Vous nous avez probablement entendu depuis longtemps vous suggérer d'éviter de déposer des demandes de brevet au nom de plus d'un demandeur. L'histoire qui suit illustre exactement ce propos.

Pour ceux d'entre vous qui Suvrez dans le domaine des sciences de la vie, vous connaissez probablement déjà la technologie « CRISPR », cette technologie qui a été brevetée et qui permet une insertion dirigée d'acides nucléiques, permettant ainsi de modifier de manière précise une information génétique ou de corriger cette dernière. La technologie CRISPR a fait l'objet de plusieurs débats aux États-Unis et en Europe devant les différentes cours de justice, cette technologie étant un outil très important dans le développement futur de la génétique.

Pour beaucoup de brevets portant sur des outils de recherches, ces derniers sont souvent contestés en cour. Ces outils étant essentiels, plusieurs parties intéressées ne voudraient pas voir de tels outils brevetés et donc pour lesquels une exclusivité existerait, et qui pourrait potentiellement limiter la disponibilité de cet outil. Pensons par exemple à la technologie du PCR dans les années 90. On se souviendra que le brevet sur cette méthode d'amplification d'acide nucléique avait été révoqué aux États-Unis suite à l'opposition de plusieurs parties.

La technologie CRISPR ne fait pas exception à la règle, et suivant l'obtention de brevet sur cette technologie, plusieurs parties se sont liguées pour s'opposer à ces brevets. Particulièrement, en Europe, le brevet européen a fait l'objet d'une opposition par neuf différentes parties. Deux de ces dernières alléguaient comme premier motif pour invalider le brevet, que la demande de priorité n'était pas valide du fait que la demande internationale (PCT) ne désignait pas les mêmes demandeurs que chacune des demandes prioritaires sur laquelle la demande internationale revendiquait priorité. L'Office européen des brevets applique de manière stricte certaines provisions de la Convention de Paris (convention internationale ratifiée par 177 pays) qui spécifient que pour qu'une priorité soit validement revendiquée, les demandeurs de la seconde demande, en l'occurrence, la demande internationale, soient les mêmes que ceux de la demande originale, en l'occurrence la demande prioritaire, ou qu'il y ait une succession de titre établie avant la date de dépôt de la seconde demande. En bref, des cessions signées après le dépôt de la demande PCT ne permettraient pas de corriger le problème. En fait, une partie du problème dans le brevet portant sur CRISPR provient du fait que les demandes prioritaires désignaient différentes entités et que seules certaines de ces entités se sont retrouvées sur la demande PCT.

Cette décision de l'Office européen des brevets met en lumière l'importance d'obtenir les documents de cession signés avant le dépôt d'une demande internationale qui revendique priorité sur une demande antérieure. Le tout afin de s'assurer qu'une chaîne de titre complète a bel et bien été exécutée avant le dépôt de la demande internationale. De plus, cette décision met également en lumière les difficultés qui peuvent être rencontrées lorsqu'une demande de brevet est déposée au nom de plusieurs co-demandeurs, les dispositions européennes en matière de brevets étant différentes des dispositions nord-américaines, il est parfois difficile à concilier les deux.

« Le problème a été causé par une différence entre a pratique européenne et la pratique nord-américaine »

Dans le cas de la technologie CRISPR, l'une des demandes de priorité était déposée au nom de deux entités alors qu'au moment du dépôt de la demande internationale revendiquant priorité sur cette demande provisoire, seulement un des déposants a été nommé, du fait que la matière inventée par le second demandeur identifié dans la demande provisoire n'était pas revendiqué dans la demande PCT. D'un point de vue de pratique nord-américaine, ce principe nous semble logique. Toutefois, d'un point de vue de la pratique européenne, il aurait fort probablement fallu obtenir une cession de l'entité qui n'était pas nommée dans la demande internationale, avant le dépôt de cette dernière afin de prévenir une telle situation.

« Là où le vin tourne au vinaigre »

Les discussions étant à couteaux tirés entre les deux entités du fait qu'une des deux entités n'était pas nommée comme codemandeur sur la demande internationale, il est fort à parier qu'il aurait été difficile d'obtenir la cession nécessaire dûment signée. Ainsi donc, la situation à ce moment-ci semble être sans issue à ce jour.

« ... et pour la suite »

Toutefois, comme vous pourrez vous en douter, un appel a maintenant été logé à l'encontre de la décision rendu par l'Office européen des brevets. À ce stade-ci, chacune des parties croit en la légitimité de leur dossier et leur possibilité de succès, ce qui fait qu'il serait bien prétentieux de croire pouvoir prédire l'issue d'un appel à venir. Nous vous tiendrons bien entendu au fait des développements au fur et à mesure qu'ils surviendront. De même, ceci ne représente qu'un premier développement s'opérant sur le continent européen. Toutefois, tel que mentionné précédemment, de nombreux autres recours ont été entrepris entres autres aux États-Unis pour tenter d'invalider les brevets sur cette technologie. Ainsi donc, d'autres développements sont également à venir pour ce qui est des brevets couvrant cette technologie dans le monde.

« la leçon de cette histoire »

Si nous ne devions retenir qu'une leçon de cette décision, cette dernière serait de correctement désigner les inventeurs sur une demande de brevet, et idéalement de négocier avec les différentes entités afin de tenter de déposer la demande de brevet au nom d'un seul et unique demandeur, ayant des ententes sous-jacentes avec les autres entités. Ce faisant, nombre de problèmes peuvent être ainsi évités.


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