Merci beaucoup à Fortunat Nadima, étudiant de notre bureau de Montréal, qui a écrit cet excellent article!

Qu'ont en commun un kleenex, un yo-yo et un thermos ?

Ce sont tous des objets dont l'appellation courante est un nom de marque devenu trop populaire. En droit des marques de commerce, comme dans la vie en général: Trop, c'est comme pas assez !

Tout organisme utilisant une marque pour distinguer ses produits ou services de ceux des autres investit temps et argent pour s'assurer que le public reconnaisse sa marque et, idéalement, l'apprécie. Or, cruelle ironie du sort, le public va parfois plus loin: il peut adopter la marque, puis se la réapproprier au point de ne plus l'associer à une source particulière de produits ou services. Ce niveau de popularité est à double tranchant: c'est le fun quand le public renforce la notoriété de votre marque, mais un peu moins quand les compétiteurs en profitent.

Ce phénomène d'extinction de marques qui perdent leur caractère distinctif avec le temps est souvent décrit par le terme « généricide » (suggérant littéralement la mort d'une marque devenue générique).

Les cas de généricides sont nombreux. Deux récentes affaires américaines, dont l'une est toujours pendante, rappellent l'importance de surveiller les utilisations non autorisées des marques de commerce par le public et les compétiteurs.

Je google, tu googles, nous googlons

Si quelqu'un vous demande de « googler » une information, est-ce que vous en déduisez que vous devrez nécessairement utiliser le moteur de recherche Google ? Non, diraient certains. Qu'importe, car la Cour d'appel des États-Unis pour le neuvième circuit (qui entend notamment à San Francisco les cas provenant des districts de la Californie, de l'Arizona, du Nevada et d'Hawaï) a décidé que, malgré cela, « google » n'est toujours pas devenu un terme générique.

L'affaire Elliott v. Google se lit presque comme une histoire de vengeance. En hiver 2012, Google a soumis une plainte auprès du National Arbitration Forum (NAF) contre Chris Gillespie concernant du « cybersquatting ». Ce dernier avait acquis 763 noms de domaines incluant le mot « google » jumelé à un autre nom (ex. googledonaldtrump.com, googledisney.com, etc.) – des noms de domaines que Google jugeait confusément similaires à la marque GOOGLE. Le 12 mai 2012, le NAF a donné raison à Google et ordonné que lui soient transférés les noms de domaines. Chris Gillespie et David Elliott, ont alors intenté une action en justice afin de faire annuler la marque de commerce GOOGLE. À leur avis, le mot « google » est devenu générique puisque, depuis quelque temps, il réfère principalement à l'acte de chercher une information sur Internet à l'aide d'un moteur de recherche quelconque.

Les juges de divers paliers de tribunaux en Arizona n'en étaient pas convaincus. Ceux de la Cour d'appel non plus. Dans la décision rendue le 17 mai dernier, ils rappellent qu'une marque de commerce ne devient générique que lorsque les consommateurs la comprennent principalement comme décrivant un type de produit ou service particulier, sans égard à sa source. Le mot « google », selon les juges, est toujours principalement compris comme une marque identifiant spécifiquement le moteur de recherche Google. Et ce, même si le public ou certains médias emploient parfois le verbe « googler » de façon générique et indiscriminée. Selon la Cour, cela ne prouve aucunement l'état de conscience des consommateurs. La Cour a aussi invoqué le fait que le mot « google » n'a pas pénétré le langage courant au point où d'autres compétiteurs ressentent le besoin d'appeler leurs moteurs de recherche des « googles » (ex. Bing, Yahoo!).

Plus tard cet été, un autre juge américain aura à interpréter la décision Elliott v. Google, cette fois dans un litige opposant deux organisateurs de festivals de bandes dessinées (mieux connus sous le nom « comic conventions »).

COMIC CON® pour tous !

La plupart des gens seraient d'accord que le mot « google » n'est pas encore synonyme de « moteur de recherche ». Mais peut-on en dire autant pour les termes « comic con » et « comic convention » ? Voilà la question à laquelle devra bientôt répondre le juge Battaglia du district sud de la Californie.

Il existe des dizaines de comic conventions dans le monde, incluant au moins une trentaine dont le nom officiel inclut une variation du terme « comic con »:

  • COMIC-CON (ex. San Diego Comic-Con, Baltimore Comic-Con, Comic-Con Russia);
  • COMIC CON (ex. Edinburgh Comic Con, New York Comic Con, L.A. Comic Con, Saudi Comic Con, Sillicon Valley Comic Con);
  • COMICON (ex. Toronto Comicon, Phoenix Comicon, Pittsburgh Comicon); ou
  • COMICCON (ex. Montreal Comiccon, Ottawa Comiccon).

Créée en 1970, la San Diego Comic Convention (SDCC) organise le San Diego Comic-Con (décrit dans son site web comme le « Comic-Con International: San Diego »), le plus important événement de ce genre dans le monde. La SDCC est propriétaire de la marque COMIC-CON et de plusieurs de ses variations orthographiques, avec ou sans indication géographique. Elle accorde sous licence à d'autres organisateurs le droit d'utiliser ses marques pour des événements similaires dans d'autres villes (incluant, au Canada, pour le Montreal Comiccon, l'Ottawa Comiccon et le Toronto Comicon).

Les organisateurs du Salt Lake Comic Con, lancé en 2013, ont choisi de ne pas se soumettre à cette pratique. Sans surprise, ils sont poursuivis pour contrefaçon de marques de commerce. Ils entendent même défendre leur cause devant le tribunal de l'opinion publique, en discutant ouvertement de l'affaire sur le web.

Le 28 août prochain à San Diego, la Cour du district sud de la Californie entendra une requête en jugement sommaire fondé sur le caractère générique dans l'affaire San Diego Comic Convention v. Dan Farr Productions. Les arguments écrits des parties sont déjà disponibles en ligne.

À titre de rappel, la force d'une marque dépend en partie du terme utilisé pour la décrire, allant des termes génériques (que la loi ne protège pas) aux termes plus originaux (comme Apple pour une entreprise de technologie ou Yahoo! pour un fournisseur de services Internet).

Dan Farr Productions (DFP) entend plaider que SDCC n'aurait jamais dû se voir accorder la marque COMIC-CON sous toutes ses formes, car elle était déjà générique au moment de l'enregistrement. En d'autres mots, le terme « comic con » faisait déjà partie du domaine public en tant que terme décrivant une comic convention. DFP cite en exemple un « comicon » organisé en 1964 à New York. Si le terme « comic con » n'était pas générique dès le début, il le serait du moins devenu au fil des années à cause du manque de surveillance et de l'octroi de multiples licences par SDCC.

SDCC réplique que le terme « comic con » n'a jamais été générique, ni à l'époque, ni à présent. Le fait qu'il ait été utilisé par d'autres ne prouve pas qu'il était générique avant son enregistrement. Ce que DFP tente réellement de faire, selon la théorie de SDCC, c'est d'attaquer une marque simplement parce qu'elle est descriptive. Cela n'est pas un motif d'invalidation.

L'issue de cette bataille judiciaire sera importante pour les nombreux organisateurs de comic conventions, mais aussi pour d'autres compagnies à risque de se retrouver dans une situation similaire. À suivre...


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