Dans plusieurs provinces canadiennes, le législateur a prévu une définition précise du licenciement collectif. De façon générale, constituera un licenciement collectif tout licenciement touchant un nombre de salariés déterminé par la législation applicable, et ce, à l'intérieur d'une période donnée également déterminée par la loi. Cette situation entraîne d'importantes obligations pour l'employeur, notamment celle de fournir un avis de licenciement collectif ou, à défaut de se faire, payer une indemnité équivalente à l'avis.

Cet avis, varie selon la législation applicable en fonction du nombre de salariés touchés. La détermination de ce nombre est donc d'une importance capitale en ce qu'elle modifie notamment les obligations financières imposées à l'employeur.

Mais qu'en est-il des vagues de licenciements collectifs qui dépassent la période prévue par la loi? Ces dernières constituent-elles un seul licenciement collectif ou plusieurs licenciements collectifs indépendants les uns des autres? C'est à cette question qu'a répondu l'arbitre André G. Lajoie dans l'affaire Syndicat des travailleurs et travailleuses d'Orica (CSN) et Orica Canada inc. (PDF).

Les faits

Dans cette affaire, le litige portait essentiellement sur l'interprétation à donner à l'article 84.0.1 de la Loi sur les normes du travail (« LNT ») du Québec définissant la notion de licenciement collectif, et plus particulièrement sur le calcul de la période de 2 mois qui y est prévue.

En effet, l'employeur a procédé à 5 vagues de licenciements collectifs s'étalant du mois de septembre 2012 au mois de décembre 2013. Au total, 167 salariés ont été licenciés. L'employeur a payé à chacun des salariés visés une indemnité équivalente à l'avis applicable aux licenciements collectifs de 10 à 99 salariés.

À cet égard, le syndicat prétendait que l'employeur devait payer une indemnité équivalente à l'avis applicable aux licenciements collectifs touchant plus de 100 salariés. Selon le syndicat, un employeur qui dans un délai de 2 mois consécutifs procède à 10 licenciements ou plus, enclenche automatiquement le mécanisme du licenciement collectif et tout licenciement subséquent doit être inclus aux fins du calcul du nombre de salariés touchés.

Au contraire, l'employeur prétendait que le calcul du nombre de salariés touchés devait se faire sur une période fixe de 2 mois consécutifs. Chaque vague de licenciements subséquente doit être calculée séparément.

La décision

D'emblée, l'arbitre rappel le fondement des dispositions et des exigences visant les licenciements collectifs. Ces dispositions visent en effet à protéger les salariés affectés des difficultés relatives à la recherche d'emploi dans le contexte de l'arrivée simultanée d'un grand nombre de salariés sur le marché du travail.

À cet égard, rappelle l'arbitre, quatre conditions permettent de qualifier une situation de « licenciement collectif » au Québec :

  • Dix salariés ou plus sont licenciés;
  • Les salariés concernés sont au travail;
  • Les salariés visés travaillent dans le même établissement;
  • Les licenciements surviennent au cours d'une période de 2 mois consécutifs.

Selon l'arbitre, la période de 2 mois consécutifs à laquelle fait référence la LNT constitue non seulement la période nécessaire pour enclencher les diverses dispositions visant le licenciement collectif, mais également la période de référence pour comptabiliser le nombre de salariés touchés par le licenciement collectif en question. En d'autres termes, le législateur en définissant la notion de licenciement collectif a prévu une période au cours de laquelle doit se dénombrer le nombre de salariés visés.

C'est ainsi que l'arbitre rejette la prétention du syndicat au motif qu'elle aurait tout simplement pour effet de prolonger le délai prévu à la loi.

En définitive, l'arbitre conclut que la division en vagues des licenciements est un procédé légal, dans la mesure où cette division est réelle et n'a rien d'artificielle. En effet, dans cette affaire, ce sont les variabilités du marché qui ont engendré un morcellement des licenciements sur une période de plus de 15 mois.

À retenir pour les employeurs

Cette décision est d'intérêt pour tout employeur qui doit procéder à un licenciement collectif.

Cette décision met un frein à une interprétation qui aurait pu être lourde de conséquences pour les employeurs et difficilement gérable d'un point de vue des ressources humaines. Effectivement, l'interprétation suggérée par le syndicat aurait engendré la possibilité de voir tout licenciement suivant un licenciement collectif comptabilisé afin de déterminer l'avis dû aux salariés visés, et ce, pour une période indéterminée.

En terminant, il y a lieu de rappeler la mise en garde de l'arbitre à l'effet qu'un tel morcellement ne peut être purement artificiel dans le seul but de contourner les dispositions de la loi. À cet égard, il sera important de démontrer le raisonnement sous-jacent au morcellement des licenciements, le cas échéant.

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