Dans l'arrêt AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc. 2017 CSC 36, la Cour suprême a limité considérablement la capacité de contester le monopole d'un brevet au motif d'une promesse non fondée inscrite dans la demande de brevet que l'objet revendiqué du brevet procurera une utilité particulière (c.-à-d. « les sels optiquement purs » qui donneront « un profil thérapeutique amélioré »). Ce type de contestation s'appelait la « doctrine de la promesse du brevet ». Cette doctrine exigeait une analyse de la description et de ses revendications indépendante de l'interprétation téléologique des revendications pour déterminer la nouveauté et l'évidence. La Cour suprême a statué que la « doctrine de la promesse du brevet » est une mauvaise approche à utiliser lorsqu'il s'agit de déterminer l'invalidité d'un brevet au motif de l'absence d'utilité.

Dans l'affaire AstraZeneca, le juge de première instance a statué que le « profil thérapeutique amélioré » n'était pas un élément essentiel des revendications portant sur la substance « optiquement pure ». Par conséquent, selon la Cour suprême, il était erroné d'invalider les revendications parce que le profil amélioré « promis » dans la demande de brevet n'avait pas été suffisamment démontré ou valablement prédit. À l'avenir, il semble que les revendications fondées sur l'interprétation téléologique constitueront le seul fondement sur lequel l'utilité (ainsi que la nouveauté et l'évidence) d'une invention sera jugée.

Plus particulièrement, dans son interprétation des revendications1 aux fins de l'évidence, le juge Rennie, juge de première instance à l'époque, avait conclu que les qualités améliorées de la substance « optiquement pure » brevetée ne faisaient pas partie du « concept inventif » des revendications. Les revendications étaient suffisamment précises quant au degré de pureté optique pour considérer l'activité inventive des revendications uniquement sur cette base. Il n'était pas nécessaire d'avoir recours à la mention de « l'effet thérapeutique » contenue dans le descriptif pour comprendre le sens des revendications. Le juge de première instance a conclu qu'il n'aurait pas été évident pour une personne versée dans l'art de faire la différence entre la substance revendiquée, l'ésoméprazole, optiquement pure à 99,8 % revendiquée et la substance connue, soit l'oméprazole, en se fondant sur ses connaissances générales courantes et sur l'antériorité.

Nous pouvons présumer que, si le juge de première instance avait statué que la mention du « profil thérapeutique amélioré » de la substance « optiquement pure » était un élément essentiel de l'invention ainsi que revendiqué, l'issue aurait peut-être été différente.

La doctrine de la promesse du brevet était le plus souvent appliquée dans les affaires pharmaceutiques dans lesquelles les demandes de brevet portant sur des versions améliorées de médicaments existants sont déposées peu de temps après les essais préliminaires in vitro ou sur des animaux, mais avant leur essai sur des humains. Toutefois cette doctrine avait commencé à s'infiltrer dans l'analyse de brevets d'inventions mécaniques2, où des personnes versées dans l'art sont bien plus en mesure de comprendre l'utilité de l'invention en fonction du descriptif d'une machine ou d'un appareil qui décrit l'invention, sans qu'une mention explicite de l'utilité de cette dernière soit nécessaire.

Dans l'arrêt AstraZeneca, la Cour suprême précise une fois de plus que l'utilité d'une invention doit être jugée en fonction de l'invention telle que revendiquée, le libellé étant interprété de la manière qu'une personne versée dans l'art les comprendrait à la lumière de l'ensemble du descriptif3 et non en fonction de « phrases orphelines » dans le descriptif du brevet qui renferme la promesse de certains avantages de l'invention. Néanmoins, les titulaires de brevets devraient se montrer prudents et ne pas ajouter plus d'information que ce qui est nécessaire dans leur demande de brevet relativement à ce que leurs machines brevetées seront capables de faire, et ce, afin d'éviter que leurs revendications soient déclarées invalides ultérieurement. L'invalidité peut être causée soit par des promesses excessives faisant en sorte que les revendications telles que libellées soient plus vastes que l'invention qui a été divulguée dans la demande4, soit par le fait que la demande de brevet est jugée contenir des déclarations faites pour induire en erreur.5

Footnotes

1  AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc. 2014 CF 638, aux par. 264 à 275

2  Eurocopter c. Bell Helicopter Textron Canada,  2013 CAF 219, aux par. 146 et 155

3Whirlpool c. Camco  [2000] 2 R.C.S. 1067, au par. 49; Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, au par. 521; Canada (Procureur général) c. Amazon.com, Inc. 2011 CAF 328, aux par. 37 à 47

Farbewerke Hoechst A/G v. Canada Commissioner of Patents,  [1966] Ex. C.R. 91 conf. par [1966] R.C.S. 604, au par. 20

5 Voir le paragraphe 53(1) de la Loi sur les brevets.

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