Quelles tendances pour la levée de fonds en 2016 ?

2015 a été une année exceptionnelle pour le secteur du Private Equity tant en termes de levées de fonds que d'investissement. La France a été le champion européen du capital-risque, avec 1 milliard d'euros investis au travers de 159 opérations au cours du premier semestre 2015. Parallèlement, la levée de fonds en capital investissement a progressé de 52% par rapport au 1er semestre 20141. Si les chiffres du second semestre ne sont pas encore connus, celui-ci, même s'il semble avoir été moins extraordinaire que le 1er, devrait tout de même confirmer la tendance du 1er semestre.

Différents facteurs annoncent une année 2016 également très riche, notamment en nouveaux projets de fonds.

A l'International, l'appétence des investisseurs pour l'Afrique se confirme avec de nombreux projets de fonds infrastruc­tures ou de private equity. Preuve en est le succès du 5ème Forum Euromed-Capital, qui s'est tenu à Casablanca les 21 et 22 janvier dernier, et qui a réuni un très grand nombre de professionnels du secteur. Les initiatives pour accom­pagner ces investisseurs ne manquent pas. A commen­cer par le Club Afrique lancé par l'AFIC qui connait un vif engouement. Signe que l'investissement en Afrique est une tendance qui ne faiblit pas, l'« Initiative France- Banque Mondiale, pour la promotion des PPP dans les pays d'Afrique de la zone franc » se dote en ce mois de janvier d'un site d'information portant, notamment, sur le cadre juri­dique du capital-investissement dans les pays membres de l'initiative. Gageons donc que les projets de fonds africains seront nombreux cette année.

Par ailleurs, au niveau national, les récentes évolutions législatives et réglementaires intervenues fin 2015 devraient également contribuer à alimenter la créativité des acteurs de la place pour structurer de nouveau produits répondant aux attentes des investisseurs en termes de rendement notamment ou plus spécifiquement aux contraintes de cer­tains d'entre eux.

Le premier semestre 2016 devrait tout d'abord permettre de dresser un premier bilan de la Société de Libre Partenariat, nouveau véhicule destiné à doper la gestion collective française et répondre ainsi à la concurrence des fonds d'investissement d'autres pays européens. La SLP peut, à la différence des autres fonds classiquement utilisés pour le capital-investissement ou l'infrastructure, s'endet­ter. Elle réplique aussi un schéma de Limited Partnership qui est plus familier que le FPCI pour les investisseurs anglo-saxons.

Autre mesure notable dont la portée n'est pas encore connue, la possibilité offerte à certains fonds professionnels (FPCI, FPS et OT) de consentir des prêts2 aux entreprises. Cette mesure devrait permettre à des gérants de fonds (de capital-investissement, de dette infra ou corporate) comme à de nouveaux acteurs issus du monde bancaire ou de l'af­facturage notamment de diversifier leurs stratégies et paral­lèlement d'offrir aux investisseurs un rendement régulier.

Jones Day vous propose de revenir sur l'actualité juridique et fiscale de ce début d'année 2016.

ACTUALITÉS FISCALES

Les apports de la Loi de Finances Rectificative pour 2015

La Loi de Finances Rectificative pour 2015 (« LFR 2015 ») a été publiée au Journal Officiel le 30 décembre 2015.

Modification des dispositifs ISF-PME et Madelin

Le nouveau plafond des aides liées au financement des risques

Afin de prendre en compte le Règlement UE n°651/2014 du 17 juin 2014, le plafond des aides versées aux sociétés éli­gibles au titre du financement des risques (notamment au titres des dispositifs ISF-PME et Madelin) a été modifié.

Ainsi le montant total des aides versées aux sociétés éli­gibles au titre du financement des risques, fixé avant la réforme à 2.5 millions d'euros par période de 12 mois glis­sants, est porté à 15 millions d'euros par entreprise éligible, sans durée d'appréciation.

Sont prises en compte les aides en fonds propres, quasi fonds propres, prêts et/ou garanties accordés ou versés à compter du 1er janvier 2016. Parmi les aides au financement des risques prises en considération on trouve : les disposi­tifs TEPA, Madelin, Corporate Venture, etc. Un site internet dédié répertoriant les différentes aides au financement des risques devrait être mis en place le 1er juillet 2016.

Les nouvelles conditions d'éligibilité des sociétés cibles

Dans une optique de mise en conformité des dispositifs nationaux avec le Règlement européen du 17 juin 2014, la LFR 2015 a également modifié les conditions d'éligibilité des sociétés cibles aux dispositifs ISF-PME et Madelin, en rema­niant les articles 885-0 V bis et 199 terdecies-O A du Code Général des Impôts. D'ailleurs, les règles du Madelin sont désormais alignées sur l'ISF-PME.

Les sociétés cibles devront respecter, outre les conditions initiales, les conditions suivantes :

  • une condition liée à la phase économique de la cible. La société cible devra soit :
    • n'exercer son activité sur aucun marché ; ou
    • exercer son activité sur un marché depuis moins de 7 ans (10 ans pour les FCPI) après sa première vente commerciale (c'est-à-dire en principe à partir du moment où son chiffre d'affaires dépasse 250.000 euros pour la première fois, un décret doit confirmer ce chiffre) ; ou
    • avoir un besoin d'investissement en faveur du finan­cement des risques (cf. besoin en vue d'intégrer un nouveau marché géographique ou de produits) supérieur à 50% de son chiffre d'affaires annuel moyen des 5 dernières années.
  • La société n'exerce pas son activité sur un marché orga­nisé sauf « si ce marché est un système multilatéral de négociation où la majorité des instruments admis à la négociation sont émis par des [PME européennes] ». Il s'agirait a priori pour les marchés français d'Alternext et d'Alternativa, qui resteraient donc éligibles.
  • La société ne devra pas avoir une activité de promotion immobilière (construction en vue de la vente – VEFA – ou de location).

Ces modifications sont applicables en principe aux sous­criptions effectuées à compter du 1er janvier 2016 et aux fonds agréés à compter du 1er janvier 2016.

Nouveau plafonnement des frais au titre de l'ISF-PME (uniquement)

La problématique de l'encadrement des frais n'est pas récente et avait été soulevée lors des débats parlemen­taires à l'occasion de la Loi Macron à l'été 2015. La LFR 2015 plafonne les frais à un montant des versements réalisés au titre de l'ISF-PME (mais pas du Madelin).

Ce plafonnement devrait viser les frais aussi bien directs qu'indirects et notamment les frais prélevés sur les cibles. Seront ainsi concernés les frais prélevés par la holding ISF, la société de gestion et le dépositaire du FIP ou du FCPI, toute société ou personne physique exerçant une activité de gestion ou de conseil relativement au versement effec­tué par le redevable et toute société liée à ces sociétés.

Le plafond sera fixé à un pourcentage du montant des ver­sements réalisés par les redevables (incluant a priori les frais d'entrée) et ce taux, qui ne sera pas annuel mais fixera un montant absolu, sera indiqué dans un décret non encore paru à ce jour. Afin de fixer un plafond cohérent, le Trésor procède actuellement à une consultation des acteurs de la place, à travers l'AFIC et l'AFG, afin de connaitre les dif­férents frais et notamment le TFAM (taux de frais annuel moyen) facturés ces dernières années aux investisseurs.

En cas de non respect de ce plafond, les contrevenants s'exposeront à une amende fiscale de 10 fois le montant du dépassement ainsi qu'à des sanctions prononcées par l'AMF.

S'agissant de l'entrée en vigueur de cette mesure, elle concernera les FIP et FCPI agréés à compter du 1er janvier 2016 et pour les holdings et les mandats de gestions, les souscriptions dans des sociétés à compter du 1er janvier 2016.

La finalisation du dispositif de Corporate Venture

Dans le cadre du dispositif européen de limitation des aides d'Etat, la France a notifié le dispositif de Corporate Venture (article 217 octies du CGI) à la Commission européenne le 28 janvier 2015, laquelle a rendu sa décision le 5 novembre 2015 et en conséquence de laquelle l'article 217 octies du CGI a été modifié dans le cadre de la LFR 2015.

La LFR 2015 apporte les modifications suivantes au dispo­sitif du Corporate Venture :

  • La Société de Libre Partenariat (SLP) est intégrée au dispositif et permettra un investissement indirect.
  • Les critères permettant d'établir le caractère innovant d'une PME sont modifiés par un renvoi aux critères s'ap­pliquant au FCPI, ce qui marque un retour aux critères de 2013, à savoir un certain niveau de dépenses de recherches ou l'obtention du label Bpifrance.
  • Les PME investies directement par une entreprise ou indirectement via des FCPR, FPCI, SLP et SCR doivent n'exercer leur activité sur aucun marché (c'est à dire n'avoir réalisé aucune vente commerciale depuis leur création), ou exercer leur activité sur un marché, quel qu'il soit, depuis moins de 10 ans « après sa première vente commerciale » (pour rappel, il s'agirait de l'exer­cice au cours duquel le chiffre d'affaires de la société a dépassé pour la 1ère fois 250.000 euros).
  • Les sommes amortissables ne doivent pas dépasser 1% de l'actif de l'entreprise investisseuse. La LFR 2015 vient préciser que dans le cas où l'investissement est réalisé par une entreprise membre d'un groupe fiscalement intégré, le pourcentage de 1% d'actif est apprécié au niveau du groupe.
  • Les rachats de titres des PME sont plus strictement encadrés. Pour un rachat à hauteur de 100, l'investisseur a toujours une obligation de procéder à une souscrip­tion pour 100 également mais, dorénavant l'obligation de pratiquer de telles souscriptions s'apprécie (i) soit sur la durée de vie du fonds (en général 10 ans) ou (ii) soit dans les 10 ans suivant le rachat effectué par la SLP ou la SCR.
  • Afin de prendre en compte le règlement UE n°651/2014 du 17 juin 2014, le plafond des aides versées aux socié­tés éligibles est de 15 millions d'euros.

Ce dispositif entrera en vigueur à une date fixée par décret, qui interviendra dans les 6 mois de la décision de la Commission européenne du 5 novembre 2015.

La modification du PEA-PME

Un assouplissement du règime PEA-PME

Le dispositif PEA-PME a été assoupli afin de faciliter le financement des PME par ce biais. Ainsi il est dorénavant possible de loger sur un PEA-PME des obligations conver­tibles (OC) et des obligations remboursables en actions (ORA) admises aux négociations sur un marché réglementé ou organisé de certaines sociétés cotées (respectant les critères financiers et d'effectif rappelés ci-dessous).

Par ailleurs, parmi les sociétés cotées éligibles au PEA-PME certaines d'entre elles disposent désormais d'une alterna­tive pour l'appréciation des critères de chiffre d'affaires (< à 1,5 milliard d'euros), total bilan (< à 2 milliards d'euros) et d'effectif (< à 5000 personnes) qui permettent de déter­miner si une société est éligible ou non au PEA-PME. Ainsi, à coté du principe initial qui renvoie pour l'appréciation de ces critères aux règles relativement complexe de détermi­nation des critères financiers et d'effectif utilisées pour la définition de la PME européenne, il existe désormais une règle simplifiée de détermination de ces critères pour toute société cotée de moins de 1 milliard d'euros de capitalisa­tion boursière et qui n'est pas elle-même la filiale à plus de 25% d'une autre société.

Pour ces sociétés cotées on apprécie désormais les seuils financiers et d'effectifs en se limitant à prendre en compte leur comptes consolidés et ceux de leurs filiales.

Une troisième mesure a consisté à introduire la possibilité d'investir au travers d'un PEA-PME dans des FIA « ELTIF » à la condition que leur politique d'investissement prévoie un engagement d'investir 50% de leur actif d'une part dans des parts sociales, des actions ordinaires cotées ou non et dans des OC et des ORA exclusivement cotées de socié­tés respectant les critères financiers et d'effectifs rappelés ci-dessus.

Enfin, est inséré un dispositif de réemploi dans des PEA-PME visant à drainer l'argent des fonds monétaires (SICAV ou FCP monétaires ou monétaires court terme) en perte de rentabilité vers les PEA-PME. Ce dispositif de remploi permet, sous conditions, un report puis une exonération définitive à l'issue d'un délai de 5 ans de l'imposition des plus-values de cessions ou de rachats à proportion de la partie du prix versé ou des sommes distribuées réinvestie dans le PEA-PME.

La consécration des fonds de dette

La LFR 2015 a consacré la possibilité pour des FPS, des FPCI et des organismes de titrisation (OT), répondant à cer­taines conditions, d'originer des prêts.

La question se posait régulièrement de savoir si les fonds pouvaient originer de la dette. Sous l'impulsion du droit européen la situation a évolué. En effet, le règlement sur les fonds européens à long terme (ELTIF), applicable depuis le 9 décembre 2015, permet aux fonds agréés en tant qu'ELTIF de consentir des prêts à une entreprise. L'AMF a donc lancé le 22 octobre 2015 une consultation publique sur la possi­bilité pour un fonds d'investissement d'octroyer des prêts.

Avant que l'AMF n'ait publié la synthèse de cette consulta­tion publique, le gouvernement a amendé la LFR 2015 en autorisant les FPCI, FPS et OT à consentir des prêts aux entreprises, dans les conditions fixées par le règlement relatif aux fonds ELTIF lorsqu'ils sont agréés ELTIF. Ainsi, depuis le 1er janvier 2016, sous réserve de leur agrément en qualité d'ELTIF, les FPCI, FPS et OT peuvent prêter à des entreprises.

Pour les fonds qui ne sont pas agréés ELTIF, ils peuvent originer de la dette dans les conditions qui seront fixées par un décret qui devrait être publié dans les prochaines semaines.

ACTUALITÉS JURIDIQUES

Informations thématiques de l'AMF

Premiers retours sur la SLP

L'AMF a indiqué que 4 SLP lui ont été déclarées en 2015. Pour rappel, ce type de véhicule d'investissement a été créé par la Loi Macron en août 2015. Les SLP sont consti­tuées sous forme de société en commandite simple et ne font pas l'objet d'un agrément mais doivent seulement être déclarées à l'AMF au plus tard un mois après leur constitu­tion. L'AMF précise que ces 4 sociétés ont été créées par des gérants de capital investissement et d'infrastructure.

Précisions quant à la Directive OPCVM V

Dans l'optique de l'entrée en vigueur le 18 mars prochain de la directive OPCVM V, la Commission européenne a adopté le 17 décembre 2015 un acte d'exécution afin de préciser les diligences à effectuer par le dépositaire en cas d'inves­tissement du véhicule dans l'UE ainsi que sur la notion d'in­dépendance entre le dépositaire et la société de gestion.

L'acte d'exécution, qui devra être approuvé par le Parlement européen et le Conseil européen sous 3 mois de son adop­tion comporte quatre chapitres traitant (i) du contrat conclu avec le dépositaire, (ii) des fonctions du dépositaire, de ses obligations de diligence et de ségrégation ainsi que de la protection contre l'insolvabilité, (iii) des pertes d'instruments financiers et de la décharge de responsabilité et (iv) des exigences d'indépendance.

L'AMF publie un guide sur les ELTIF

L'AMF a publié un guide sous forme de questions-ré­ponses sur les fonds européens d'investissement à long terme (ELTIF). Au sujet des fonds français pouvant deman­der l'agrément ELTIF (uniquement des FIA), l'AMF précise que les organismes de titrisation (OT), les FPCI et les FPS, notamment sous forme de SLP apparaissent comme les plus compatibles avec le règlement européen. Néanmoins, elle admet que tout FIA puisse se faire agréer en tant qu'EL­TIF y compris un Autre FIA tel qu'une holding. Le guide détaille également les procédures d'agrément (avec en annexe la fiche de demande d'agrément) et d'obtention du passeport commercialisation, les actifs éligibles aux ELTIF, les obligations de diversification et les limites de concen­trations d'actifs. S'agissant de l'ouverture des fonds français agréés ELTIF aux investisseurs de détail, l'AMF précise que « le règlement général de l'AMF pourrait, à l'avenir, prévoir que les fonds professionnels spécialisés, les sociétés de libre partenariat, les fonds professionnels de capital inves­tissement et les organismes professionnels de placement collectifs immobiliers qui auront obtenu l'agrément ELTIF, soient ouverts aux investisseurs de détail dans les condi­tions prévues par le règlement ELTIF ». Pour rappel l'article 30 du règlement prévoit que sous réserve du respect de certaines conditions, un investisseur peut investir dans un ELTIF si le montant initial qu'il investit dans un ou plusieurs ELTIF est d'au moins 10.000 euros. Il restera donc à préciser ultérieurement les règles de cumul entre les dispositions applicables aux FIA français ouverts à des investisseurs professionnels et le règlement ELTIF afin de déterminer quels investisseurs de détail sont concernés.

Abandon du projet de loi « Macron 2 » sur les nouvelles opportunités économiques

Le Ministre de l'Economie avait annoncé lors d'un discours le 9 novembre 2015 les grandes lignes de son projet de loi « Macron 2 » appelé Nouvelles Opportunités Economiques (NOÉ). Dans le but de faire émerger une économie de l'innovation, il était notamment question de soutenir le capital investissement afin d'adapter la structure de finan­cement actuelle et de soutenir les start-up du numérique. Emmanuel Macron avait également émis l'idée d'un fonds de pension à la française destiné à recueillir l'épargne des français et à l'orienter vers les start-up.

Finalement, Emmanuel Macron semble avoir abandonné l'idée d'une loi à part entière et privilégie maintenant la voie « d'amendements aux lois qui sont en cours de discussion ou qui ont être discutées, et de mesures règlementaires ». Les propositions initialement contenues dans le projet de loi « Macron 2 » pourraient donc vraisemblablement être reprises lors des débats parlementaires sur les lois Lemaire « pour une économie numérique », et les futurs projets de lois portés par Michel Sapin et Myriam El Khomri.

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