Selon le rapport ITIE 20121, le secteur extractif de la République Démocratique du Congo (RDC) représentait 99% des exportations congolaises totales, 64% du budget gouvernemental, 24% de l'emploi formel et 13% du PIB en 2012. Ce secteur est donc particulièrement porteur et bénéfique à la RDC. Il faut néanmoins s'attendre à ce que les résultats sous-jacents baissent les années suivantes en raison de la crise affectant le secteur minier et en particulier de la baisse de quelque 25 à 30% des cours du cuivre et de l'or depuis 2013.

Début 2013, le gouvernement de la RDC a initié une révision du Code Minier visant essentiellement à optimiser les ressources de l'État au moyen d'un sévère alourdissement des prélèvements fiscaux et parafiscaux. Par ailleurs, il étendait le régime des autorisations diverses à obtenir pour exercer certaines activités. Le secteur minier, par l'intermédiaire de la Chambre des Mines, dont un article est produit ailleurs dans la présente revue, multiplia les démarches et soumit de nombreuses études en vue de réduire l'effet nuisible que la révision envisagée risquait de causer.

Un nouvel avant-projet a été déposé il y a plusieurs semaines au bureau de l'Assemblée Nationale congolaise. Cet avantprojet accorde quelques rares concessions aux demandes du secteur minier, mais il contient quelques nouvelles restrictions, telles des limitations à l'utilisation d'entreprises étrangères, de nature à compliquer la tâche des opérateurs miniers pourvoyeurs de main d'oeuvre et contributeurs d'impôts. Le résultat, désolant, est que l'on passerait d'un régime libéral et incitatif à un régime dissuasif et plus contrôlé.

Outre les cas très clairs en matière fiscale évoqués dans l'article de la Chambre des Mines publié dans la présente revue, les effets pervers d'une modification telle que proposée ne manqueront pas de réduire les apports du secteur extractif à l'économie congolaise. Quelques exemples:

  • La participation de l'État: actuellement, 5% des parts du capital social de l'exploitant minier doivent être cédés gratuitement à l'État. La modification proposée majore cette cession obligatoire à 10% avec une cession de 5% supplémentaires à chaque renouvellement de permis. De tels prélèvements s'apparentent à de l'expropriation et affectent évidemment le taux de rentabilité des projets miniers. Pourquoi ne pas s'inspirer du Botswana, pays minier stable et attractif s'il en est, où dans les quelques cas où l'État prend une participation, l'État paie cette participation!
  • L'emploi: le désinvestissement prévisible entrainera une diminution des emplois existants, mais qui plus est, l'absence de nouveaux investissements fera perdre la création de nouveaux emplois. L'impact négatif pourrait se chiffrer à la perte de plusieurs dizaines de milliers d'emplois, à l'instar de ce qui s'est produit en Zambie depuis janvier 2015 (voir ci-après).
  • L'extension des avantages incitatifs du Code Minier aux entrepreneurs et fournisseurs de l'opérateur minier («soustraitants »): l'amendement envisagé impose que pour bénéficier de l'ensemble du régime fiscal, douanier et de recettes non-fiscales du Code Minier, un sous-traitant doit être une société de droit congolais préalablement agréée par le Ministre des Mines. Pourtant, sans le très important apport de technologie et d'expertise de sous-traitants étrangers, l'expansion remarquable du secteur minier congolais n'aurait jamais pu se réaliser. Or, le nationalisme exacerbé refaisant surface risque de priver l'industrie minière congolaise de technologies de pointe et d'expériences disponibles à l'étranger.
  • La déduction des intérêts: les intérêts payés à l'étranger à des sociétés affiliées ne seraient déductibles que pour «la quote-part «de ces montants» qui n'excède pas la moitié du capital libéré». Il découle de ce libellé un peu obscur qu'au-delà d'un ratio dette-capital libéré de 0,5 lesdits intérêts ne sont pas déductibles. Comment justifier un tel ratio (acceptable par exemple pour un salon de coiffure) pour un secteur où l'investissement est particulièrement lourd, qui plus est dans un pays où le crédit bancaire est quasiment nul et où les investisseurs sont donc contraint de recourir à des avances de leurs sociétés affiliées, maisons-mères ou autres?
  • La garantie de stabilité du régime fiscal, douanier et de change, passerait de dix ans à cinq ans: comment attirer des investisseurs dans un secteur industriel lourd avec un horizon de prévisibilité aussi restreint?

L'on peut comprendre le voeu du gouvernement congolais de maximiser les recettes fiscales et parafiscales, mais il y a des limites. En outre, l'arrivée à maturité des projets miniers implique que ce n'est que tout récemment que les entreprises minières, sortant de leurs phases d'amortissement accéléré, ont commencé à payer des impôts significatifs. Ce n'est donc pas le moment de priver les investisseurs miniers des bénéfices qu'ils commencent à retirer de leurs projets, ni - en faisant fuir les opérateurs - de priver le Trésor congolais, les travailleurs et les communautés locales des retombées positives de ces projets.

Évitons le piège classique de l:augmentation déraisonnable et déraisonnée des prélèvements de l'État, tel celui dans lequel est tombé le gouvernement zambien, lequel, en janvier 2015, a augmenté la redevance minière de 6% à 20% (mines à ciel ouvert) et de 6% à 8% (mines souterraines), et a majoré divers autres taux d'imposition. Il en a résulté que la plupart des grands exploitants miniers ont fermé ou suspendu du jour au lendemain leurs projets miniers et mis à pied un total d'environ 12.000 mineurs. Le gouvernement zambien vient toutefois de faire marche arrière et a réduit ses appétits pour fixer à 9% la redevance minière, avec effet au 1er juillet. Toutefois, la confiance des investisseurs est brisée et il faudra longtemps avant que celle-ci ne se rétablisse.

La révision du Code Minier congolais contient certes des propositions acceptables. Cependant, si les nombreuses propositions inacceptables n'en sont pas retirées, cette révision, faute d'être plus raisonnable et mieux raisonnée, risque de causer la perdition de l'industrie minière congolaise.

Actuellement, le gouvernement et les industriels miniers se sont engagés dans de nouvelles discussions sur le projet de révision du Code Minier. L'heure est donc à l'apaisement.

Originally published by CBL-ACP Magazine.

Footnotes

* Les informations mentionnées dans le présent article sont à jour au 8 mai 2015. Le présent article constitue une suite à l'article intitulé «Le régime incitatif du secteur minier de la RDC en voie de révision » publié dans la présente revue, n° 2 de 2013.

1. L'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (www.eiti.org) vise à promouvoir une gestion ouverte et responsable des ressources naturelles. Elle réunit des représentants du gouvernement, d'entreprises et de la société civile qui sont intéressés par les opérations de l'industrie extractive ou par leur impact dans un pays donné. Elle publie annuellement un rapport sur la correspondance entre les paiements effectués par des entreprises extractives et les revenus qui sont perçus par les gouvernements d'un pays candidat ou d'un pays conforme, tout en expliquant les écarts éventuels. Le rapport annuel contient également des notes explicatives sur le secteur extractif.

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