Le 17 décembre 2018, la Commission Européenne a infligé une amende de 39 821 000 € à la société de prêt-à-porter Guess pour avoir restreint la publicité en ligne de ses distributeurs et la vente aux consommateurs situés dans d'autres Etats membres (géoblocage), violant ainsi les règles du droit de la concurrence.

Pour rappel, nous avons publié le 13 novembre dernier, un article rappelant l'entrée en application le 3 décembre 2018 du Règlement (UE) 2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique (le « Règlement »).1

Cette décision vient sanctionner l'entreprise de prêt-à-porter, notamment sur le fondement du géoblocage, seulement deux semaines après l'entrée en application des dispositions du Règlement.

En juin 2017, la Commission a ouvert une enquête sur les accords de distribution et les pratiques de la société Guess, afin de vérifier si cette dernière restreignait la vente de ses produits par ses distributeurs aux consommateurs situés dans d'autres Etats membres.

Cette enquête aboutit à une amende de près de 40 millions d'euros recouvrant plusieurs pratiques anticoncurrentielles. La décision de la Commission révèle que les accords de distribution de Guess interdisaient à ses distributeurs agréés de :

  1. utiliser les marques Guess à des fins de publicité liée aux recherches en ligne ;
  2. vendre en ligne sans autorisation de Guess, cette autorisation n'étant fondée sur aucun critère qualitatif précis ;
  3. vendre aux consommateurs situés en dehors des territoires attribués aux détaillants agréés ;
  4. procéder à des ventes croisées entre grossistes et détaillants agréés ; et
  5. décider librement du prix de vente au détail des produits Guess.

Margarethe Vestager, la Commissaire européenne à la concurrence, s'est d'ailleurs exprimée au sujet de cette décision. Elle a pointé le fait que Guess empêchait les consommateurs de l'Union Européenne de faire leurs achats dans d'autres Etats membres en bloquant les ventes transfrontalières. Guess est sanctionnée pour ce comportement et Margarethe Vestager précise que cette décision « vient compléter les règles de blocage géographique qui sont entrées en vigueur le 3 décembre 2018 », faisant référence expresse au Règlement.

En effet, afin d'éviter que les règles posées par le Règlement sur le blocage géographique ne soient détournées, les clauses restreignant les ventes passives qui pourraient être valables en droit de la concurrence sont désormais nulles de plein droit dans les situations spécifiques couvertes par le Règlement (par exemple interdiction de satisfaire aux demandes non sollicitées émanant de clients, lorsqu'une telle interdiction est fondée sur les « caractéristiques géographiques » du client).

Ainsi, les pratiques de Guess évoquées au point 3, qui restreignaient la liberté des distributeurs de réaliser des ventes passives aux consommateurs situés en dehors des territoires qui leur étaient attribués, sont désormais interdites également sur le fondement du Règlement.

Ayant coopéré avec la Commission Européenne dans le cadre de l'enquête qui était diligentée contre elle et ayant reconnu les faits et infractions qui lui étaient reprochés, Guess a bénéficié d'une réduction importante de son amende de 50%.

Cette décision rendue, les professionnels sont avertis. Ainsi, si ce n'est pas déjà fait, les entreprises doivent au plus vite se mettre en conformité avec le Règlement, non seulement en adaptant leurs sites internet de vente en ligne mais également en procédant à un réexamen et, le cas échéant, la modification, de leurs contrats de distribution !

Footnotes

1 " Geoblocking " : J-3 semaines avant l'application de l'interdiction du blocage géographique pour le commerce en ligne en Europe

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