Le règlement (UE) n°2019/834 (EMIR Refit ou EMIR 2.1) publié au JOUE le 28 mai 2019 est entré en vigueur le 17 juin 2019.

L'objectif majeur d'EMIR Refit est de limiter l'application du règlement (UE) n°648/2012 (EMIR) aux contreparties réellement susceptibles de présenter un risque systémique et de supprimer des contraintes et des coûts inutiles pesant sur les plus petites contreparties.

Deux modifications majeures sont apportées au régime actuel :

1. Une nouvelle catégorisation des contreparties permet aux Contreparties Financières dont les positions sur dérivés de gré-à-gré ne dépassent aucun des seuils de compensation (Small Financial Counterparties, SFC ou FC-) d'être exemptées de l'obligation de compensation. 

À la différence des Contreparties Non Financières (Non Financial Counterparties, ou NFC), les SFC ne peuvent pas exclure leurs contrats de couverture lorsqu'elles calculent leurs positions au sein du groupe.

2. Les Contreparties Non Financières dont les positions dépassent au moins un des seuils de compensation (Non Financial Counterparties+, ou NFC+) ne seront soumises à l'obligation de compensation que pour les dérivés appartenant à la catégorie d'actifs pour laquelle le seuil de compensation est dépassé.

3. Quelles sont les contreparties concernées par le calcul des positions ?

Dès l'entrée en vigueur d'EMIR Refit, les contreparties financières et non financières devront être en mesure (i) d'effectuer les calculs de positions (afin de vérifier si elles bénéficient de l'exemption à l'obligation de compensation) et (ii) d'informer l'AMF et l'ESMA si leurs positions dépassent l'un des seuils de compensation ou si elles décident de ne pas effectuer ce calcul. Les contreparties qui n'effectueront pas le calcul de leurs positions seront réputées soumises à l'obligation de compensation.

L'obligation de compensation devra être ensuite mise en Suvre en fonction des résultats de ce calcul et selon sa catégorie dans les 4 mois suivant les notifications indiquées ci-dessous.

4. Quand et comment effectue-t-on le calcul des positions ?

Déclaration de dépassement des seuils de compensation

Afin de déterminer leur statut, toutes les contreparties calculent la moyenne arithmétique de leurs positions de fin de mois des douze derniers mois, agrégées au niveau du groupe, et les comparer aux seuils de compensation. (EMIR prévoyait auparavant de calculer la position moyenne mobile sur 30 jours ouvrés).

Lorsque les positions au niveau du groupe dépassent les seuils de compensation, ou lorsque le calcul n'est pas effectué, l'entité doit en informer l'ESMA et chacune des autorités européennes concernées, en leur adressant la même notification, qui doit indiquer toutes les entités du groupe concernées. Pour l'AMF, la notification est à envoyer à l'adresse mail dédiée : emir-notifications@amf-france.org

Seuils de compensations

Classes d'actifs

Seuils en valeur notionnelle(*)

Dérivés de crédit

1 milliard d'euros

Dérivés d'actions

1 milliard d'euros

Dérivés de taux d'intérêt

3 milliards d'euros

Dérivés de change

3 milliards d'euros

Dérivés de matières premières et autres

3 milliards d'euros

(*) article 11 du Règlement délégué (UE) n°149/2013

Calcul des seuils pour les OPCVM et les FIA

L'article 4 bis 3 d'EMIR Refit indique que « la contrepartie financière inclut dans le calcul des positions visé au paragraphe 1 tous les contrats dérivés de gré-à-gré qu'elle a conclus ou que d'autres entités du groupe auquel elle appartient ont conclus. Nonobstant le premier alinéa, en ce qui concerne les OPCVM et les FIA, les positions visées au paragraphe 1 sont calculées au niveau du fonds ».

Mais l'article continue en indiquant :

« Les sociétés de gestion d'OPCVM qui gèrent plus d'un OPCVM et les gestionnaires de FIA qui gèrent plus d'un FIA [doivent être] en mesure de démontrer à l'autorité compétente concernée que le calcul des positions au niveau du fonds ne conduit pas :

  1. à une sous-estimation systématique des positions de l'un des fonds dont ils assurent la gestion ou des positions du gestionnaire; et
  2. à un contournement de l'obligation de compensation ».

En clair, les sociétés de gestion doivent pouvoir justifier de leur calcul.

Dans le cadre des fonds à compartiments (umbrella fund), nous comprenons toutefois que c'est la société de gestion qui effectuera le calcul et que les positions seront calculées au niveau de chaque sous-fonds (compartiment)1.

Il convient également de noter que l'ESMA a indiqué, dans ses « Questions and Answers  » sur EMIR, que des FIA peuvent détenir 100% des actions d'un Special Purpose Vehicle (SPV) 2  dont le but est de détenir ou d'administrer des actifs. Ce type de structure est particulièrement commun pour les FIA de capital investissement et l'immobilier. Dans ce cadre, nous comprenons que le calcul des positions se ferait alors au niveau du groupe donc par le fonds maître.

5. EMIR Refit étend la définition de "Contreparties Financières" aux dépositaires centraux et à une gamme plus large de FIA.

La notion de "Contreparties Financières" (Financial Counterparties ou FC), telle que définie par EMIR, comprenait déjà, entre autre, les entreprises d'investissement, les établissements de crédit, les OPCVM et leur société de gestion ainsi que les FIA gérés par un gestionnaire agréé au titre de la directive AIFM.

EMIR Refit étend la définition de FC à tous les FIA domiciliés dans l'UE, mais aussi à tous les FIA (non domiciliés dans l'UE) qui ne sont pas gérés par des gestionnaires agréés au titre de la directive AIFM et qui seraient soumis à l'obligation de compensation s'ils étaient établis dans l'UE (article 4 1. a) iv) d'EMIR Refit). La nouvelle définition de FC englobe donc, par exemple, un FIA géré par un gestionnaire américain.

Depuis l'entrée en vigueur d'EMIR Refit, le gestionnaire de FIA ou d'OPCVM est responsable de la déclaration des transactions au référentiel central pour le compte du fonds. Les gestionnaires situés en dehors de l'UE devront donc dorénavant s'acquitter de cette nouvelle obligation de reporting. 

6. Les FIA qui constituent une structure ad hoc de titrisation (Securitisation Special Purpose Entity ou SSPE) et les FIA établis uniquement pour un plan d'actionnariat salarié demeurent des Non-Financial Counterparties (NFC).

EMIR Refit conserve ces deux exceptions qui étaient déjà mentionnées dans EMIR.

Le fait de conserver le statut de NFC présente plusieurs avantages. Comme indiqué ci-avant, pour les calculs de leurs positions, les NFC ne prennent en compte que leurs transactions dont la "réduction des risques ne peut être objectivement mesurée", alors que les FC doivent prendre en compte l'ensemble de leurs transactions (à but spéculatif mais aussi à but de couverture).

Il est donc plus difficile pour une NFC d'atteindre les seuils de compensation (listés ci-avant).

7. EMIR Refit supprime l'obligation de déclaration des dérivés au référentiel central (reporting) qui pesait sur les NFC-.

Les Corporates seront soulagées d'apprendre que la FC (contrepartie de la NFC-) est dorénavant la seule responsable de la déclaration des dérivés (et de l'exactitude des données) en son nom propre mais aussi au nom de la NFC-.

8. EMIR Refit supprime l'obligation de « frontloading ».

L'obligation de compensation des contrats dérivés de gré-à-gré au sein d'une contrepartie centrale (CCP) après la date d'admission à la compensation et avant la date de mise en Suvre de cette obligation de compensation telle qu'établie par un règlement d'application est supprimée, car la mise en Suvre de cette obligation était source d'insécurité juridique3.

9. EMIR Refit introduit la possibilité de suspendre temporairement l'obligation de compensation dans trois situations :

  • une catégorie de dérivés devient inadaptée à la compensation centrale ;
  • une contrepartie centrale cesse de proposer des services de compensation centrale pour une catégorie de dérivés ;
  • ou encore lorsque la suspension est nécessaire pour éviter une grave menace sur la stabilité financière de l'UE.

10. L'obligation de déclarer les contrats historiques (« backloading »), conclus et échus avant le 12 février 2014, est supprimée.

L'obligation de déclaration s'applique aux contrats dérivés conclus à partir du 12 février 2014, et à ceux conclus avant cette date et toujours en vigueur au 12 février 2014 (l'obligation de backloading des contrats conclus après le 16 août 2012 mais échus avant le 12 février 2014 est ainsi officiellement supprimée).

En conclusion

On relèvera qu'à peine EMIR Refit était-il officialisé que l'Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF ou ESMA) publiait le 12 juillet dernier une déclaration traitant du mauvais alignement entre le champ d'application des contreparties soumises à l'obligation de compensation d'EMIR (clearing obligation ou CO) et celles qui sont soumises à l'obligation de négociation des dérivés en vertu du règlement (UE) n°600/2014 (derivatives trading obligation ou DTO).

Footnotes

1 Questions and Answers Implementation of the Regulation (EU) N°648/2012 on OTC derivatives, central counterparties and trade repositories (EMIR), 15 July 2019, General Answer 1 (a) 1 to Question 1 Funds, counterparties.

2 Questions and Answers Implementation of the Regulation (EU) N°648/2012 on OTC derivatives, central counterparties and trade repositories (EMIR), 15 July 2019, General Answer 3 iv to Question 3 Status of counterparties covered by AIFMD.

3 ESMA 8 May 2014, ESMA/2014/483, Frontloading requirement under EMIR.

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