L'Autorité de la concurrence (« l'Autorité ») a adopté le 21 décembre 2018 un communiqué de procédure sur la transaction afin d'en préciser les modalités de mise en Suvre.

Instaurée par une loi du 6 août 2015 et introduite à l'article L. 464-2, III du Code de commerce, la transaction se substitue à la procédure de non-contestation des griefs, instaurée quant à elle en 2001. La transaction permet aux entreprises qui renoncent à contester les griefs notifies par les services d'instruction de l'Autorité de se voir proposer par le Rapporteur Général une transaction fixant les montants minimal et maximal de la sanction encourue. Il ne s'agit donc plus d'un simple pourcentage de réduction d'une amende, dont on ne pouvait qu'essayer d'estimer le niveau, comme dans la procédure de noncontestation des griefs. Plus proche de la transaction prévue devant la Commission européenne, la transaction devant l'Autorité de la Concurrence connaît déjà un succès analogue à celui que connaît la première. Le nouveau communiqué de procédure vise à renforcer la prévisibilité du montant de l'amende transactionnelle et, partant, la sécurité juridique pour les entreprises : il n'est pas certain que cet objectif ait été pleinement atteint.

Les spécificités de la transaction à la française

La transaction est applicable à toutes les pratiques anticoncurrentielles, contrairement à la procédure devant la Commission européenne (« Commission ») applicable aux seules ententes horizontales. Deux des onze décisions de transaction adoptées à ce jour ont d'ailleurs concerné des cas d'abus de position dominante.

Comme devant la Commission, la transaction peut être mise en Suvre conjointement avec la procédure de clémence, l'entreprise bénéficiant ainsi d'une double réduction de sanction.

L'entreprise peut d'ailleurs, demander le bénéfice de la transaction en toute connaissance de cause car la procédure se fait après accès total au dossier, contrairement à la procédure devant la Commission où seul un accès partiel est accordé.

Première phase : la négociation avec le Rapporteur Général

La procédure de transaction s'inscrit dans un dialogue entre le Rapporteur Général et l'entreprise concernée par les griefs intervenant, en principe, après la notification des griefs. Cependant, des discussions en vue d'une transaction peuvent être initiées sur initiative du Rapporteur Général ou de l'entreprise, même avant la notification des griefs.

Formellement, l'entreprise qui souhaite bénéficier de la procédure de transaction doit en faire la demande auprès du Rapporteur Général. Celui-ci décide, au cas par cas, discrétionnairement, de l'opportunité de donner une suite favorable à cette demande.

A l'issue des premières discussions, le Rapporteur Général propose une fourchette de sanction à l'entreprise. Les entreprises peuvent proposer des engagements tendant à modifier leur comportement à l'avenir, afin d'obtenir une réduction du niveau de l'amende proposée.

Dans les deux mois de la notification des griefs, l'accord est formalisé dans un procès-verbal de transaction qui retranscrit la non-contestation des griefs, contient les engagements proposés par l'entreprise, ainsi que la proposition de montants minimal et maximal de l'amende. L'entreprise s'engage à ne contester ni la réalité des pratiques contestées, que ce soit leur matérialité, leur durée ou leur champ géographique, ni leur qualification juridique, notamment l'objet et/ou l'effet anticoncurrentiel, ou leur imputabilité. Le procèsverbal de transaction n'est pas accessible aux autres parties à la procédure

Comme la Commission européenne, l'Autorité est défavorable aux procédures hybrids, lorsque seulement certaines entreprises mises en cause choisissent la voie de la transaction alors que d'autres contestent les griefs. Cette situation crée un réel inconvénient à la fois pour les services d'instruction, qui doivent poursuivre la procédure ordinaire en perdant l'avantage principal de la procédure de transaction lié à l'économie de moyens permise par la non-contestation des griefs, et pour les entreprises désireuses de contester les griefs, dans la mesure où ceux-ci sont reconnus par les autres entreprises ayant participé à l'entente.

Lorsqu'une telle perspective se dessine, le Rapporteur Général peut informer l'ensemble des entreprises de l'existence de discussions ou encore de la signature d'un procès-verbal de transaction afin d'obtenir l'adhésion de l'ensemble des entreprises mises en cause à une procédure de transaction.

Seconde phase : la discussion de l'amende devant le Collège de l'Autorité

Lors de la séance de discussion de l'affaire, l'entreprise a le droit de présenter des observations sur les critères pris en compte pour la détermination du niveau de la sanction, c'est-à-dire sur la gravité des faits, le dommage sur l'économie et les éléments d'individualisation qui lui sont propres, notamment les circonstances atténuantes, en essayant de faire en sorte que le niveau de l'amende se rapproche au plus du plancher proposé par le Rapporteur Général. Toutefois, l'entreprise doit veiller à ne pas développer d'arguments touchant à la réalité et à la qualification des pratiques au risque d'être considérée comme renonçant à la transaction et donc contestant finalement les griefs. Dans ce cas, l'affaire est renvoyée à l'instruction afin que la procédure puisse être poursuivie avec l'établissement d'un rapport et la discussion des griefs notifiés, à moins que l'affaire ne fasse l'objet d'une procédure simplifiée.>

Dans le cadre de la procédure de transaction, le Collège peut fixer l'amende dans les limites de la fourchette définie dans le procès-verbal de transaction, mais n'est pas tenu de suivre la proposition du Rapporteur Général. Si le Collège entend s'écarter du niveau de l'amende prévue par le procès-verbal de transaction, l'affaire doit être renvoyée à l'instruction pour établissement d'un rapport. De même si le Collège considère que des griefs ne sont pas fondés (ce qui sera exceptionnel, mais possible), il peut renvoyer l'affaire à l'instruction

Un renforcement de la sécurité juridique en demi-teinte

Si l'objectif affiché était celui d'offrir aux entreprises mises en cause dans le cadre d'une procédure contentieuse devant l'Autorité de la concurrence, une sécurité juridique accrue notamment en renforçant la prévisibilité du niveau d'amende encouru, à la lecture du communiqué de procédure le bilan est pour le moins nuancé. D'une part, le communiqué du 16 mai 2011 sur la méthode de détermination des sanctions pécuniaires est expressément écarté pour la détermination de l'amende potentiellement encourue, confirmant ainsi la pratique de l'Autorité de la concurrence. D'autre part, les décisions de transaction n'indiquent pas le niveau de réduction de l'amende lié à la transaction.

En définitive, la procédure de transaction réserve, même à la lecture du récent communiqué, une large part au pouvoir discrétionnaire de l'Autorité dans la fixation du montant final de l'amende. Il est donc difficile de s'appuyer sur la pratique décisionnelle pour essayer d'estimer un niveau de sanction potentiel dans un cas donné. Cette situation présente certes des risques pour les entreprises, mais peut dans une certaine mesure aussi, offrir des opportunités de négociation avec les services d'instruction

Enfin, il ne doit pas être oublié que, à la différence de la procédure d'engagement, la transaction donne lieu à une décision établissant la réalité des pratiques anticoncurrentielles contestée et la participation de l'entreprise auxdites pratiques, de telle sorte que le risque lié aux actions en réparation initiées par les victimes des pratiques reste entier. Pour tenter de réduire ce risque, à l'instar de ce qui est permis par la procédure devant la Commission européenne, les entreprises pourraient essayer d'anticiper la notification des griefs et de tenter, de manière informelle, de discuter avec le Rapporteur général d'une définition commune des griefs qu'elles s'engagent à ne pas contester dans le cadre d'une transaction afin de limiter le champ de l'infraction et, donc, les éventuelles actions indemnitaires subséquentes.

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