Le projet de loi C-86, intitulé Loi no 2 d'exécution du budget de 2018 (la « Loi »), a reçu la sanction royale le 13 décembre 2018. La Loi apporte d'importants changements touchant les milieux de travail de réglementation fédérale assujettis au Code canadien du travail, dont la plupart entreront en vigueur de manière échelonnée en 2019. Voici un aperçu général des principales modifications apportées par la Loi et de leurs dates de mise en Suvre :

Périodes de repos [entrée en vigueur le 1er septembre 2019]

Chaque employé aura droit à :

  • une pause non rémunérée d'au moins 30 minutes durant chaque période de 5 heures de travail consécutives. Si l'employé est tenu de rester à la disposition de l'employeur pendant sa pause, celle-ci sera rémunérée;
  • une période de repos d'une durée minimale de 8 heures consécutives entre chaque quart de travail, sauf dans les situations d'urgence (il n'y a toutefois aucune disposition concernant les quarts fractionnés ou la possibilité pour l'employeur et l'employé de convenir d'autres conditions);
  • toute pause non rémunérée qui lui est nécessaire pour des raisons médicales ou pour allaiter ou extraire le lait. Dans le cas des pauses pour raisons médicales, l'employeur pourra demander par écrit à l'employé de lui remettre un certificat délivré par un professionnel de la santé.

Congés

Congé personnel [entrée en vigueur à déterminer]

Le congé pour obligations familiales sera remplacé par un congé personnel de 5 jours, les 3 premiers jours du congé étant payés si l'employé travaille pour l'employeur sans interruption depuis trois mois. L'employé aura droit à ce congé pour les raisons suivantes :

  • soigner sa maladie ou sa blessure;
  • s'acquitter d'obligations relatives à la santé de tout membre de sa famille ou aux soins à lui fournir;
  • s'acquitter d'obligations relatives à l'éducation de tout membre de sa famille qui est âgé de moins de dix-huit ans;
  • gérer toute situation urgente le concernant ou concernant un membre de sa famille;
  • assister à sa cérémonie de la citoyenneté sous le régime de la Loi sur la citoyenneté;
  • gérer toute autre situation prévue par règlement.

Congé pour raisons médicales [entrée en vigueur le 1er septembre 2019]

Les dispositions actuelles sur les congés de maladie seront regroupées sous l'intitulé « Congé pour raisons médicales » et engloberont les dons d'organe et les rendez-vous médicaux pendant les heures de travail.

Dans le cas où l'employé prend un congé pour raisons médicales d'au moins 3 jours, l'employeur peut exiger qu'il lui présente un certificat délivré par un professionnel de la santé « attestant qu'il était incapable de travailler pendant son absence ».

Victimes de violence familiale [entrée en vigueur à déterminer]

Les 5 premiers jours de congé pour les victimes de violence familiale seront désormais payés à l'employé qui aura travaillé sans interruption depuis 3 mois.

Congé pour fonctions judiciaires [entrée en vigueur le 1er septembre 2019]

Les employés auront droit à un congé sans solde pour participer à une procédure judiciaire à titre de témoin, de juré ou de candidat à un processus de sélection des jurés, sans aucune restriction quant à la durée ou à la fréquence de ce congé.

Autres congés [entrée en vigueur le 1er septembre 2019]

Les employés ne seront plus tenus d'avoir travaillé sans interruption pendant 6 mois pour avoir droit au congé de maternité, au congé parental, au congé en cas de maladie grave et au congé en cas de décès ou de disparition.

Indemnités de congé annuel et de congé [entrée en vigueur le 1er septembre 2019]

Indemnité de congé annuel

Le droit à congé annuel sera modifié à la hausse comme suit :

Années de service consécutives

Droit à congé annuel

1 an

2 semaines (ou 4 % du salaire gagné)

5 ans

3 semaines (or 6 % du salaire gagné)

10 ans

4 semaines (or 8 % du salaire gagné)

Indemnité de congé

L'exclusion actuelle d'indemnités générales pour jours fériés pour les jours fériés qui tombent lors des 30 premiers jours de service d'un employé sera supprimée. L'indemnité de congé doit correspondre à au moins 1/20 du salaire gagné durant les 4 semaines de service précédant la semaine comprenant le jour férié (compte non tenu des heures supplémentaires).

Préavis de l'horaire de travail [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil]

L'employeur sera tenu de fournir à l'employé son horaire de travail par écrit au moins 96 heures avant le début de son premier quart de travail ou de sa première période de travail prévu à l'horaire. Si le préavis est de moins de 96 heures, l'employé aura le droit de refuser de travailler le quart de travail ou la période de travail prévu à son horaire qui débute dans les 96 heures suivant le moment où l'employeur le lui a fourni.

L'employeur pourra toutefois fournir un préavis de moins de 96 heures dans une situation d'urgence, si une convention collective prévoit d'autres dispositions ou lorsque l'employé demande une modification de l'horaire aux termes d'un « assouplissement des conditions d'emploi » (conformément au projet de loi C-63).

Cessation d'emploi

Licenciements collectifs [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil, mais pas avant le 1er septembre 2019]

En plus de l'actuelle obligation d'aviser le ministre de tout licenciement collectif au moins 16 semaines avant la date du premier licenciement prévu, la Loi imposera l'exigence d'aviser tous les employés licenciés, que le Code définit comme des « surnuméraires ». Ces employés auront alors droit soit à un préavis écrit d'au moins 8 semaines, soit à une indemnité y tenant lieu, soit à une combinaison des deux.

L'employeur devra aussi donner aux surnuméraires licenciés un bulletin indiquant les prestations auxquelles ils ont droit, notamment au titre du salaire et des indemnités de congé annuel et de départ.

Périodes de préavis [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil]

La période de préavis actuelle sera remplacée par le système progressif suivant :

Exigences de service minimales

Période de préavis

3 mois de service continu

2 semaines

3 ans de service continu

3 semaines

4 ans de service continu

4 semaines

5 ans de service continu

5 semaines

6 ans de service continu

6 semaines

7 ans de service continu

7 semaines

8 ans de service continu

8 semaines

L'employeur devra aussi donner aux employés licenciés un bulletin indiquant les prestations auxquelles ils ont droit, notamment à titre de salaire et d'indemnités de congé annuel et de départ.

Congédiement injuste [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil, mais pas avant le 1er septembre 2019]

La Loi modifiera le mécanisme de plainte concernant un congédiement injuste aux termes du Code afin d'autoriser le rejet sommaire des plaintes déposées auprès du Conseil canadien des relations industrielles (« CCRI »). Les inspecteurs du Programme du travail fédéral pourront aussi considérer qu'une plainte a été retirée si le plaignant n'a pas soumis une affaire en suspens à la décision du CCRI après la réception de l'avis du Programme du travail.

Le CCRI aura en outre le pouvoir de suspendre l'examen d'une plainte s'il est convaincu que le plaignant doit prendre des mesures additionnelles, ou de rejeter carrément la plainte, si :

  • la plainte ne relève pas de sa compétence;
  • la plainte est futile, vexatoire ou entachée de mauvaise foi;
  • la plainte a fait l'objet d'un règlement écrit entre l'employeur et le plaignant;
  • le plaignant dispose d'autres moyens de régler l'objet de la plainte et devrait faire appel à ces moyens;
  • l'objet de la plainte a été instruit comme il se doit dans le cadre d'une autre procédure; ou
  • l'examen de la plainte a été suspendu précédemment par le CCRI et que celui-ci est d'avis que les mesures précisées dans l'avis à l'employé n'ont pas été prises dans le délai qui y est précisé.

Égalité de traitement [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil, mais pas avant le 1er septembre 2019]

Aucun employé (y compris à temps partiel, occasionnel, contractuel ou saisonnier) ne peut toucher une rémunération inférieure à celle d'un employé à plein temps accomplissant le même travail. Cette règle s'applique sauf si des raisons objectives, telles que l'ancienneté ou le mérite, justifient un taux de salaire différent.

Les employés auront le droit de demander une révision de leur salaire. L'employeur devra alors leur donner une réponse écrite indiquant soit qu'il augmente le taux de salaire pour le rendre conforme à ces exigences, soit justifiant la différence salariale.

Agences de placement temporaire [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil, avec certaines restrictions]

Les agences de placement temporaire seront assujetties à un certain nombre d'interdictions, similaires à celles que l'on retrouve dans plusieurs lois sur les normes du travail provinciales. Il leur sera notamment interdit d'imposer certains frais et d'empêcher ou de tenter d'empêcher l'établissement d'une relation d'emploi entre leurs employés et les clients.

Les agences de placement temporaire devront aussi se conformer au principe de l'égalité de traitement de leurs employés et il leur sera interdit de payer leurs employés à un taux de salaire inférieur à celui auquel sont payés les employés des clients qui exécutent le même travail, sauf si des raisons objectives, telles que l'ancienneté ou le mérite, justifient un taux de salaire différent.

Les employés de ces agences auront le droit de demander une révision de leur salaire et l'agence sera tenu de leur fournir une réponse.

Santé et sécurité au travail [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil, mais pas avant le 1er septembre 2019]

La Loi modifiera la Partie II, Santé et sécurité au travail, du Code canadien du travail et augmentera les pouvoirs du chef de la conformité et de l'application au sein du ministère. Dans certains cas, le chef sera responsable des décisions concernant la sécurité au travail qui appartenaient avant au ministre. Autrement, la décision et la détermination pourront appartenir soit au chef, soit au ministre.

Prestation parentale partagée [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil]

La Loi modifiera aussi la Loi sur l'assurance-emploi pour encourager les familles comptant deux parents à partager le congé parental, en leur accordant une nouvelle prestation parentale partagée qui offre des semaines supplémentaires de prestations lorsque les deux parents partagent les prestations parentales.

La nouvelle prestation parentale partagée ne sera accordée qu'aux parents d'enfants nés ou placés chez eux en vue de leur adoption à la date d'entrée en vigueur de la Loi ou après.

Équité salariale – employeurs de réglementation fédérale [entrée en vigueur le ou les jours fixés par décret du gouverneur en conseil]

Un nouveau cadre d'équité salariale sera introduit pour les employeurs de réglementation fédérale comptant plus de 10 employés.

Plan d'équité salariale

Les employeurs comptant au moins 10 employés devront établir et mettre en Suvre un plan d'équité salariale dans un délai de trois ans.

Généralement, les employeurs comptant au moins 10 employés syndiqués ou au moins 100 employés non syndiqués devront constituer un comité d'équité salariale et satisfaire à certaines exigences législatives. Ces obligations pourront différer selon le nombre d'employés et si le milieu de travail est syndiqué ou non.

Notamment, l'employeur ou le comité devra identifier les catégories d'emploi des postes occupés par les employés visés par le plan et solliciter les commentaires de ces derniers sur le plan proposé. Une fois le plan adopté, il devra être revu tous les 5 ans afin d'y déceler toute lacune pouvant être apparue.

Les employeurs devront aussi fournir une déclaration annuelle au Commissaire à l'équité salariale et conserver certains documents liés au plan, y compris ses mises à jour.

Commissaire à l'équité salariale

La Loi créera un nouveau rôle de surveillance de sa mise en Suvre et de son respect, celui du Commissaire à l'équité salariale, qui jouira aussi du pouvoir de procéder à des évaluations de conformité ou à des enquêtes, ou d'en ordonner, au besoin.

La Loi établit en outre un mécanisme de règlement des différends autorisant le dépôt des demandes ou des plaintes auprès du Commissaire, qui doit tenter d'aider les parties à régler la question pour en arriver à un règlement ou statuer sur toute question qui, à son avis, ne se prête pas à un règlement ou ne pourra être réglée par les parties. Dans certains cas, le Commissaire pourra rejeter une question faisant l'objet d'un différend ou la renvoyer au Tribunal canadien des droits de la personne pour que celui-ci se prononce.

Loi canadienne sur les droits de la personne

Le rôle du Commissaire et tous les différends soulevés par la Loi seront ajoutés aux responsabilités de la Commission canadienne des droits de la personne.

Le « Commissaire à l'équité salariale » sera ajouté aux membres de la Commission canadienne des droits de la personne et une « Unité de l'équité salariale » sera formée au sein de la Commission. De plus, une « section de l'équité salariale » sera constituée pour traiter les plaintes dénonçant la perpétration d'actes discriminatoires liés à l'égalité des salaires.

Autres modifications touchant les milieux de travail de réglementation fédérale

Parmi les autres modifications, notons :

  • le passage de l'âge minimum d'admission à l'emploi de 17 à 18 ans [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil];
  • l'obligation pour l'employeur de fournir dans le délai prescrit aux employés les documents d'information, rendus disponibles par le ministre, sur les droits et les obligations des employeurs et des employés [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil];
  • l'obligation pour l'employeur de remettre dans le délai prescrit à l'employé une « déclaration d'emploi écrite indiquant les renseignements relatifs à son emploi qui sont prévus par règlement» ainsi que toute mise à jour de celle-ci [entrée en vigueur le jour fixé par décret du gouverneur en conseil];
  • un changement concernant les demandes de documents médicaux à l'appui de congés, qui autorise l'employeur à exiger des certificats délivrés par une catégorie plus vaste de « professionnels de la santé » [entrée en vigueur le 1er septembre 2019].

Si vous avez des questions ou besoin d'un complément d'information sur les changements susmentionnés, n'hésitez pas à communiquer avec l'un des membres de notre groupe du droit du travail et de l'emploi.

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