ON N'EST PAS LEVÉ

- Monsieur le Premier ministre, bonjour ! Et merci d'avoir accepté notre invitation dans l'émission On n'est pas levé. Et d'abord une question : puis-je vous appeler par votre prénom, Kevin ?

- Bien entendu, mon cher Léo.

- Merci, Kevin ! Mais pas de « mon cher ». Au contraire, la question suivante est : « Puis-je te tutoyer » ? Parce que c'est la règle de l'émission, Kevin.

- Oui, je le sais et je l'accepte bien volontiers. Au début du XXIème siècle, il y avait encore un peu de formalisme – je crois qu'on appelait ça « politesse » ou « respect » – mais c'est fini, il faut vivre avec son temps.

- Parfait. Alors, Kevin, je pense qu'on va passer un bon moment ensemble en compagnie de nos internautes. On n'est pas levé est diffusé en prime time à onze heures du matin sur Internet puisque, dans ce pays de cent millions d'habitants, à peine vingt millions ont un job et tous les autres peuvent donc nous regarder en direct.

- Souvent depuis leur lit...

- Oui, d'où le titre de l'émission... Ils pourront aussi se coucher tôt parce que de toute façon, ils n'ont pas d'argent à dépenser et la télévision, ancêtre d'Internet, a disparu.

- Si tu veux me faire dire qu'on n'a pas tout essayé contre le chômage, c'est vrai.

- Je ne t'ai pas invité pour ça, parce qu' au fond ça n'intéresse personne, l'histoire nous l'a montré. Non, on va évoquer l'actualité culturelle.

- Je sens que tu vas me parler de la réédition en package numérique collector du discours de réception de Finkie à la French Academy.

- Non pas du tout ! Je vais te parler de Dalida. Nous sommes en 2057, c'est le soixante-dixième anniversaire de sa disparition. Un concert de son hologramme sera donné à la Philarmonie la semaine prochaine c'est ça l'actu ! Quelle est ta chanson préférée ?

- Gigi l'Amoroso, incontestablement, surtout dans la version remixée en synthèse vocale et réalité augmentée.

- Bien sûr, indépassable ! Et dis-moi, quand tu en as fini avec les problèmes du pays, vers 16h ou 16h30, tu te retires dans ton appartement de Matignon Mansion, qu'est-ce que tu écoutes pour te détendre ?

- Du classique, uniquement.

- Par exemple ?

- Dialogue de l'Ombre Double de Pierre Boulez

- Connais pas.

- Dans une reprise de Patrick Bruel.

- Ah oui, là je vois ! Bon, puisqu'on est sur du sérieux, que peux-tu nous dire du projet gouvernemental de reconversion du Garnier Palace en temple du hip-hop ?

- Ça avance. Nous avons choisi l'architecte qui va reconfigurer l'espace. Il a proposé un concept que l'on ne pouvait pas refuser, il l'a appelé : « le vide ».

- Le vide ?

- Oui, on garde l'extérieur, qui est d'un kitch incroyable mais plébiscité par les touristes asiatiques, et on fait le vide à l'intérieur.

- On casse tout, quoi...

- Oui.

- Eh bien, Kevin, merci ! Le vide à l'intérieur... tout un programme !

SOURCES

Jurisprudence

Marché à forfait. Absence d'indemnisation en cas de faute d'un tiers. Le Conseil d'Etat rappelle les conditions ouvrant droit à l'indemnisation du titulaire d'un marché à forfait dans le cadre des difficultés rencontrées dans son exécution. Il est en effet nécessaire que ces difficultés « trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles soient imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en Suvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ». En l'espèce, les retards rencontrés dans l'exécution du marché trouvaient leur origine dans l'allongement de la durée d'exécution imputable à des fautes commises par la maîtrise d'Suvre et un autre cocontractant. Les requérantes voient leur demande indemnitaire rejetée (CE, 6 janv. 2016, Société Eiffage Construction Alsace Franche-Comté et Campenon Bernard Franche-Comté, n° 383245).

Moyen nouveau en appel. La société Ruiz interjette appel d'un jugement du tribunal administratif de Lyon relatif à un litige l'opposant à la ville de Lyon dans le cadre du règlement d'un marché de travaux. La ville de Lyon soulève alors à l'appui de son appel incident, le moyen « tiré de ce que, faute d'en avoir inclus le montant dans son projet de décompte final, conformément aux stipulations de l'article 13.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, l'entreprise n'était recevable à réclamer au maître d'ouvrage ni l'indemnisation du préjudice lié au retard dans le démarrage du chantFier ni la révision du prix du marché ; ». La société faisait valoir dans son pourvoi en cassation que ce moyen, nouveau en appel, n'était pas recevable. Le Conseil d'Etat commence par rappeler que le défendeur de première instance peut invoquer tout moyen en appel, même ceux qu'il n'avait pas exposés devant le premier juge. Il distingue ensuite selon que le défendeur de premier instance est appelant ou intimé. Dans la première hypothèse, un moyen nouveau qui repose sur une cause juridique distincte de celle des moyens présentés en première instance ne peut être invoqué que dans le délai d'appel sauf s'il s'agit d'un moyen d'ordre public. Dans la seconde hypothèse, l'intimé peut invoquer tous les moyens sans condition de délai et ce même dans le cadre de son appel incident. L'irrecevabilité soulevée par la société n'avait donc aucune chance de prospérer car la ville de Lyon était défendeur en première instance et intimée dans le cadre de l'appel. Par ailleurs, le Conseil d'Etat profite de cet arrêt pour préciser que le moyen « nouveau » avait la « même cause juridique que son moyen en défense de première instance, tiré du caractère forfaitaire du prix du marché, dès lors que ces deux moyens sont relatifs à l'exécution d'un même contrat. » et qu'il aurait été recevable même si la ville avait interjeté appel. (CE, 16 déc. 2015, Société Ruiz, n° 373509).

Appréciation du jugement des offres par le juge administratif. La Cour administrative d'appel de Paris rappelle que le juge saisi d'un recours en contestation de validité contractuelle se limite au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation du pouvoir adjudicateur sur les mérites des offres des candidats. En l'espèce, la société Sarre et Moselle avait vu son offre rejetée dans le cadre d'un marché de prestation de services d'assurance passé par le GIP RESAH-IDF. A l'occasion de son recours contre ce marché elle se prévalait d'une erreur d'appréciation du pouvoir adjudicateur sur le sous-critère technique relatif à la qualité de gestion et des services. La Cour administrative d'appel rejette ce moyen après une brève analyse des mérites respectifs des candidats concernant ce sous-critère, illustrant par là-même la réticence constante de la juridiction administrative à se substituer au pouvoir adjudicateur en la matière et la faible chance d'un tel moyen de prospérer dans le contentieux de la commande publique. (CAA Paris, 14 déc. 2015, Société Sarre et Moselle, n° 15PA00580).

UNION EUROPÉENNE

Marché public. Le formulaire type de document unique de marché européen (DUME) est paru au Journal officiel de l'Union Européenne le vendredi 8 janvier 2015. Il s'agit d'un nouveau document prévu par les nouvelles directives marchés publics, destiné à inciter les PME à répondre aux procédures en limitant le nombre de documents à fournir. En France, Il faudra cependant attendre l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et de son décret d'application pour pouvoir l'utiliser.

Relation avec l'administration. Le décret n° 2016-7 du 5 janvier 2016 vient contribuer à préciser le principe posé par l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 selon lequel le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation (Décret n° 2016-7 du 5 janvier 2016 relatif aux exceptions à l'application du principe « silence vaut rejet »).

PRATIQUE

La Détermination Du Montant De La Redevance Pour Occupation Du Domaine Public

Les autorisations d'occupation du domaine public donnent lieu, par principe, au paiement d'une redevance en application de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Les textes se révèlent toutefois assez laconiques sur les modalités d'instauration de cette redevance et la jurisprudence a apporté des précisions utiles à ce sujet. Concernant la personne compétente pour établir une redevance d'occupation du domaine public, le Conseil d'Etat a jugé dans son arrêt Société des autoroutes Esterel-Côte d'Azur-Provence-Alpes (CE, 10 juin 2010, n° 305136) ; qu'en l'absence de réglementation, il appartenait à l'autorité chargée de la gestion du domaine public « de fixer les conditions de délivrance des permissions d'occupation et, à ce titre, de déterminer le tarif des redevances ». Cette compétence ne relève donc pas nécessairement au propriétaire du domaine public dès lors qu'il en a confié la gestion à un tiers. S'agissant du montant de cette redevance, l'article L. 2125-3 du CGPPP impose à l'autorité compétente, pour le déterminer, de prendre en compte les « avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ». A cet égard, elle devra le cas échéant justifier du mode de calcul retenu pour arrêter le montant (CE, Sect., 10 févr. 1995, Chambre syndicale du transport aérien, n°148035). Le juge administratif s'attache à rechercher l'existence d'un « juste prix ». La fixation du montant doit donc tenir compte d'éléments concrets tels que les conditions d'exploitation et de rentabilité de la concession d'occupation, ou le chiffre d'affaires qu'elle génère pour l'occupant ou encore la possibilité qu'elle lui confère de jouir de manière purement privative du domaine. La valeur locative du bien, un temps utilisé comme principal référentiel pour déterminer la redevance, n'est plus aujourd'hui qu'un indice pour l'autorité gestionnaire et elle ne saurait suffire à elle seule à déterminer le montant de la redevance.

La juridiction administrative tend à rejeter les recours des occupants contre les redevances qu'il juge excessives (CE, 1er février 2012, SA RTE EDF Transport, n° 338665 ; CAA Marseille, 26 juin 2012, société ESCOTA n° 10MA02767) et à censurer les redevances ne tenant pas compte de tous les avantages procurés à l'occupant. Ainsi, la Cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 12 juillet 2007, Ville de Lyon, n° 06LY02105) a censuré une délibération du conseil municipal de cette ville autorisant le maire à signer un avenant à la convention de partenariat passé avec l'Olympique Lyonnais qui avait pour objet de fixer la redevance d'occupation d'un complexe sportif au motif qu'elle ne tenait pas compte des recettes tirées de son utilisation telles que la vente des places et des produits dérivés aux spectateurs, la location des emplacements publicitaires et les charges que la collectivité publique supportait telles que les amortissements, l'entretien et la maintenance des équipements sportifs. Il convient également de relever que le juge administratif a jugé que « la ville de Lyon ne saurait utilement invoquer l'importance des charges d'organisation des rencontres supportées par le club, la fluctuation des recettes et des droits à reverser aux instances organisatrices des compétitions, la précarité et l'absence d'exclusivité du droit d'occupation qui justifieraient qu'un rabais soit pratiqué sur le loyer des installations » dès lors qu'elle ne produisait pas les éléments permettant d'apprécier l'adéquation du montant de la redevance et les avantages consentis au club. En pratique, la personne publique et l'occupant auront donc tout intérêt à inclure dans la convention d'occupation du domaine public tous les éléments qui leur ont permis de déterminer le montant de la redevance d'occupation. L'occupant devra notamment veiller à bien indiquer les potentielles charges qui viendraient grever les avantages qu'il retire de l'occupation du domaine public et justifieraient une minoration de sa redevance faute de quoi le juge administratif pourra censurer la décision de l'autorité gestionnaire fixant cette dernière. Le titulaire de l'occupation pourra, à l'occasion des négociations, rassurer le gestionnaire du domaine sur sa possibilité de se prévaloir de la survenance d'un fait nouveau postérieurement à la conclusion de la convention d'occupation pour modifier les conditions pécuniaires auxquelles l'occupation du domaine a été consentie (CE, 5 mai 2010, M. A., n° 301420). Laurent Bonnard

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