Nous nous permettons d'attirer votre attention sur une proposition de loi votée en première lecture par l'Assemblée nationale, le 19 février 2018, et actuellement en discussion au Sénat (ci-après la « Proposition de loi ») visant à transposer la Directive n°2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites (ci-après la « Directive »).

En substance, la Proposition de loi complète le Livre 1er du Code de commerce par un Titre V aménageant un régime spécifique de la protection du secret des affaires, en précisant la définition de ce qu'est un secret d'affaires, ses détenteurs légitimes, les cas dans lesquels l'obtention, l'utilisation et la divulgation de secrets d'affaires sont illicites, les exceptions à la protection du secret des affaires, ainsi que les mesures pour prévenir et faire cesser une atteinte au secret des affaires (y compris les sanctions en cas de procédure abusive), les modalités de réparation des atteintes au secret des affaires et des mesures générales de protection du secret des affaires devant les juridictions civiles ou commerciales.

S'agissant d'abord de la définition du secret des affaires, celle-ci reprend les trois critères prévus par l'article 2 de la Directive, directement inspirés de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) : (i) une information connue par un nombre restreint de personnes, (ii) ayant une valeur commerciale en raison de son caractère secret et (iii) qui fait l'objet de mesures particulières de protection.

Dès lors qu'une information présente l'ensemble de ces caractéristiques, elle peut faire l'objet d'une protection dans les conditions prévues par le nouveau Titre V du Livre 1er du Code de commerce, indépendamment du support sur lequel elle peut être incorporée.

Sommairement, en vertu du nouvel article L. 151-3, l'obtention d'une telle information sera illicite lorsqu'elle intervient sans le consentement de son détenteur légitime et en violation d'une interdiction d'accès ou du fait d'un comportement déloyal, l'article L. 151-4 précisant les conditions dans lesquelles l'utilisation et la divulgation d'une telle information est illicite.

Toutefois, le texte prévoit un certain nombre d'exceptions, comme quand un tel comportement est légalement requis ou autorisé (notamment dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives), qu'il est intervenu pour exercer le droit à la liberté d'expression, pour révéler une activité illégale ou un « comportement répréhensible » (notamment dans la situation de « lanceurs d'alertes ») ou pour la protection d'un intérêt légitime comme la cessation d'une atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique, à la santé publique et à l'environnement (à noter également certaines exceptions dans le cadre des relations de travail).

S'agissant des sanctions en cas de comportement répréhensible, la juridiction saisie peut, sans préjudice de l'octroi de dommages et intérêts (dont les modalités de calcul sont précisées par le Projet de loi), prescrire, y compris sous astreinte, toute mesure proportionnée de nature à empêcher ou à faire cesser une atteinte à un secret des affaires, ordonner le rappel des circuits commerciaux de tout produit résultant d'une telle atteinte (ou, à la demande de l'auteur de l'atteinte et dans certaines circonstances, y substituer le versement d'une indemnité à la partie lésée), ordonner des mesures provisoires et conservatoires et toute mesure de publicité.

Cela étant, toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive peut être condamnée au paiement d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20% du montant de la demande de dommages et intérêts (ou 60.000€ en l'absence de demande de dommages et intérêts) et au paiement de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

Enfin, la Proposition de loi prévoit les conditions dans lesquelles un secret d'affaires peut faire l'objet d'une protection dans le cadre de procédures judiciaires devant les juridictions civiles ou commerciales

Le texte a été transmis au Sénat le 28 mars 2018 où il fera l'objet d'une discussion en séance publique le 18 avril prochain.

Anne-Laure-Hélène des Ylouses a publié une étude sur Le secret des affaires et le droit des ententes anticoncurrentielles. Cette étude expose les règles de fond et de procédure du droit des ententes applicable au secret des affaires.

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