L'Autorité des Marchés Financiers (AMF) a fort opportunément rappelé, dans un Communiqué du 24 octobre 2018, que les sociétés qui souhaitaient mettre à jour leur Document de Référence ou, après le 21 juillet 2019 (date d'effet complet du nouveau Règlement Prospectus), utiliser celui-ci dans le cadre d'une offre au public ou cotation de titres sur un marché règlementé, devaient anticiper le passage au Document d'Enregistrement Universel.

Les textes

Même si, par bonheur, le nouveau Règlement Prospectus UE 2017/1129 du 14 juin 2017 reprend le système et la documentation mis en place par l'AMF dans son immense majorité, quelques aménagements devront être effectués par les émetteurs. C'est le cas du chapitre consacré aux facteurs de risques dont l'approche sera dorénavant sensiblement différente.

À cet égard, les articles 7 et 16 du Règlement Prospectus prévoient un certain nombre de principes qui seront complétés par un Règlement Délégué (texte de niveau 2) issu d'un Avis Technique de l'ESMA. Un second projet d'Avis Technique devrait être rendu public de manière imminente pour une version finale au plus tard le 21 janvier 2019. Cela permettra au Parlement de donner son accord ou de formuler ses commentaires. Or l'on a vu avec le texte sur PRIIPS que ce n'était pas qu'une simple formalité. Le Règlement Délégué devra être publié au plus tard (et ne le sera probablement guère avant) le 21 juillet 2019.

De surcroît, le projet d'Avis Technique renvoie expressément à des Guidelines plus détaillées (texte de Niveau 3) préparés par l'ESMA à destination (théoriquement) des autorités nationales de contrôle. Le projet de Guidelines, qui a fait l'objet d'une consultation publique lancée le 13 juillet 2018, a donné lieu à de vives critiques tant de la part des acteurs de marché que de la part de certaines autorités nationales. Nous comprenons que, de ce fait, le texte final ne sera pas public avant le 21 juillet 2019, une finalisation au cours de l'automne serait peut-être même ambitieuse.

L'approche

Dans ses conditions, quels éléments prendre en compte pour se lancer dans l'exercice périlleux du choix et de la description des facteurs de risques "nouvelle formule", dans le Document de Référence, le Prospectus de Base ou le Prospectus "stand alone"?

  • les principaux principes figurent dans le Règlement Prospectus ; ceux-là, étant d'application directe, sont impératifs;
  • les quelques compléments du Règlement Délégué, s'ils sont disponibles et d'une certitude suffisante à temps, seront utiles mais pas nécessairement déterminants sur le fond;
  • étant donné que la consultation publique sur les Guidelines a été très négative sur le texte, nous comprenons que celui-ci constitue un "worse case scenario" et que le prochain projet devrait être plus souple mais tardif. Il faudrait donc considérer ce projet plutôt comme une feuille de route indiquant les objectifs et les tendances. Ceci dit, si les émetteurs suivaient ce texte en l'état, ils ne pourraient qu'être conformes à la règlementation ;
  • enfin, notre autorité nationale devrait raisonnablement avoir une lecture prenant en considération les circonstances. Compte tenu de la nouveauté de certaines règles, de la certitude relative de leur contenu et de leur calendrier, la réelle tentative des émetteurs de se conformer au nouveau schéma et à l'esprit du texte, devrait être favorablement appréciée par l'autorité de contrôle quitte à ne pas être, pour cette année, intégralement conforme à la lettre du texte sur certains points.

Les principes

Pour mémoire, un bref rappel de quelques nouveaux principes dont les objectifs conduiront à modifier quelques habitudes:

1. Les facteurs de risque figurant dans le prospectus se limitent aux seuls risques qui sont spécifiques à l'émetteur et/ou aux valeurs mobilières et qui sont importants pour la prise d'une décision d'investissement en connaissance de cause.

A lire le Règlement, le temps où l'on suggérait que la multiplication des facteurs de risques permettait une meilleure alerte des investisseurs et constituait des éléments de protection pour les sociétés, est révolu. En même temps, il conviendra d'éviter les distorsions d'information (donc les risques) entre les documents publiés par les sociétés pour les besoins internes français mais aussi par rapport à ceux qui sont préparés pour les marchés internationaux non-européens. L'information financière adéquate devra parfois faire face à des choix cornéliens.

2. Chaque facteur de risque doit expliquer de quelle manière il affecte l'émetteur ou les valeurs mobilières.

Il ne s'agira plus de reprendre in extenso les bonnes pages du tel rapport de gestion ou de responsabilité sociale d'entreprise. Il peut effectivement être utile que soient décrits les moyens mis en œuvre pour couvrir ou réduire les risques. Mais plus importante est la prise de conscience par l'investisseur du risque résiduel spécifique concernant la société ou les titres. Y contribuera une rédaction dans un langage "concis, simple, non technique, et compréhensible par tout investisseur".

3. Les facteurs de risque sont corroborés par le contenu du prospectus (document d'enregistrement, prospectus de base, note relative aux valeurs mobilières).

La matérialité et la spécificité des facteurs de risques devraient découler des informations contenues dans le prospectus avec une présentation concordante et cohérente. C'est une raison supplémentaire pour éviter les facteurs de risques génériques que l'on retrouve à l'identique d'émetteurs en émetteurs. Toutefois, il ne semblerait pas nécessaire que l'information sous-jacentes figure expressément dans le prospectus. Les facteurs de risques peuvent être déduits d'une description générale ou d'informations incorporées par référence.

4. Les facteurs de risque sont présentés par catégories (limitées en principe à 10 au total). en fonction de leur nature, tant en ce qui concerne la société que les titres.

Activité, situation sociale et environnementale, gouvernance, ou nature des titres, sont typiquement des exemples de catégories de risques. A l'intérieur de celles-ci, aucune limite n'est imposée quant au nombre de facteurs de risques eux-mêmes. Dans certains cas, dans les programmes de titres structurés par exemple, le nombre de catégories pourra être augmenté. De même, des sous-catégories (si elles sont justifiables) pourront en faciliter la description. Pour autant, ne devraient être retenus que les facteurs de risques "importants pour la prise d'une décision d'investissement en connaissance de cause". Or ce qui peut être déterminant pour tel investisseur peut être raisonnablement peu pertinent pour tel autre.

5. L'importance des facteurs de risque doit être évaluée en fonction de la probabilité de les voir se matérialiser et de l'ampleur estimée de leur impact négatif. Les facteurs de risque les plus importants sont mentionnés en premier lieu.

Cet ordonnancement est intuitivement celui qui est adopté en pratique. Mais en faire un principe législatif renforce significativement la responsabilité issue des choix. A cet égard, bien que le Règlement prévoit qu'une échelle qualitative peut être utilisée en précisant si le risque est faible, moyen ou élevé, les textes de niveau 2 et 3 ne développent pas cette option, complexe à mettre en œuvre. Une certaine logique voudrait que la matérialité prime l'occurrence. Mais ce n'est pas une logique absolue.

6. Dans le Résumé, lorsque celui-ci est requis, le nombre de facteurs de risques relatifs à l'émetteur et aux titres est limité à 15 au total.

Pour nombre d'émetteurs, la seule section "Facteurs de Risques" du Résumé dépasse largement le nombre de pages qui sera alloué au Résumé dans son intégralité (7 pages, émetteur et titres compris). Or le Résumé ne peut contenir de renvoi à d'autres parties du prospectus et n'incorpore pas d'informations par référence.

Certes, Il doit être lu comme une introduction au prospectus et le Règlement prévoit expressément que toute décision d'investir dans les valeurs mobilières concernées doit être fondée sur un examen de l'intégralité du prospectus. D'ailleurs, aucune responsabilité civile n'est normalement attachée au Résumé.

Il n'en reste pas moins que le choix et de la pertinence des facteurs de risques est d'autant plus ardu qu'il doit conduire à donner, de manière concise, non trompeuse et compréhensible par l'investisseur, une image des informations clés sur la nature des risques relatifs à la société et aux titres.

L'exercice devra consister en une sélection restreinte de risques spécifiques que l'émetteur considère comme étant les plus pertinents pour l'investisseur lorsque celui-ci prend une décision d'investissement.

L'intention des régulateurs européens est sans doute louable: faire mieux avec moins. Mais la seule question qui compte en pratique pour les émetteurs est: est-ce qu'un investisseur pourra (raisonnablement) rechercher ma responsabilité pour défaut d'information sur les facteurs de risques "nouvelle formule".

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