Testament freezone qui couvrira jusqu'à cinq participations dans des sociétés de zones franches dubaïotes ou des sociétés à Ras Al Khaimah uniquement.

En bref, à la lumière de ce qui précède, nous retiendrons les éléments suivants.

Le droit émirien offre théoriquement la possibilité d'organiser sa succession en vertu du droit de la nationalité du défunt.

Cependant, les règles de la Shari'a étant rigoureuses et d'ordre public, l'application de la loi étrangère relative à une dévolution successorale sur des biens situés aux EAU n'est pas garantie. Inversement, une décision judiciaire émirienne ne pourra être exécutée en Europe pour des biens situés en Europe, si elle contrevient à l'ordre public européen.

Le testament demeure une mesure de précaution nécessaire et plus efficace s'il est enregistré au DIFC. A noter que le « DIFC Will » est une initiative récente et la pratique démontrera l'efficacité ou non de celle-ci. Affaire à suivre...

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