En 2018, le Ministère du travail communiquait les écarts en matière de rémunération entre les femmes et les hommes : 9% s'agissant de l'écart salarial et 25% s'agissant de l'écart sur l'ensemble de la carrière. Pourtant, sous l'égide du célèbre principe « à travail égal, salaire égal » 1, l'employeur est tenu d'assurer une égalité en matière de rémunération entre les femmes et les hommes pour autant bien évidemment que ces salariés en cause soient placés dans une situation identique.

Force est de constater que même si la négociation annuelle en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés depuis le 1er janvier 20122, l'effectivité du dispositif n'a pas été atteinte.

La persistance des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes a conduit le législateur à intervenir à nouveau en introduisant l'obligation pour l'employeur de publication des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

Article rédigé en collaboration avec Ambre Dalbès

Le législateur a ainsi franchi un nouveau pas en instaurant une obligation de résultat en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et en renforçant les moyens pour y parvenir. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel3 a mis en place une nouvelle obligation pour l'employeur : l'obligation de publication des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

  1. Rappel des obligations déjà en vigueur en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Les entreprises de plus de 50 salariés, dotées ou non de délégués syndicaux, ont l'obligation de négocier chaque année sur le thème de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Art. L. 2242-1 du Code du travail).

En cas d'échec de la négociation, l'employeur doit alors mettre en place de manière unilatérale un plan d'action annuel destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Art. L. 2242-3 du Code du travail).

(i) Quel est le contenu de l'accord collectif ou à défaut du plan d'action ?

L'accord collectif, ou à défaut le plan d'action, fixe obligatoirement :

1° Les objectifs de progression ;

2° Les actions permettant de les atteindre ;

3° Ces objectifs et actions doivent être accompagnés d'indicateurs chiffrés.

Ces objectifs et actions portent sur 9 domaines d'action contenus dans la Base de Données Economiques et Sociales (BDES) à savoir : l'embauche ; la formation ; la promotion professionnelle ; la qualification ; la classification ; les conditions de travail ; la sécurité et santé au travail ; la rémunération effective et l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale (Art. L. 2312-36, 2° du Code du travail).

Toutefois, il n'y a pas d'obligation de fixer des objectifs et actions pour chaque domaine mentionné. Pour échapper à la sanction pécuniaire (cf. ci-dessous), il suffira que l'accord collectif (ou à défaut le plan d'action) contienne au moins 3 domaines d'action mentionnés ci-dessus. Cependant, la loi exige que la rémunération effective soit comprise dans les domaines d'action retenus par l'accord collectif ou à défaut dans le plan d'action (Art. R. 2242-2 du Code du travail).

Les entreprises doivent alors, en sus de la rémunération effective, choisir au moins 2 autres domaines d'actions susmentionnés.

(ii) Quelle est la sanction encourue ?

A défaut d'accord collectif ou de plan d'action sur le thème de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les entreprises de plus de 50 salariés peuvent être sanctionnées par une pénalité financière fixée au maximum à 1% des rémunérations et gains versés aux salariés au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise ne respecte pas son obligation relative à l'égalité professionnelle (Art. L. 2242-8 du Code du travail).

  1. Une nouvelle obligation pour les entreprises : publication des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

(i) Quels sont les indicateurs à publier ?

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel impose désormais aux entreprises d'au moins 50 salariés de publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et les actions mises en Suvre pour les supprimer (Art. L. 1142-8 du Code du travail).

Le décret n°2019-15 du 9 janvier 2019 relatif aux modalités d'application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel est venu préciser les modalités et la méthodologie pour définir un niveau de résultat à atteindre. Des annexes au décret détaillent sous forme de tableaux les indicateurs et les méthodes de calcul.

Pour les entreprises entre 50 et 250 salariés, 4 indicateurs devront obligatoirement être publiés :

1° L'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d'âge et par catégorie de postes équivalents ;

2° L'écart de taux d'augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;

3° Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;

4° Le nombre de salariés du sexe-sous représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

S'agissant des entreprises de plus de 250 salariés, en sus des indicateurs mentionnés ci-dessus, elles ont l'obligation de publier un 5ème indicateur : l'écart de taux de promotion entre les femmes et les hommes.

Un nombre de points sera attribué en fonction des écarts relatifs à chaque indicateur. Chaque entreprise devra atteindre, quel que soit son effectif, au minimum le score de 75 points sur un maximum de 100 pour satisfaire à son obligation.

Le résultat obtenu en fonction de chaque indicateur devra être publié sur le site internet de l'entreprise (ou à défaut devra être transmis par tout moyen aux salariés) et transmis au Service du Ministère du travail. Ce résultat doit également être mis à disposition du Comité Social et Economique4 (dit CSE) via la BDES.

A défaut d'atteindre le score de 75 points, les entreprises concernées auront l'obligation d'intégrer à leur négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle des mesures de correction adéquates et pertinentes, le cas échéant, la programmation annuelle ou pluriannuelle de mesures financières de rattrapage salarial. L'entreprise disposera alors d'un délai de 3 ans pour se mettre en conformité (Art. L. 1142-10 du Code du travail).

(ii) Quel est le calendrier de publication des indicateurs ?

Cette nouvelle obligation est mise en place de manière progressive selon un calendrier dont les dates diffèrent en fonction de l'effectif de chaque entreprise. Ainsi, la publication des indicateurs relevant les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, se fera au plus tard :

  • le 1er mars 2019 pour les entreprises de 1000 salariés et plus ;
  • le 1er septembre 2019 pour les entreprises entre 250 et 1000 salariés ;
  • le 1er mars 2020 pour les entreprises entre 50 et 250 salariés.

Le seuil des effectifs des salariés est apprécié à la date de l'obligation de publication des indicateurs.

(iii) Quelle est la sanction encourue ?

Si les entreprises n'ont pas atteint a minima le résultat de 75 points dans son index relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, elles seront passibles d'une pénalité financière dont le montant est fixé au maximum à 1% des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité Sociale (Art. L. 1142-10 du Code du travail).

Toutefois, un nouveau délai d'un an maximum pourra être accordé à l'entreprise afin qu'elle puisse se mettre en conformité.

Cette sanction pécuniaire est identique à celle prévue à l'article L. 2242-8 du Code du travail relatif à l'absence d'accord collectif, ou à défaut de plan d'action, sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Art. L.2242-1 et Art. L.2242-3 du Code du travail). Une instruction en date du 25 janvier 2019 adressée par la Direction Générale du travail5 (DGT) précise que lorsque la sanction prévue par l'article L. 1142-10 du Code du travail est appliquée, celle prévue à l'article L.2242-8 dudit Code ne peut être appliquée à l'employeur. Toutefois, l'articulation entre ces sanctions en est autrement dans un sens opposé : il est possible d'appliquer la sanction prévue à l'articulation L.2242-8 du Code puis celle prévue à l'article L. 1142-10.

Afin d'assurer une effectivité en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, un renforcement des contrôles par les inspecteurs du travail est également prévu. En effet, le Ministère du travail a indiqué que les contrôles et interventions de l'inspection du travail passeraient de 1.730 à 7.000 par an.

  1. Des mesures d'accompagnement des entreprises

L'instruction de la DGT susmentionnée ci-dessus6 organise un accompagnement pour les entreprises afin que ces dernières parviennent à atteindre l'égalité professionnelle en matière de rémunération entre les femmes et les hommes.

  • La mise en place d'actions d'information, de sensibilisation et d'accompagnement: des informations collectives, des ateliers, des mailings ou encore des interventions dans les entreprises seront mis en place afin de rappeler les obligations qu'ont les entreprises en la matière et également de les accompagner dans leurs démarches afin de parvenir aux résultats prescrits par les textes.
  • La désignation de référents par les DIRECCTE: un ou plusieurs référents devront être désignés par les DIRECCTE afin d'accompagner les entreprises de 50 à 250 salariés pour le calcul des indicateurs et le cas échéant pour la définition des mesures adéquates et pertinentes de correction.

Dans le prolongement de l'accompagnement fait aux entreprises pour atteindre l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en matière de rémunération, le Ministère du travail a mis à disposition un tableur qui intègre toutes les formules nécessaires pour calculer les écarts de salaires entre les femmes et les hommes dans les entreprises de plus de 250 salariés et qui permet ainsi d'obtenir un index global sur la situation. Au regard du calendrier mis en place, un second tableur sera publié pour les entreprises de moins de 250 salariés.

Une seconde instruction par la DGT est attendue au cours du premier trimestre 2019 sur l'ensemble des mesures relatives à l'égalité professionnelle ainsi que sur les pénalités financières.

En conclusion, si l'obligation d'égalité professionnelle entre les femmes et hommes n'est pas nouvelle, les moyens déployés pour y parvenir sont quant à eux nouveaux et renforcés. Les entreprises n'ont désormais plus le choix et doivent maintenant sans tarder se munir des outils mis à leur disposition pour satisfaire à leurs obligations en la matière.

Footnotes

1 Arrêt "Ponsolle", Cass. soc., 29 oct. 1996, no 92-42.291

2 Cf. article intitulé Egalité femmes/hommes dans les entreprises d'au moins 50 salariés : à compter du 1er janvier 2012, l'inaction de l'entreprise pourra être sanctionnée

3 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel – Articles 104 et 105

4 ou CHSCT/Comité d'entreprise ou Délégués du personnel si le CSE n'a pas encore été mis en place. Le comité social et économique (CSE) remplace les représentants élus du personnel dans l'entreprise. Il fusionne l'ensemble des instances représentatives du personnel, délégués du personnel, comité d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

5 Instruction DGT/N°2019/03 du 25 janvier 2019 relative aux nouvelles dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes

6 Cf. note 5

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