C'est le 13 février dernier que la Cour suprême du Canada entendait les représentations des parties impliquées dans la désormais célèbre affaire Robinson. Aujourd'hui, la Cour Suprême s'est finalement prononcée pour clore une saga judiciaire de plus de 17 ans. Voici un aperçu des conclusions de la Cour suprême dans cette affaire.

Les points clefs de l'arrêt de la Cour suprême

Question : Comment détermine-t-on s'il y a eu reproduction d'une partie importante de l'Suvre?

Réponse : D'après la Cour suprême, il faut examiner l'effet cumulatif des caractéristiques reproduites de l'Suvre afin de décider si elles constituent une partie importante du talent et du jugement dont a fait preuve Robinson dans l'ensemble de son Suvre. On doit éviter d'analyser l'importance des caractéristiques reproduites en les examinant chacune isolément ou d'évacuer dès le début de l'analyse les éléments non susceptibles d'être protégés.

Tant la Cour supérieure que la Cour d'appel avaient conclu à l'existence d'une Suvre originale de la part de Robinson, et ce, même si l'Suvre était inachevée et encore en projet.

La Cour Suprême, à l'instar du tribunal de première instance et de la Cour d'appel, conclut à la contrefaçon de l'Suvre de Robinson expliquant entre autres que « le juge de première instance a cité des éléments visuels précis du lieu qui avaient été conçus par Robinson et reproduits par les appelants Cinar » et que l'émission Robinson Sucroë de Cinar « est également la reproduction de la combinaison particulière de personnages qui figurent dans Curiosité et qui ont des traits de personnalité distincts, habitent ensemble et interagissent sur une île tropicale — des éléments qui représentent une partie importante du talent et du jugement exprimés dans Curiosité ». La Cour confirme également que la définition de « contrefaçon » dans la Loi sur le droit d'auteur (LDA) inclut par inférence « l'imitation déguisée ».

Finalement, sur la question du test approprié pour évaluer la ressemblance entre les personnages, la Cour ne retient pas la position des appelants Cinar et statue que l'évaluation des similitudes entre deux Suvres peut se faire avec l'avis d'un expert dans le domaine, et qu'il n'est pas toujours suffisant de considérer une contrefaçon sous le seul angle de « l'observateur moyen ».

Question : La musique incorporée à une Suvre cinématographique fait-elle partie intégrante de cette Suvre?

Réponse : Oui.

Une partie importante de la réduction par la Cour d'appel des profits devant revenir à Robinson et à sa compagnie Nilem était justifiée par le fait que la musique de la bande musicale de la série télévisée Robinson Sucroë n'avait rien à voir avec l'Suvre Robinson Curiosité de Claude Robinson et que ce dernier n'avait pas droit à la part des profits engendrés par une musique qu'il n'avait pas créée.

La Cour suprême accepte plutôt les conclusions du juge de première instance qui avait conclu que les revenus relatifs à la musique qui n'était pas « le fruit d'une copie de l'Suvre de M. Robinson » et qui a plutôt « été incorporée à l'Suvre reproduite » sont indissociables des revenus tirés de l'exploitation de l'Suvre cinématographique contrefactrice et que les revenus tirés des droits musicaux devaient être inclus dans la colonne des revenus aux fins du calcul des profits.

Question : Était-il approprié de condamner les défendeurs solidairement à la restitution des profits?

Réponse : Non.

La Cour suprême maintient la position de la Cour d'appel qui avait refusé la condamnation solidaire des défendeurs à la restitution des profits engendrés par leur contrefaçon. Selon la Cour suprême, la restitution des profits, un recours prévu à l'article 35 de la LDA, n'a pas pour but d'indemniser le demandeur, ce qui est le propre des dommages «compensatoires», lesquels sont solidaires sous l'article 1526 du Code civil du Québec.

Le montant des dommages octroyés à Robinson pour préjudice psychologique était-il approprié?

Robinson en appelait de la décision de la Cour d'appel de réduire le montant des dommages pour préjudice psychologique de 400 00 $ à 121 350 $, soit la moitié du plafond établi par la jurisprudence pour le préjudice non pécuniaire. Sur ce point, la Cour Suprême rétablit les dommages accordés en première instance au motif que, dans cette affaire, les dommages non pécuniaires ne découlent pas d'un préjudice corporel ainsi que l'avait conclu la Cour d'appel, mais plutôt d'un préjudice matériel, semblable au préjudice découlant d'une diffamation. La Cour conclut qu'il n'y a pas lieu de plafonner les dommages non pécuniaires résultant d'une diffamation.

Autres questions en appel

La Cour suprême conclut également :

  • que la réduction par la Cour d'appel des montants octroyés par la Cour supérieure à titre de dommages punitifs était justifiée, mais considère que l'évaluation faite par la Cour d'appel sous-estimait la gravité du comportement de Cinar, Weinberg, Charest et Izard. Plutôt que de réduire le montant de 1 000 000 $ à 250 000 $, comme l'avait fait la Cour d'appel, la Cour suprême réduit le montant à 500 000 $.
  • que l'octroi d'honoraires extrajudiciaires des demandeurs pour les frais encourus en première instance sur la base avocat-client était justifié.
  • à l'absence de la responsabilité personnelle de Christian Davin, président-directeur général de France Animation.
  • à la responsabilité personnelle des défendeurs Weinberg et de la succession de feu Micheline Charest pour leur participation consciente et délibérée à un acte de plagiat.
  • qu'une clause résolutoire dans la convention d'actionnaires d'une société à laquelle les demandeurs Robinson et Nilem avaient initialement cédé leurs droits d'auteur dans Curiosité a entraîné la rétrocession des droits dans l'Suvre aux demandeurs au moment de la dissolution de cette société.

Contexte

En 1982, Claude Robinson dessine les premiers croquis des personnages d'une série télévisée pour enfants qui devait porter le nom de Robinson Curiosité. Il définit les personnages de la série et leur caractère sous une forme littéraire. Par la suite, Robinson et sa compagnie Nilem multiplient les démarches destinées à produire leur série. C'est dans ce cadre qu'ils contactent éventuellement la société Cinar. Les efforts considérables déployés demeurent vains, malgré les éloges reçus de plusieurs acteurs de l'industrie quant à la qualité du projet. En septembre 1995, le premier épisode de Robinson Sucroë est diffusé au Québec. Il s'agit d'une série produite par Cinar, France Animation et Ravensburger présentant de très nombreuses similitudes avec le projet de Claude Robinson, notamment en ce qui concerne l'apparence physique du personnage principal, Robinson.

En 1996, Claude Robinson et Nilem intentent une action en contrefaçon et en dommages contre les individus et les sociétés ayant participé à la production de Robinson Sucroë.

Dans un jugement rendu le 26 août 2009, la Cour supérieure du Québec accueille en partie l'action des demandeurs en concluant que Robinson Curiosité est une Suvre originale qui a été contrefaite. Au total, 5 224 293 $ sont octroyés aux demandeurs.

La saga ne fait toutefois que commencer, et le 20 juillet 2011, la Cour d'appel du Québec confirme les conclusions de la Cour supérieure quant à la question de la contrefaçon et réduit les dommages et intérêts octroyés aux demandeurs à 2 736 416 $.

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