La loi Macron a été publiée au JO du 7 août dernier. Il est désormais possible de constituer des fonds sous forme de société de libre partenariat (SLP), voire même de transformer un fonds professionnel spécialisé ou un fonds professionnel de capital investissement existant en SLP.

Mais pourquoi choisir la SLP plutôt qu'une SAS ou un FPCI ? Comment la SLP fonctionne-t-elle ? Quelles en sont les contraintes ?

C'est un « fonds professionnel spécialisé »

Cette dénomination n'est pas nécessairement encore très familière car le fonds professionnel spécialisé est un type de fonds relativement récent. Il est issu de la fusion du FCPR contractuel et de l'OPCVM contractuel (ces deux derniers fonds ont disparu et ne peuvent plus être constitués).

La société de libre partenariat appartient à la catégorie des fonds professionnels spécialisés.

Il en ressort les conséquences suivantes :

  • La SLP peut émettre différentes catégories de parts et notamment des parts de carried interest,
  • Elle peut comporter plusieurs compartiments,
  • Elle peut être un fonds nourricier ou un fonds maître,
  • Elle est nécessairement gérée par une société de gestion de portefeuille agréée par l'AMF ou par l'autorité de contrôle d'un autre état membre de l'Union européenne, grâce au passeport gestion AIFM,
  • Elle peut être commercialisée via le passeport commercialisation AIFM au sein des états de l'Union européenne. Son prospectus qui comprend les statuts pourra être rédigé en anglais.
  • Elle compte nécessairement un dépositaire et un CAC,
  • Sa création n'est pas soumise à l'agrément de l'AMF mais à une simple déclaration,
  • Elle est réservée aux investisseurs professionnels et assimilés, ce qui comprend notamment a) les investisseurs prenant un engagement de souscription minimum de 100.000€ ainsi que b) la société de gestion, ses dirigeants et salariés, sans condition de montant minimum,
  • Les sommes distribuables par la SLP sont déterminées comme pour les fonds,
  • Elle est éligible, dans les mêmes conditions que le fonds professionnel spécialisé, aux engagements règlementés des compagnies d'assurances et autres investisseurs institutionnels.

Jusqu'ici donc, rien de bien nouveau.

En ce qui concerne les règles d'investissement, la SLP reste un outil très contractuel. Comme tout fonds professionnel spécialisé, les règles d'investissement et d'endettement sont librement définies dans les statuts.

Elle pourra donc détenir des biens immeubles (infrastructures), des meubles (objets d'art), des titres (actions, obligations, cotées ou non, droits dans d'autres fonds) et des créances (contrat de prêt). La SLP peut ainsi investir dans de très nombreuses classes d'actifs, sous réserve que sa société de gestion dispose des agréments nécessaires.

Néanmoins, si la SLP veut offrir à ses investisseurs résidents français, les avantages fiscaux du FPCI fiscal, elle devra s'engager à investir 50% au moins dans des sociétés non cotées européennes, ayant une activité industrielle et commerciale, comme indiqué ci-après.

Elle pourra aussi s'endetter. En tant que fonds, non assujetti à l'IS, la SLP n'est pas soumise aux limitations fiscales de déduction des intérêts. Mais attention si la SLP s'endette, sa société de gestion qui ne serait pas AIFM pourrait être tenue d'obtenir un agrément AIFM dès lors qu'elle gère au moins 100M€.

Mais c'est un fonds professionnel spécialisé qui prend la forme d'une société en commandite simple

La société en commandite existe en droit français sous deux formes : la société en commandite simple – cas de la SLP – et la société en commandite par actions. Cette forme est de plus en plus rare mais reste utilisée par des sociétés bien connues (Paris Orléans) y compris des sociétés cotées (Hermès, Lagardère, Michelin, Kering, Eurodisney).

Elle est aussi utilisée pour constituer des fonds. La raison en est simple : la société en commandite se caractérise par deux catégories d'associés. Les premiers, les commandités, gèrent la société, les seconds, les commanditaires, sont des associés passifs qui ne prennent pas part à la gestion. La société en commandite est donc la forme de société qui légalement reflète l'organisation traditionnelle d'un fonds géré par un GP pour le compte de LPs passifs.

Ce n'est pas un hasard si le Luxembourg a choisi la forme de la commandite pour son nouveau véhicule la « société en commandite spéciale ».

Les deux sociétés sont des sociétés commerciales par la forme mais la première émet des parts quand la seconde émet des actions.

Une gouvernance classique de fonds

La loi Macron a organisé une gouvernance adaptée au fonds puisqu'elle répond à deux impératifs : la société de gestion a tous pouvoirs sur la gestion du portefeuille et les investisseurs passifs ont une responsabilité limitée. Mais elle a du adapter les règles de la société en commandite simple pour cela.

La société de gestion a tous pouvoirs

La société en commandite simple est gérée par un ou plusieurs gérants. Le gérant a tous pouvoirs pour engager la société mais il est possible de limiter statutairement ses pouvoirs. Ainsi, il sera possible de prévoir que le gérant peut décider seul de tous les investissements mais limiter ses pouvoirs sur les plus grosses opérations par exemple.

Il apparait donc logique de confier la qualité de gérant à la société de gestion.

Toutefois, sauf disposition contraire des statuts, les gérants sont les associés commandités. Mais dès lors que les associés commandités sont des commerçants, qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales de la société, il est préférable que la société de gestion de la SLP si elle est gérante ne soit pas associé commandité. Cette qualité devrait même être incompatible avec le statut de société de gestion (fonds propres règlementaires, continuité de la gestion...). L'associé commandité sera alors une société commerciale, puisque ce dernier doit être un commerçant, constituée ad 'hoc le plus souvent, avec un capital social relativement faible compte tenu de la responsabilité associée à la qualité de commandité.

Dès lors, la gouvernance devrait s'organiser comme suit le plus souvent :

  • soit la société de gestion sera le gérant non associé de la société.
  • soit un associé commandité sera nommé gérant et confiera, via un contrat, la gestion du portefeuille de la SLP à une société de gestion. La loi précise bien que cette seule mission ne confère pas en soi la qualité de gérant à la société de gestion. Elle se verra donc confier par contrat ou par les statuts, la gestion du portefeuille de la SLP.

Les investisseurs doivent pouvoir participer à certaines décisions sans encourir le risque de voir leur responsabilité engagée au-delà de leurs apports

Les investisseurs seront des associés commanditaires. Leur responsabilité est en principe limitée à leurs apports. Ils n'ont en principe pas vocation à s'immiscer dans la gestion de la société sous peine de devoir répondre, solidairement avec les associés commandités de tout ou partie des dettes de la société.

La loi donne à titre d'exemple toute une liste d'actes qui ne constituent pas des actes de gestion et que sont donc autorisés à faire les LPs : « l'exercice des prérogatives d'associé, les avis et les conseils donnés à la société, à ses entités affiliées ou à leurs gérants ou à leurs dirigeants, les actes de contrôle et de surveillance, l'octroi de prêts, de garanties ou de sûretés ou toute autre assistance à la société ou à ses entités affiliées, ainsi que les autorisations données aux gérants dans les cas prévus par les statuts pour les actes qui excèdent leurs pouvoirs ».

Dans ce cadre, les LPs exercent les droits politiques qu'ils ont en leur qualité d'associé commanditaires. En dehors de la modification de l'objet social, des clauses d'agrément, d'inaliénabilité, de préférence, de retrait et de cession forcée ainsi que des opérations de fusion, absorption, scission, transformation et liquidation de la société, la loi n'impose pas leur consultation. Leurs pouvoirs politiques pourront donc être réduits aux seuls sujets listés par la loi. De même, les statuts déterminent librement les conditions de quorum, de vote et de consultation (convocation, délai...) et pourront même déroger au principe selon lequel les droits de vote sont proportionnels à la quotité de capital détenue.

Des règles de souscription et de cession adaptées

Les investisseurs pourront réaliser une souscription par voie d'apport en numéraire ou en nature mais pas en industrie. Les parts pourront être libérées au fur et à mesure des besoins, comme dans un fonds.

Les parts des LPs sont librement cessibles. En cas de cession alors que les parts n'ont pas été intégralement libérées, les statuts peuvent prévoir que le cédant reste tenu solidairement avec son acquéreur du montant non libéré.

La fiscalité de la SLP et de ses LPs

La fiscalité de la SLP et de ses associés, pour l'imposition de leurs bénéfices, n'est pas détaillée par la loi. Cette dernière opère un simple renvoi au régime fiscal des fonds professionnels de capital investissement : « Pour l'imposition de leurs bénéfices et celle de leurs associés, les sociétés de libre partenariat mentionnées à l' article L. 214-154 du code monétaire et financier sont assimilées à un fonds professionnel de capital investissement constitué sous la forme d'un fonds commun de placement pour l'application du présent code et de ses annexes et elles sont soumises aux mêmes obligations déclaratives que ces fonds. »

La méthode est assez originale et le raisonnement assez surprenant puisque la SLP appartient à la catégorie des fonds professionnels spécialisés. Il convient donc de se référer aux textes (CGI, BOI) applicables aux FPCI.

La SLP est donc un outil hybride : juridiquement, c'est un fonds professionnel spécialisé. Elle est donc très souple, ses caractéristiques étant principalement déterminées contractuellement. Mais fiscalement, c'est un fonds professionnel de capital investissement. Elle jouit donc d'un régime fiscal attractif puisqu'elle est transparente fiscalement (ce qui évite tout frottement fiscal au niveau de la SLP) et cela bien que constituée sous forme de société.

Les investisseurs de la SLP sont imposés selon le régime fiscal de droit commun des FPCI juridiques, à moins que la SLP ait pris l'engagement d'investir au moins 50% dans des sociétés non cotées européennes, soumises à l'IS ou à un impôt équivalent et ayant une activité commerciale ou industrielle.

Aussi, ses investisseurs français bénéficient du régime fiscal de faveur du FPCI « fiscal » à savoir, sous certaines conditions, d'une exonération des plus-values long terme pour les sociétés résidentes de France soumises à l'impôt sur les sociétés et d'une exonération d'impôt sur le revenu pour les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France.

La fiscalité des porteurs de parts de carried interest

Les porteurs de parts de carried interest émises par une SLP devraient aussi bénéficier du régime fiscal applicable aux distributions reçues au titre des parts de carried émises par des fonds professionnels de capital investissement, à savoir le régime des plus-values mobilières prévu à l'article 150-0 A du CGI pour les résidents fiscaux français. Dès lors que les conditions de cet article sont remplies, ils pourront donc bénéficier d'un abattement pour durée de détention.

Le texte est toutefois peu précis s'agissant de l'application du régime fiscal du carried interest aux SLP. Bien que cela ne soit pas expressément visé par les textes, il nous semble néanmoins qu'en toute logique, le régime fiscal du carried interest devrait être réservé aux seules parts émises par une SLP assimilable à un FPCI, à savoir une SLP qui a pour objet principal d'investir dans des titres non cotés (européens ou non). Nous attendons avec intérêt les commentaires de l'administration fiscale sur ce point.

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