Le projet de loi C-58, qui en sera à sa deuxième lecture, propose des modifications importantes à la Loi sur l'accès à l'information (« LAI ») fédérale. Celles-ci auront une incidence sur toute organisation qui voit ses renseignements communiqués à une à une institution gouvernementale fédérale (que ce soit volontairement ou involontairement) et sur toute personne qui demande d'avoir accès à ces renseignements.

L'essentiel des modifications est énoncé dans l'objet déclaré de la LAI qui, dans le libellé de la loi actuelle, est « d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication... »

En vertu du projet de loi C-58, l'objet modifié de la LAI serait le suivant : « d'accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l'État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions ».

Pour atteindre cet objet renouvelé, la LAI sera modifiée afin d'y insérer diverses dispositions que nous résumons ci-après.

1) Article 6.1 : En vertu de cette nouvelle disposition, l'institution fédérale peut refuser de donner suite à la demande d'accès d'une personne en vertu de la LAI si elle est d'avis que la demande est vexatoire ou entachée de mauvaise foi ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande d'accès. Par ailleurs, ce pouvoir discrétionnaire de refuser de donner suite à la demande peut être invoqué si la demande implique un si grand nombre de documents ou une recherche de documents si vaste qu'y donner suite entraverait de façon sérieuse le fonctionnement de l'institution. Le refus de donner suite à la demande d'accès à l'information en vertu de la LAI est subordonné au droit de la personne qui a fait la demande de porter plainte auprès du Commissaire à l'information.

2) Une préoccupation importante qu'ont les entreprises privées qui transmettent des renseignements à une institution gouvernementale porte sur la protection de ces renseignements, qu'elles jugent souvent confidentiels. À cet égard, l'article 20 sur les Renseignements de tiers n'est pas modifié, les renseignements de tiers étant : a) des secrets industriels de tiers; b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle; c) des renseignements dont la divulgation risquerait de nuire à sa compétitivité; et d) des renseignements, dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par le tiers en vue de contrats ou à d'autres fins, demeurent protégés contre la communication. Dans ces cas, le principe demeure : Le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication des renseignements provenant du tiers.

3) Article 36 : Le Commissaire à l'information disposera d'un nouveau pouvoir d'obliger la communication de tout document (ou de toute partie d'un document) qui relève d'une institution fédérale à l'issue d'une enquête menée par le Commissaire. Si une telle ordonnance est rendue, l'institution fédérale doit s'y conformer dans les 30 jours suivant la date à laquelle elle a été rendue ou dans les 40 jours si un tiers est impliqué.

4) Article 36.2 : Le Commissaire à l'information peut consulter le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada concernant des renseignements personnels qui pourraient être communiqués en vertu d'une demande d'accès. Si le Commissaire à l'information ordonne la communication des renseignements (en vertu de l'article 41), le Commissaire à la protection de la vie privée a le droit de contester cette ordonnance devant la Cour fédérale (article 41).

5) Article 41 : Une ordonnance rendue par le Commissaire à l'information peut être contestée en Cour fédérale (selon les circonstances) par l'institution fédérale concernée ou par le tiers concerné par la demande d'accès.

6) Article 41.1 : L'exercice d'un recours en vertu de l'article 41 a pour effet de suspendre toute ordonnance rendue par le Commissaire à l'information.

7) Article 43 : Les autres parties visées par une demande d'accès ont le droit de recevoir signification d'une demande de contestation d'une ordonnance, soit directement de la part du demandeur soit par l'entremise de l'institution fédérale (selon la partie qui s'adresse à la Cour fédérale en vue de faire infirmer l'ordonnance).

8) Article 48 : Le fardeau de la preuve que l'institution fédérale est autorisée (ou n'est pas autorisée) à refuser la communication incombe à la partie qui conteste l'ordonnance.

9) La partie 2 de la LAI (articles 71.01 et suivants) imposera un régime de publication proactive de renseignements. Ce régime est décrit dans les fiches d'information du gouvernement du Canada de la manière suivante :

« ...une nouvelle partie sera ajoutée à la Loi sur l'accès à l'information qui exige que les institutions publient de façon proactive des renseignements particuliers d'intérêt pour le public et qui offre une transparence et une responsabilisation accrue quant à l'utilisation des fonds publics. Plus particulièrement, les modifications proposées à la Loi sur l'accès à l'information permettront d'inscrire dans la Loi les pratiques de divulgation proactive qui n'étaient visées auparavant que par des politiques fédérales, d'instaurer de nouveaux domaines de divulgation et, dans son ensemble, la Loi sur l'accès à l'information s'appliquera à un plus large éventail d'organisations ».

10) Les fiches d'information font état de la portée de cette obligation en ce qui a trait aux bureaux des ministres et des institutions gouvernementales :

 (...)

La Loi sur l'accès à l'information exigera que les cabinets des ministres, y compris le cabinet du premier ministre, publient de façon proactive les renseignements suivants :

  • les lettres de mandat;
  • l'ensemble des documents d'information destinés aux nouveaux ministres (dans les 120 jours suivant leur nomination);
  • les titres et numéros de référence des notes d'information (tous les mois);
  • les notes pour la période des questions (dans les 30 jours civils suivant le dernier jour de séance de juin et de décembre);
  • les documents d'information pour les comparutions devant les comités parlementaires (dans les 120 jours civils suivant la comparution);
  • les dépenses de voyage et d'accueil (tous les mois);
  • les contrats d'une valeur supérieure à 10 000 $ (tous les trimestres);
  •  les rapports annuels sur toutes les dépenses engagées par un bureau de ministre (dans les 120 jours suivant la fin de l'exercice).

La Loi aura des exigences semblables pour les ministères, les organismes et les organisations du gouvernement énumérés à l'annexe I  de la Loi sur l'accès à l'information (le cas échéant) :

  • les dépenses de voyage et d'accueil (tous les mois);
  • les rapports déposés devant le Parlement (dans les 30 jours civils suivant leur dépôt);
  • l'ensemble des documents d'information destinés aux nouveaux administrateurs généraux (dans les 120 jours suivant leur nomination);
  • les titres et numéros de référence des notes d'information (tous les mois);
  • les documents d'information pour les comparutions devant les comités parlementaires (dans les 120 jours civils suivant la comparution);
  • les contrats d'une valeur supérieure à 10 000 $ (tous les trimestres);
  • les subventions et contributions d'une valeur supérieure à 25 000 $ (tous les trimestres);
  • la reclassification de postes (tous les trimestres).

Les exigences suivantes s'appliqueront aux sociétés d'État :

  • les dépenses de voyage et d'accueil (tous les mois);
  • les rapports déposés devant le Parlement (dans les 30 jours civils suivant leur dépôt) ».

11)  Certaines autres exigences sont imposées au Sénat, à la Chambre des communes et aux entités parlementaires (dépenses de voyage et d'accueil et contrats de services).

L'on pourrait débattre longtemps de l'à-propos de ces modifications. Quoique les modifications, pour la plupart, aient une incidence principalement sur les institutions gouvernementales, nombre de celles que nous avons relevées plus haut auront une incidence directe sur des tiers – en particulier, les modifications se rapportant au nouveau pouvoir accordé au Commissaire à l'information de rendre des ordonnances obligeant la communication de documents visés par une demande d'accès. Compte tenu du « préjugé institutionnel » du Commissaire à l'information en faveur d'une « communication accrue », nous nous attendons à ce que les tiers qui ont communiqué ce qu'ils estiment constituer des renseignements confidentiels à une institution gouvernementale seront laissés à eux-mêmes pour défendre leur point de vue à ce sujet. Ils devront donc s'adresser aux tribunaux afin de garantir la protection de leurs renseignements confidentiels.

Nous observons qu'en raison de la manière dont a été rédigé le nouvel article 41, il se pourrait que des conséquences imprévues en découlent pour les tiers qui souhaitent contester la communication de leurs renseignements confidentiels. Tel que libellé, le paragraphe 41(3) accorde au tiers le droit d'exercer un recours « [s]i aucun recours n'est exercé en vertu des paragraphes (1) [révision par la Cour fédérale à la demande du plaignant] ou (2) [révision par la Cour fédérale à la demande de l'institution fédérale]. Qu'arrive-t-il si une demande de révision est logée mais qu'elle est fondée sur des motifs de contestation qui ne répondent pas aux véritables préoccupations ou intérêts du tiers? Malgré ce libellé, nous espérons que la Cour autorisera néanmoins le tiers concerné à déposer sa demande en révision à la Cour fédérale afin de faire valoir ses propres préoccupations et intérêts. Il serait toutefois idéal que le Parlement évite des contestations inutiles devant les tribunaux sur la qualité des tiers pour agir et qu'il précise cette disposition immédiatement. Le tout étant respectueusement soumis...

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