Introduction

La législation canadienne en matière de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la «LRPC-FAT»), la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la «LRPCFAT») et le règlement connexe (le «Règlement») s'appliquent seulement à certaines entités. Dans certains cas, la LRPCFAT s'applique à une entité de par sa nature, par exemple, dans le cas d'une institution financière (c.-à-d. une banque, une caisse de crédit ou une compagnie d'assurance). Dans d'autres cas, la LRPCFAT s'applique à une entité parce qu'elle exécute un certain type d'activité. C'est le cas des «entreprises de services monétaires» («ESM») qui sont définies dans la LRPCFAT comme «les personnes et les entités qui se livrent aux opérations de change, ou qui exploitent une entreprise qui remet des fonds ou transmet des fonds par tout moyen ou par l'intermédiaire d'une personne, d'une entité ou d'un réseau de télévirement ou qui émet ou rachète des mandats-poste, des chèques de voyage ou d'autres titres négociables semblables, à l'exclusion des chèques libellés au nom d'une personne ou d'une entité».

Il peut être difficile de déterminer si une entité est une ESM, en particulier pour les entités de technologie financière. Les entités de technologie financière appliquent souvent des modèles d'entreprise uniques et innovateurs, de sorte qu'il peut être difficile de déterminer si elles exercent leurs activités en tant qu'ESM. Une entité qui n'établit pas correctement ce fait s'expose à des pénalités élevées : le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada («CANAFE») est particulièrement actif quant à l'imposition de pénalités administratives aux ESM. Des 79 pénalités administratives établies par CANAFE jusqu'à maintenant, la plus grande part (36) a été imposée à des ESM, à raison d'un total de 814 805 $ jusqu'à maintenant. De plus, selon le cadre national de surveillance des paiements au détail proposé par le ministère des Finances du Canada en juillet 2017, l'inscription du fournisseur de services de paiement aux termes d'un tel régime pourrait être refusée ou révoquée si ce dernier omettait de s'inscrire auprès de CANAFE en tant qu'ESM.

CANAFE publie des interprétations de politiques (les «interprétations de politiques») et d'autres directives sur ses opinions quant aux circonstances dans lesquelles une entreprise constitue une ESM. Le présent document a pour objet d'aider à déterminer dans quelles circonstances une entité est considérée comme une ESM, au moyen d'un examen et d'une analyse des interprétations de politiques et des directives fournies par CANAFE.

Le 9 juin 2018 a été publié un projet de Règlement (le «nouveau Règlement») proposant diverses modifications à chacun des règlements existants en vertu de la LRPCFAT. Le nouveau Règlement porte expressément sur une partie, mais non sur la totalité, des ambiguïtés que comportent les interprétations de politiques du CANAFE en ce qui a trait aux ESM. Nous indiquons ci-après quelles sont les questions qui ont été clarifiées par le nouveau Règlement. Nous analysons aussi les interprétations de politiques qui fournissent des directives devant s'appliquer jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau Règlement1 .

1. Qu'est-ce qu'une ESM selon CANAFE?

Le Bulletin d'interprétation de CANAFE no 1 – Critères pour « l'exploitation d'une entreprise de services monétaires » (le «Bulletin d'interprétation sur les ESM») énonce d'autres directives sur la définition susmentionnée. Le Bulletin d'interprétation sur les ESM confirme notamment, dans l'esprit de la définition juridique de la LRPCFAT, que toute entreprise qui se livre à l'un ou l'autre des trois types d'opérations suivants exerce les activités d'une ESM : 1) opérations de change; 2) remise de fonds ou transmission de fonds par tout moyen ou par l'intermédiaire d'une personne, d'une entité ou d'un réseau de télévirements; ou 3) émission ou rachat de mandats, de chèques de voyage ou de titres négociables semblables, à l'exclusion des chèques libellés au nom d'une personne ou d'une entité. En ce qui a trait à la deuxième catégorie, CANAFE précise qu'un système parallèle de remise de fonds, tel que Hawala, Hundi et Chitti, constitue une ESM.

Dans le Bulletin d'interprétation sur les ESM, le CANAFE précise aussi qu'une entreprise se livrant à l'une ou l'autre des activités suivantes est considérée comme une ESM :

  • offrir des services de transfert de fonds, peu importe le montant;
  • émettre ou racheter des mandats, des chèques de voyage ou d'autres instruments négociables de même nature de plus de 1 000 $ au cours de la même opération pour la même personne ou entité (« au cours de la même opération » signifie deux opérations ou plus de rachat de mandats, de chèques de voyage de titres négociables semblables de moins de 1 000 $ chacune, effectuées au cours d'une période de 24 heures consécutives et totalisant 1 000 $ ou plus);
  • effectuer des opérations de change pour des montants de plus de 1 000 $ au cours de la même opération avec la même personne ou entité (« au cours de la même opération » signifie deux opérations de change ou plus de moins de 1 000 $ chacune, effectuées au cours d'une période de 24 heures consécutives et totalisant 1 000 $ ou plus);
  • publiciser le fait que l'entreprise se livre à l'une ou l'autre des opérations d'une entreprise de services monétaires ci-dessus (par l'entremise de journaux, de la télévision, des pages jaunes, d'Internet et d'autres médias ou avec une enseigne extérieure ou intérieure);
  • détenir un permis ou une licence pour effectuer l'une ou l'autre des opérations d'une entreprise de services monétaires ci-dessus;
  • être enregistrée à titre d'entité qui effectue l'une ou l'autre des opérations d'une entreprise de services monétaires ci-dessus; et
  • déclarer, aux fins de l'impôt, les revenus tirés de l'une ou l'autre des opérations d'une entreprise de services monétaires ci-dessus comme provenant d'une entreprise distincte.

2. Qu'est-ce qui n'est pas une ESM selon CANAFE?

Le Bulletin d'interprétation sur les ESM précise quelles sont les activités qui, de l'avis de CANAFE, ne constituent pas des activités liées à l'exploitation d'une ESM, par exemple :

  • effectuer les opérations d'une entreprise de services monétaires uniquement à titre d'agent ou de mandataire pour une autre entreprise de services monétaires; ou
  • effectuer les opérations d'une entreprise de services monétaires pour lesquelles l'entité est déjà assujettie à la LRPCFAT et au Règlement.

3. Activités auparavant ambiguës qui sont clarifiées par le nouveau Règlement

Le nouveau Règlement dissipe les ambiguïtés quant à l'application des exigences en matière d'ESM aux courtiers en monnaie virtuelle et aux ESM étrangères.

Voici un résumé de la situation actuelle dans chacun de ces domaines et des changements qui entreront en vigueur avec le nouveau Règlement.

Courtiers en monnaie virtuelle

Le nouveau Règlement définit la « monnaie virtuelle » comme « de la monnaie numérique qui n'est pas une monnaie fiduciaire et qui peut être facilement échangée contre des fonds ou contre une autre monnaie virtuelle qui peut être facilement échangée contre des fonds » ou « des renseignements permettant à une personne ou entité d'avoir accès à une telle monnaie numérique », par exemple, l'accès à la clé privée d'une cryptomonnaie. Toutefois, le nouveau Règlement prévoit une exonération relative « au transfert ou à la réception de monnaie virtuelle à titre de compensation pour la validation d'une opération inscrite dans un registre distribué ou à l'échange, au transfert ou à la réception d'une somme symbolique en monnaie virtuelle visant uniquement à valider une autre opération ou un transfert de renseignements », par exemple, une rétribution pour le minage de cryptomonnaies. Un « registre distribué » s'entend d'« un registre numérique, tenu par plusieurs personnes ou entités, pouvant uniquement être modifié par consensus entre celles-ci ».

Les personnes qui font le commerce de monnaie virtuelle, notamment celles qui offrent des services d'échange de monnaie virtuelle (soit d'une monnaie virtuelle contre des fonds ou d'une monnaie virtuelle contre une autre) et des services de transfert de valeurs, devront s'inscrire auprès de CANAFE en tant qu'ESM et avoir établi un programme de conformité complet de LRPC-FAT qui comprend la participation d'un agent principal de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité, des politiques et procédures de LRPC-FAT, un programme de formation, ainsi qu'une évaluation indépendante dudit programme de conformité, comme il est décrit ci-après dans notre analyse des conséquences du statut d'ESM.

Lorsque le nouveau Règlement entrera en vigueur, le commerce de monnaie virtuelle figurera dans la liste des activités qui font d'une entreprise une ESM. Entre-temps, les interprétations de politiques donnent accès à certaines des directives de CANAFE en ce qui concerne le traitement des courtiers en monnaie virtuelle.

Selon les interprétations de politiques de CANAFE, une entreprise qui exécute l'une ou l'autre des activités d'ESM susmentionnées (opération de change, transfert de fonds ou émission ou rachat de titres négociables) pour des clients au moyen de monnaies virtuelles doit s'inscrire auprès de CANAFE en tant qu'ESM, avant même l'entrée en vigueur du nouveau Règlement

Il est important de noter qu'une monnaie virtuelle, même si elle comprend le terme «monnaie», n'est pas considérée comme une monnaie lorsque l'on détermine si une entreprise se livre à des opérations de change. Par conséquent, une entreprise qui échange des dollars canadiens contre des bitcoins n'est pas réputée échanger un type de monnaie contre un autre (c.-à-d. se livrer à des opérations de change). Cette entreprise peut néanmoins répondre à la définition d'ESM. Par exemple, CANAFE considère que les activités et les modèles d'entreprise suivants constituent des ESM :

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Footnote

1. Le nouveau Règlement pouvait faire l'objet de commentaires jusqu'au 7 septembre 2018 et entrera en vigueur 12 mois après son enregistrement.

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