Le projet de création par Facebook de Libra, monnaie numérique opérée sur une blockchain soulève de multiples questions quant à la nature de cette « monnaie », du dispositif opérationnel qui sera mis en place et de sa gouvernance. Hubert de Vauplane apporte de premiers éléments de réponse

Revue de l'article

Cet article est extrait de Revue Banque n°834

Très petites entreprises: les banques sont-elles à la hauteur ?

L'annonce par Facebook, avec ses 2,4 milliards d'utilisateurs, du lancement de Libra [1], avec l'aide et le support de plusieurs autres géants de l'internet, marque-t-elle une nouvelle phase dans le développement de l'ère digitale ? Cet évènement a fait l'objet d'une couverture médiatique sans précédent, à la hauteur de l'utilisation du média social. Entre les thuriféraires, les opposants et les sceptiques, tous pour des raisons diverses, essayons d'analyser sous un angle différent le phénomène et le passer au crible du droit et de la réglementation. Car après tout, si Libra est utilisée demain par un grand nombre de personnes, il est légitime de s'interroger sur sa qualification juridique, afin d'essayer de déterminer si elle s'apparente plus à un assignat, de l'or digitalisé, ou un nouvel actif digital. Car selon le cas, les enjeux macroéconomiques ne seront pas les mêmes.

Le choix du nom, du latin « Libra, ae », qui signifie « balance » ou « contrepoids », mais qui peut aussi signifier « libre » en une forme d'esperanto, est à cet égard significatif : le Libra sera l'outil digital qui libère les foules et les citoyens. Les libérer de quoi ? Cela reste à voir.

Quel est l'objectif du Libra ?

« La mission de Libra est de favoriser le développement d'une devise et d'une infrastructure financière mondiale simple, au service de milliards de personnes. » Plus précisément, selon le White Paper (WP), l'objectif du Libra est de « permettre au maximum de personnes d'avoir accès à des services financiers et à des capitaux bon marché ». La première page du site internet de Libra et le WP sont significatifs quant à l'objectif de créer une nouvelle valeur monétaire [2]. Facebook cible en priorité les personnes qui n'ont pas accès aux services bancaires, ce qui explique que son déploiement vise en premier lieu les pays en développement en Asie, Afrique ou Amérique latine. Selon Facebook, « les frais de transaction seront peu coûteux et transparents, même si vous envoyez de l'argent à l'étranger ». Pour cela, le réseau prévoit de créer des comptes (« wallets »), dénommés Calibra, afin de réduire les frais pour aider les utilisateurs à conserver une plus grande partie de leur argent. L'accès à ce compte nécessite de s'authentifier en utilisant son identité, mais l'objectif est de pouvoir se connecter facilement à des réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram, Uber, etc. D'où les interrogations – pour ne pas dire les réactions négatives – des régulateurs et politiques [3] sur le niveau de règles AML qui seront mises en place, car les grands réseaux sociaux ne respectent pas – ou peu – aujourd'hui les principes du GAFI, en particulier tels qu'ils viennent encore d'être modifiés en 2019 [4] et qui prévoient que les intermédiaires de crypto recueillent des informations sur tout client qui initie des transactions de plus de 1 000 $ ou 1 000 €, mais aussi que ces opérateurs de plateformes de cryptos (Virtual Asset Service Providers – VASP) recueillent des informations sur les destinataires des fonds, pour chaque transaction, afin de les transmettre au prestataire du destinataire. Toute la question sera de déterminer si le Libra rentre ou non dans le champ d'application de ces dispositions.

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