Le 14 juillet 2016, la Cour suprême du Canada (la « CSC ») a publié son jugement dans la cause Wilson c. Énergie Atomique du Canada Ltée. La majorité de la Cour a accueilli l'appel et rétabli la décision de l'arbitre. Elle a déclaré que le Code canadien du travail (le « Code ») n'autorise pas les congédiements non motivés, même lorsqu'une indemnité de départ suffisante est versée. Comme nous l'avons vu dans notre bulletin du 28 janvier 2015, avant cet arrêt, une certaine controverse régnait dans la jurisprudence quant à savoir si un employeur de compétence fédérale pouvait légalement congédier un employé sans motif en vertu du Code. En effet, certains arbitres estimaient que le Code n'autorise pas les congédiements sans cause, mais d'autres n'étaient pas de cet avis.

Toile de fond

En l'espèce, le plaignant, M. Joseph Wilson, a travaillé pendant quatre ans et demi pour Énergie Atomique. Il a fait l'objet d'un congédiement non motivé et a reçu une indemnité de départ équivalante à six mois de salaire. Or, il a déposé une plainte pour congédiement injustifié en vertu de l'article 240 du Code. En défense, l'employeur a fait valoir que le plaignant avait touché une généreuse indemnité de départ qui était supérieure à ce que prévoyaient les articles 230 et 235 du Code.

L'arbitre a jugé que le Code n'autorise que les congédiements motivés. Il a conclu que les employeurs ne peuvent se soustraire aux dispositions du Code qui portent sur le congédiement injustifié (soit les articles 240 à 245) en invoquant les dispositions sur le congédiement et le versement d'une indemnité de départ (soit les articles 230 et 235) ou en versant à l'intéressé une indemnité de départ non négligeable.

Monsieur le juge O'Reilly de la Cour fédérale a annulé la décision de l'arbitre. À son avis, le Code autorise un employeur à congédier un employé sans motif pourvu que le préavis et l'indemnité de départ prévus aux articles 230 et 235 soient remis à l'intéressé, mais il a précisé que l'employé peut toujours déposer une plainte pour congédiement injustifié ou alléguer que les motifs donnés par l'employeur étaient injustifiés. Selon le juge, un congédiement peut être « non motivé » pourvu qu'il ne soit pas « injustifié ».

La Cour d'appel fédérale (la « CAF») a confirmé la décision de la Cour fédérale. La CAF a conclu que le Code ne contenait pas de formulation explicite qui réfute le principe de common law voulant qu'un employeur peut congédier sans motif un employé non syndiqué s'il lui donne un préavis ou une indemnité raisonnable. Elle a confirmé que rien dans le Code n'accorde à un employé non syndiqué le droit à un emploi. Au contraire, la CAF a conclu que les articles 230 et 235 du Code, qui exigent la remise d'un préavis ou d'une indemnité, autorisent expressément un employeur à procéder à un congédiement non motivé.

Décision de la Cour suprême

Madame la juge Abella, au nom de la majorité, a passé en revue la décision de l'arbitre et appliqué dans son analyse la norme de la décision raisonnable. La majorité de la Cour a conclu que la décision de l'arbitre était raisonnable et conforme à la démarche que « la très grande majorité applique » dans les décisions sur le congédiement injustifié.

La Cour a déclaré que le Code a entièrement remplacé le principe de common law voulant qu'il existe un droit aux termes duquel on peut congédier un employé sans motif pourvu qu'on lui remette un préavis raisonnable. Elle a poursuivi en rappelant que la « constellation » des réparations prévues dans le Code, notamment la réintégration dans l'emploi, et les autres mesures équitables que l'on peut accorder en vertu de l'article 242 sont incompatibles avec le droit de congédier sans motif. Dans son analyse, la majorité a examiné l'intention du législateur au moment où les dispositions du Code ont été présentées dans les années 1970 et a conclu que le Parlement avait clairement l'intention de protéger les employés non syndiqués qui travaillent pour un employeur de compétence fédérale.

Finalement, la majorité de la Cour a conclu ainsi :

C'est seulement en concluant que le régime de congédiement injuste a écarté le droit que la common law reconnaît à l'employeur de congédier un employé sans motif moyennant le préavis raisonnable que le régime et ses réparations se tiennent. C'est ainsi que les dispositions de 1978 ont presque toujours été interprétées. Cette interprétation est fondée sur l'intention du Parlement, le libellé de la loi, la jurisprudence arbitrale et les pratiques dans le domaine des relations du travail. Toute autre conclusion contredit fondamentalement l'intention du Parlement, qui est d'apporter une solution de droit.

On remarquera que trois juges ont donné des motifs dissidents et ont déclaré qu'un congédiement non motivé n'est pas en soi injuste, tant que l'on remet à l'intéressé un préavis suffisant. La minorité a conclu notamment qu'il serait absurde qu'un employeur de compétence fédérale puisse congédier un employé sans motif pour autant que l'employé conteste la légalité du congédiement devant les tribunaux civils, mais qu'il ne puisse congédier sans motif ce même employé lorsque ce dernier s'y oppose en vertu des dispositions du Code relatives au congédiement injuste. Elle a souligné que, dans cette optique, le fondement juridique de la relation serait déterminé après que l'emploi a pris fin et en fonction du mécanisme au moyen duquel l'employé conteste le congédiement.

En rendant cet arrêt, la majorité de la CSS confirme que le Code offre de vastes protections aux employés non syndiqués, fort analogues à celles qui sont prévues dans le cas des employés visés par une convention collective. Les employeurs devraient se rappeler qu'un employé peut toujours invoquer, devant les tribunaux civils, le recours que lui accorde la common law au titre d'un préavis ou d'une indemnité raisonnable, plutôt que se prévaloir des dispositions sur le congédiement qui se trouvent dans le Code. Cependant, lorsqu'un employé dépose une plainte pour congédiement injustifié en vertu du Code, l'employeur ne peut, en défense, invoquer le fait qu'il a donné à l'intéressé un préavis raisonnable. Il est en outre possible que l'arbitre accorde la réintégration et une indemnité à l'employé congédié, indemnité qui porte non seulement sur la durée de la période de préavis, mais qui englobe toutes les pertes qui sont dues au congédiement.

L'arrêt de la CSC met fin à la controverse qui régnait en matière de jurisprudence quant à la question de savoir si un employeur de compétence fédérale est habilité à congédier un employé sans motif en vertu du Code. Dorénavant, les employeurs devront se rappeler les conséquences qui peuvent découler du congédiement d'un employé sans motif ou du risque associé à une plainte pour congédiement injustifié en vertu du Code et de la gamme de recours que le Code prévoit pour les employés touchés.

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