Qu'est-ce qu'un financement equity bridge ?

L'equity bridge est un financement octroyé à des fonds d'investissement, dont l'originalité est d'être couvert à tout moment par les engagements non appelés des investisseurs du fonds. Contrairement à un financement classique où l'analyse du risque crédit va porter sur l'emprunteur et ses actifs, l'equity bridge se distingue en portant cette analyse sur les investisseurs du fonds. La qualité des investisseurs est essentielle puisqu'ils représentent l'ultime recours des prêteurs en cas de défaut du fonds. La capacité d'emprunt du fonds est directement déterminée par les engagements des investisseurs, lesquels sont pondérés en fonction de leur notation de crédit. Pour que l'analyse crédit puisse être effectuée sereinement par les prêteurs, le fonds doit s'assurer que ses investisseurs acceptent la transmission d'informations les concernant.

Pour quel type de fonds et dans quel cas ?

Toutes les catégories de fonds d'investissements sont éligibles : les fonds de private equity, les fonds de dette, les fonds d'infrastructure ou immobilier, les fonds de fonds ou encore les fonds secondaires.

Ce financement permet d'apporter souplesse et performance dans la gestion de la trésorerie du fonds. Cette souplesse se reflète dans les conditions d'utilisation du financement qui peut être aussi bien utilisé sous forme de prêt à terme que sous forme de ligne de garantie ou de lettre de crédit. Il permet également de regrouper et rationnaliser les appels de fonds auprès des investisseurs, de mobiliser rapidement des fonds, notamment dans le cadre d'offres d'investissement préemptives ou encore de faire bénéficier aux participations du fonds, sous forme de prêts ou de garanties, des conditions financières avantageuses qu'offre ce type de financement. En période de levée de fonds et jusqu'au closing final du fonds, l'equity bridge permet aussi de financer les premiers investissements sans avoir à appeler les investisseurs initiaux. Ces avantages contribuent indéniablement à améliorer la performance générale des fonds.

Quelles sont les contraintes pour sa mise en place ?

Le principe et les conditions d'un equity bridge (y compris ses principales modalités en termes de montants et de sûretés) doivent, autant que possible, être anticipés dans la documentation du fonds pour être acceptés en pleine transparence par les investisseurs et permettre à la société de gestion une négociation efficace avec les prêteurs. A défaut, même si de nombreuses considérations économiques ou financières militent pour sa mise en place, il est commercialement difficile pour une société de gestion de revenir vers ses investisseurs pour leur demander leur accord.

D'un point de vue juridique, les recours des prêteurs contre les investisseurs s'organisant principalement dans le règlement ou les statuts du fonds (selon sa forme), l'insertion des clauses requises par les prêteurs est une condition sine qua non pour sa mise en place. En effet, contrairement au marché luxembourgeois qui organise les recours des prêteurs sur les investisseurs en prenant des sûretés (par actes séparés) sur leurs engagements non appelés, le marché français s'est développé avec la clause de stipulation pour autrui qui doit être prévue dans la documentation du fonds. Celle-ci permet aux investisseurs, en souscrivant aux parts du fonds, de s'engager directement au profit de prêteurs futurs non identifiés. L'engagement des investisseurs devient irrévocable au jour où les prêteurs acceptent

Quels sont les points de vigilance des investisseurs ?

Pour des raisons prudentielles, certains investisseurs institutionnels doivent s'assurer qu'ils n'investissent pas dans des fonds faisant appel à l'effet de levier. Il leur faut donc vérifier que les caractéristiques de l'equity bridge envisagé respectent un certain nombre de critères posés par les règlements européens, notamment le fait que les prêts octroyés soient temporaires, couverts à tout moment par des engagements non appelés et n'entrent pas dans le cadre d'un crédit renouvelable.

Les investisseurs souhaiteront également s'assurer que le financement ne leur impose pas des contraintes juridiques supplémentaires. L'equity bridge ne doit pas être source de contrainte administrative pour les LPs ou avoir pour conséquence d'augmenter leurs engagements, notamment à l'encontre des prêteurs.

Certains investisseurs demandent également à bénéficier d'informations régulières et précises sur les principales modalités du financement et sur son utilisation. Ces informations sont généralement communiquées dans les rapports de gestion du fonds.

Quelle forme juridique privilégier pour le fonds ?

Le financement est structuré en fonction de la forme juridique du fonds et de la nature de ses investissements. Il est indéniablement plus aisé de faire emprunter une société de libre partenariat (SLP) qui bénéficie d'une très grande liberté contractuelle (libre détermination par les statuts) qu'un FPCI qui ne peut emprunter en direct plus de dix pour cent (10 %) de ses actifs et dont la faculté d'octroyer des sûretés n'est que très récente. En pratique, les emprunts sont rarement mis en place au niveau des fonds, mais souvent au niveau d'un véhicule ad hoc qui emprunte sous la garantie personnelle du fonds qui le détient (cf. schéma).

Quels sont les impacts sur la documentation ?

Comme l'analyse du risque crédit repose principalement sur la qualité des investisseurs, les prêteurs sont soucieux d'être régulièrement informés sur tout événement pouvant les affecter et de bénéficier de protections contractuelles appropriées en cas de changement. La documentation prévoit ainsi le respect d'un certain nombre de ratios, notamment un ratio de réponse des investisseurs, un ratio de défaut des investisseurs ou encore un ratio de couverture des tirages en cours qui ne peut pas dépasser un pourcentage des engagements non appelés des investisseurs. Des engagements d'information sur tout ce qui pourrait affecter les recours sur les investisseurs, notamment les cas de suspension des investissements, de changement ou d'exclusion d'investisseurs sont mis à la charge du fonds et de sa société de gestion.

Outre les cas de défaillance classiques dans une documentation de financement, on retrouve des cas plus spécifiques sur la société de gestion, notamment en cas de perte de son agrément ou de son passeport européen pour exercer son activité de gestion de fonds.

En cas d'exigibilité anticipée du crédit, les délais de paiement sont rallongés pour permettre à la société de gestion de procéder aux appels de fonds conformément aux stipulations de la documentation du fonds. Ce n'est que si celle-ci est défaillante et n'appelle pas les investisseurs, que les prêteurs pourront se substituer à elle pour demander directement aux investisseurs de verser leurs engagements sur un compte du fonds dédié au versement des souscriptions et qui fait l'objet préalablement d'un nantissement en faveur des prêteurs.

Dans l'hypothèse où le financement est octroyé à une filiale du fonds, ce dernier se porte caution solidaire de ses engagements et octroie un nantissement sur ses actions.

Compte tenu de l'environnement réglementaire français et européen complexe dans lequel évoluent les fonds et leurs investisseurs, il est important de se faire accompagner lors de la structuration et de la mise en place de son equity bridge par des conseils qui maîtrisent à la fois les aspects juridiques d'un financement, mais surtout connaissent cet environnement réglementaire propre aux fonds et sont en mesure de délivrer les avis juridiques requis dans ce type de transaction par les prêteurs.

Même si l'equity bridge reste encore un produit de financement sur mesure, il bénéficie aujourd'hui de pratiques de marché stabilisées qui permettent aujourd'hui sa démocratisation à toutes les catégories de fonds.

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