Attractivité des banques européennes

1. Des instruments de paiement. On sait qu'avec la DSP, les instruments de paiement ont peu ou prou disparu derrière les opérations de paiement, dont le droit de l'autorisation, de l'exécution et de la contestation était au coeur de la directive. Il n'empêche, on lisait, et on continue à lire, l'article L. 133-3, II du Code monétaire et financier (CMF) comme organisant une catégorisation tripartite des opérations de paiement, selon qui les ordonne – et désormais les initie1 – reposant elle-même sur chacun des trois instruments dont on dispose communément : le virement (le payeur donne – directement, serait-on tenté d'ajouter – un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement ou « PSP »), la carte (le payeur donne un ordre de paiement par l'intermédiaire du bénéficiaire, lequel transmet l'ordre au PSP du payeur, le cas échéant par l'intermédiaire de son propre PSP), le prélèvement enfin (l'ordre de paiement est donné par le bénéficiaire ou son PSP au PSP du payeur). La chose paraît entendue, sauf que... 2. Du service d'initiation de paiement. Sauf que la DSP 2 a créé le service d'initiation de paiement (nouveau service 7), dont l'article D. 314-2, 6° du CMF nous dit, à l'instar de la définition contenue dans la directive, qu'il est « un service consistant à initier un ordre de paiement à la demande de l'utilisateur de services de paiement concernant un compte de paiement détenu auprès d'un autre prestataire de services de paiement ». Or on a volontiers tendance à faire du virement le sous-jacent de l'initiation de paiement, ne serait-ce que parce que la lecture du considérant 27 de la DSP 2 nous y invite : « Ces services [d'initiation] de paiement interviennent dans les paiements dans le cadre du commerce électronique en établissant une passerelle logicielle entre le site internet du commerçant et la plate-forme de banque en ligne du prestataire de services de paiement gestionnaire de compte du payeur en vue d'initier des paiements par l'internet sur la base d'un virement ». Mais c'est oublier que la définition du « service de virement » (l'expression est maladroite mais, enfin, elle est dans le CMF) lie précisément ce dernier à la détention du compte de paiement : « Service de virement, un service fourni par le prestataire de services de paiement qui détient le compte de paiement du payeur et consistant à créditer, sur la base d'une instruction du payeur, le compte de paiement d'un bénéficiaire par une opération ou une série d'opérations de paiement réalisées à partir du compte de paiement du payeur » (CMF, art. D. 314-2, 2°) 2. Nous voilà bien embêtés pour rattacher à une figure connue (le virement au cas présent) l'opération de paiement déclenchée par un prestataire de service d'initiation de paiement, d'autant que la DSP 2 n'est pas loin de considérer que ce nouveau service servirait peut-être davantage l'intérêt du bénéficiaire que celui du payeur 3.

3. Du virement intermédié. La catégorisation tripartite de notre Code demeure sans doute. À ceci près que, comme en chapeau du II de l'article L. 133-3, est inséré au I, par suite de la transposition de la DSP 2, cette précision qu'une opération de paiement est une action de versement, de transfert ou de retrait de fonds initiée par le payeur, « ou pour son compte », ou par le bénéficiaire. Partant, nous verrions volontiers dans le service d'initiation de paiement l'exécution d'un « virement pour le compte de », d'un « virement intermédié » en quelque sorte, comme il existe, au demeurant, aux termes du règlement (UE) 2015/847 du 20 mai 2015 sur les informations accompagnant les transferts de fonds (4e règlement antiblanchiment), des « prestataires de services de paiement intermédiaires », ces PSP qui ne le sont ni du donneur d'ordre ni du bénéficiaire. Virement intermédié qui, du coup, puiserait tout à la fois dans les règles communes aux opérations de paiement, dans les quelques dispositions spéciales au virement (et au scheme SCT correspondant) mais, aussi, dans l'article L. 133-40 du CMF, qui organise particulièrement l'accès au compte de paiement (en ligne) par le prestataire de service d'initiation de paiement. Avec cette règle spéciale, entre autres, que le payeur doit donner son « consentement explicite » à l'exécution d'un paiement ainsi intermédié (renvoi est fait à l'article L. 133-6, qui cependant n'exige pas un tel consentement qualifié), consentement qui obligera son PSP gestionnaire de compte à s'exécuter. À défaut, peut-être, de constituer un nouvel instrument de paiement4, l'initiation de paiement offre bien une figure originale du virement.

Achevé de rédiger le 18 juillet 2018.

Footnotes

1 Dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 août 2017 de transposition de la DSP 2, le II de l'article L. 133-3 du CMF dispose en effet, non plus que l'opération de paiement peut être « ordonnée » de telle ou telle manière, mais qu'elle peut être « initiée ».

2 Comp. Règl. (UE) n° 260/2012, 14 mars 2012, établissant des exigences techniques et commerciales pour les virements et prélèvements en euros, art. 2, 1) : « "virement", un service de paiement national ou transfrontalier fourni par le prestataire de services de paiement qui détient le compte de paiement d'un payeur, visant à créditer, sur la base d'une instruction donnée par le payeur, le compte de paiement d'un bénéficiaire par une opération ou une série d'opérations de paiement, réalisées à partir du compte de paiement du payeur ».

3 En ce sens, DSP 2, cons. 29 : « Ces services d'initiation de paiement permettent au prestataire de services d'initiation de paiement d'assurer au bénéficiaire que le paiement a été initié, dans le but d'inciter le bénéficiaire à livrer les biens ou fournir les services sans retard injustifié. Ces services constituent une solution à faible coût pour les commerçants comme pour les consommateurs et permettent aux consommateurs de faire des achats en ligne même s'ils ne possèdent pas de carte de paiement. »

4 Encore que rien ne s'y opposerait lorsque l'on relit la définition qu'en donne l'article L. 133-4, c) du CMF : « Un instrument de paiement s'entend, alternativement ou cumulativement, de tout dispositif personnalisé et de l'ensemble de procédures convenu entre l'utilisateur de services de paiement et le prestataire de services de paiement et utilisé pour donner un ordre de paiement. »

Originally published by Revue Banque.

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